"What’s changed?" disait hier MSNBC , la chaîne d'info peu suspecte d'être hostile à Obama?
Dix jours après les soupirs de soulagement des Américains, l’heure est désormais à l’analyse. Au premier abord, tous semblent converger vers la même conclusion : certes, la mort d’Oussama Ben Laden est une étape historique, qui permet aux Américains de tourner la page des attentats du 11 Septembre, mais elle est loin de mettre fin à la lutte contre le terrorisme.
Et quand on s’éloigne de la facilité du constat pour poser la question des conséquences sur le futur de la politique étrangère américaine et de la redéfinition des objectifs et priorités, peu de choses semblent avoir changé.
Certes, dix jours après toutes les discussions sur le lancement de l’opération, son déroulement et surtout son issue, le débat sur la mort du "meurtrier", ne fait plus question en Amérique. Le dernier sondage de NBC aujourd’hui vient confirmer la tendance des derniers jours : 80% des Américains interrogées déclarent que la mort de Ben Laden, plutôt que sa capture, était la bonne décision à prendre. De même, ils sont près de deux tiers à approuver la décision de ne pas diffuser les photos prises après la mort du leader d’Al Qaida.
Sondage NBC
Mais si la mort d’Oussama Ben Laden fait consensus, les questions de la guerre en Afghanistan, des relations avec le Pakistan et surtout de la place de la sécurité nationale dans la politique intérieure font réapparaitre clivages et polémiques.
1/ Si beaucoup font du dimanche 1er mai "le jour où Barack Obama est devenu Commandant in Chief" - et vous savez à quel point cette notion est importante dans les valeurs américaines et indissociable dans l'esprit des citoyens de ce pays avec le métier de Président - Républicains et Démocrates cherchent maintenant à s’emparer du débat post-Ben Laden et se déchirent de plus bel sur le futur de la guerre en Afghanistan.
L’opposition veut faire de la sortie du conflit le nouveau défi du Président, en multipliant discours et petites phrases pour expliquer que le vrai test pour un Commandant en chef est de savoir terminer une guerre ("will Obama have the guts to walk away ?") dont certains d’entre eux vont même jusqu'à murmurer qu’il l’avait déjà perdue. Un comble pour ceux qui ont soutenu la guerre en Irak!
Ainsi, c’est sans scrupule qu’on pouvait entendre un représentant républicain, Walter Jones, répéter sur toutes les chaînes que "alors que nos seniors ne peuvent (même) plus de (quoi s’offrir) un sandwich pour le déjeuner, qu’il n’y a plus de lait sur la table de nos enfants le matin, nous dépensons $8 milliards pour soutenir un leader corrompu (entendez Hamid Karzai) et nous envoyons des hommes et des femmes Américains se faire tuer au combat".
Mais du côté démocrate, certaines voix font écho à ce type de propos. Et si la Maison Blanche affirme qu’il est trop tôt pour penser à un quelconque changement de plan ou de stratégie, certains élus se demandent s’il n’est pas en effet temps d’abandonner la mission de démocratisation en Afghanistan pour retourner aux purs objectifs de surveillance et de contre-terrorisme.
2/ Dans un contexte économique toujours aussi tendu, les Républicains ont donc bien compris que le seul moyen de ne laisser à Obama le temps de marquer l’événement était de ramener tous les débats à la question économique et budgétaire.
Car s’il est vrai que Barack Obama a bénéficié d’une hausse dans les sondages à la suite de la mort de Ben Laden, les chiffres restent cependant sévères. Non seulement, il ne s’agit que d’une hausse relative de trois points (le taux de popularité de BO est passé de 49% à 52%, ce qui, en tenant compte de la marge d’erreur est bien peu significatif), mais de plus, sa politique économique est toujours critiquée et peu comprise avec seulement 37% des Américains interrogés qui se disent satisfait sur la façon dont le président gère l’économie.
Et quant au soupçon d’aide et de faveurs accordées à Oussama Ben Laden par le gouvernement pakistanais, dont on présume qu'il connaissait les caches du leader d’Al Qaida, ce sont tous les Républicains qui montent au créneau pour demander des comptes sur les relations entre les deux pays.Hier, le chef de file des Républicains à la Chambre, John Boehner, a longuement remis en question l’efficacité et les choix de politique étrangère de la Maison Blanche qui a prévu, dans le budget de 2012, plus de $3 milliards d’aide au Pakistan, portant à $20 milliards l’aide apportée au gouvernement pakistanais depuis 2002.
Dossier du NYT d'hier sur l'aide au Pakistan
3/ Loin de vouloir définir ce que tous appellent désormais l’"après-Ben Laden", la Maison Blanche cherche, elle aussi, à engranger des points et profiter de cet apaisement dans les sondages pour revenir à un dossier des plus sensibles, celui de l’immigration.
Barack Obama s’est envolé hier pour le Texas, au bord de la frontière mexicaine, pour prononcer un discours sur le thème – très choisi – de la sécurisation des frontières et de l’immigration.
Et avant même de se pencher sur les réformes proposées par Obama, nombreux sont les journalistes qui titraient que "le Président (qui avait déclaré la veille que c’était un bon moment pour revenir sur le dossier de l’immigration), "portait sa victoire aux frontières"…
Autrement dit, il a vite compris que seule la situation intérieure économique et sociale, voire sociétale, fera l'élection et qu'il s'agit de profiter de l'embellie - relative - pour avancer. Mais Dieu que les victoires sont fragiles!
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