Politique et télévision ici et là

Dimanche soir, la télévision américaine offrait, par chaînes interposées, le match politique d’après-midterms, avec une interview spéciale de Barack Obama sur CBS et la grande première d’un reportage version télé-réalité sur "l’Alaska de Sarah Palin" ("Sarah Palin's Alaska") sur la chaîne TLC, "The Learning Channel", une chaîne du cable dédié aux programmes de découverte et éducatifs (!)

Premier épisode donc (sur une série de 8)  de la vie de Sarah Palin. Les responsables de la chaîne l’affirment en chœur : il n’est absolument pas question de politique dans ce programme, mais de partir à "la découverte de la ‘dernière frontière’ (nom donné à l’Etat d’Alaska) à travers les yeux d’une de nos plus célèbres citoyennes, Sarah Palin. Sarah sera rejointe par les membres de sa famille afin de nous faire partager l’Etat qu’elle connaît (si bien) et qu’elle aime."

Cette émission, qui a été tournée cet été, nous entraîne donc dans le simple quotidien de la famille Palin… et quel quotidien : pêche au saumon dans les rivières sauvages, kayak, randonnée en forêt, escalade en montagne, tir à la carabine, sans oublier observation de ses grizzlies fétiches… Bref, celle qui se décrit "comme une Américaine normale, comme tout le monde, dans la moyenne" a tout de même des journées bien chargées... ("I would describe myself, my family, as just normal, average, everyday Americans.")

Un coup d’œil à la bande-annonce de l’émission suffit cependant pour comprendre que cette émission relève davantage d’une campagne publicitaire pour candidat politique que d’un spot pour l’office de tourisme de l’Alaska, tant Sarah Palin est de tous les cadrages.
Bande annonce de l'émission de S Palin

Le brushing impeccable, celle qui voulait rompre avec son image un peu trop autoritaire  travaille son capital sympathie en s’affichant comme une mère de famille traditionnelle et juste, préparant des cookies et rappelant la sagesse des vieux adages à ses enfants.  "A poor day of fishing beats even a great day of work" / "Un mauvais jour de pêche vaut mieux qu’un bon jour de travail". Forte pensée!

Du côté des politiques, on a dénoncé la médiatisation à outrance de la famille Palin (car il faut savoir que depuis la rentrée, les Américains ont aussi le droit à Bristol, la fille aînée, dansant le tango ou la valse dans l’émission d’ABC "Dancing with the Stars").
Les Démocrates critiquent l’absence de frontières et le mélange des genres de celle qui, certes, a renoncé à son mandat de gouverneur, mais cumule les interventions sur FoxNews et les campagnes de soutien aux candidats du Tea Party, tout en continuant malicieusement d’entrenir le mystère autour de son éventuelle candidature pour les présidentielles de 2012.
Les Républicains ne sont guère plus contents et ceux qui, comme Karl Rove, raillaient la co-listière d’hier prennent désormais très au sérieux la menace Palin, qui leur a déjà coûté, murmure-t-on, la majorité au Sénat.

En face, dans la très classique émission "60 Minutes", Barack Obama apparaissait bien terne et sérieux.
Enregistrée après les élections, cette interview était diffusée le soir du retour d’Asie du président, une façon de tenter de reprendre la main et de clore enfin discussions et analyses sur la défaite.

Mais à force d’humilité, Barack Obama, lui aussi cherchant à peaufiner son image et à se rapprocher des Américains, a fait peut-être un pas de trop dans la confession attristée.
Ainsi a-t-il expliqué pendant une heure qu’il s’est senti parfois découragé par la situation économique dans laquelle il avait trouvé les Etats-Unis et mécompris lorsqu’il a fallu défendre les réformes les plus importantes de son début de mandat : "J'ai pris la décision de mener cette réforme (de l’assurance-mladie) et cela nous a coûté politiquement, sans doute un peu plus que ce à quoi nous nous attendions. (…) Je n'ai pas pu obtenir des Républicains la coopération que j'espérais. (…) Et ça nous a coûté, notamment parce que cela a créé des divisions et des chamailleries qui ont vraiment fait fuir les Américains."

Dans un nouvel élan de remise en cause, le président américain a reconnu, une nouvelle fois sa part de responsabilité dans la défaite, expliquant qu’il ne s’était pas assez attaché à changer Washington et à œuvrer pour la bonne entente entre les deux partis : "En tant que président, on est tenu responsable de tout. Mais vous ne pouvez pas toujours tout contrôler, notamment une économie aussi vaste. (…) J’ai négligé certains points auxquels les Américains attachent beaucoup d’importance, et avec raison : maintenir un ton bipartisan à Washington". (“I neglected some things that matter a lot to people, and rightly so: maintaining a bipartisan tone in Washington”).

Ainsi les Américains ont eu le droit cette semaine à deux versions d’une même leçon de communication politique. Pour Sarah Palin, il s’agissait de renouer avec l’Amérique profonde, comme elle le dit elle-même et faire oublier ses extravagances et ses dépenses de garde-robe passées. Pour Barack Obama, il s’agissait de faire taire les accusations d’arrogance et de renouer avec des électeurs déçus ou en colère. Ont-ils pour autant convaincu?

Et en France, me direz-vous? Je ne parlerai pas du fond, mais de la forme simplement de l'interview télévisée d'hier soir. Ca ressemblait évidemment plus à "60 minutes "(en fait 90!) qu'à un reality-show, pas de doute. Mais je pense parfois que les étrangers visitant la France et passant près d'un petit écran, doivent se dire qu'elle est singulière, notre  orgueilleuse République qui se flatte d'avoir apporté la lumière critique au monde,  qui met en majesté son Chef de l'Etat sur trois chaînes à la fois, à l'heure de la plus forte écoute, non pas dans une des émissions emblématiques de la télévision mais dans un programme créé tout spécialement pour lui et diffusé sur plusieurs chaînes en même temps à des télespectateurs captifs.

Travers français que partagèrent tous les Présidents de la Vème République - même si certains sont allés parfois dans des émissions existantes - mais disons simplement que ça ne s'arrange pas. C'est une autre différence avec la démocratie américaine, où le Président s'invite aussi à la télé quand il le veut, mais dans le cadre des programmes habituels, et qui multiplie par ailleurs les conférences de presse. Ce doit être une autre forme d'exception française. A laquelle nous tenons?

Comments

[Rédigé par : CelineElias]

Et personne ne fait jamais de faute sur le net car nous sommes tous en train de nous relire 20 fois avant de poster....ah la la...☺☺☺☺☺☺☺☺

Si tout le monde écrivait comme Anne avec ses claviers changeants selon les jetlags, les correcteurs n'auraient plus de boulot !!! Moi je connais des gens qui écrivent des bouquins en faisant une faute d'orthographe à chaque ligne - dans le meilleur des cas - et qui ont tout le temps pour se relire sans changer de clavier. On fait tous des fautes. Tous ! Alors, un peu de compréhension envers ceux qui n'en font que de frappe, SVP. Merci.

[Rédigé par : Anne Sinclair]

Zinette, merci de votre vigilance orthographique. Ça s'appelle une faute de frappe, car j'écris toujours impeccable...de façon impec! ☺☺☺☺ Cela dit, c'est vrai que je n'ai pas d'accent sur mon clavier américain et m'efforce la plupart du temps à les rajouter...

[Rédigé par : Zinette 75]

Impeccable prend deux c et pas d'accent aigu sur le e
Anne vous n'avez pas de correcteur d'orthographe aux Usa !

[Rédigé par : ghislaine]

Comme vous l'écrivez justement, aucun président français n'a fait ou je suis certaine, ne fera l'effort de venir dans une émission politique.

Pourquoi ? Peut être parce que les Français ne l'admettraient pas comme ils n'arrivent pas à admettre qu'un président leur ressemble. Un pays qui a coupé la tête à son roi mais qui au fond de lui-même continue à être monarchique.

Deuxième raison : les journalistes sont soupçonnés de collusion avec le pouvoir donc toute émission serait par la suite, certainement boudée par le téléspectateur.

Enfin, le président, que j'ai écouté, a présenté sa politique pour les mois à venir, je ne sais pas si le président américain fait le même exercice. Il parle plus librement que si il devait faire front à des questions sur l'actualité du moment. Je vois bien un Apathie, un Mace-scaron, J.F. Kahn en train de poser des questions! Ce serait la foire à l'empoigne et l'électeur ne serait pas plus avancé et boycotterait les fois suivantes.

Nous sommes en France peut être rétrogrades mais nous nous intéressons de plus près à la politique, nous savons ce qui se passe ailleurs et nous savons où le situer sur le globe terrestre. Je ne dirai pas la même chose des Américains.

Que pensez-vous du buzz sur le débat qui a suivi la prestation du président N. Sarkozy ? Très révélateur de la peur justement de débattre et des pratiques des journalistes !

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/media/20101118.OBS3182/segolene-royal-en-duplex-dans-la-piece-d-a-cote.html

[Rédigé par : Marc Larivière]

Sarkozy lebt wie Gott in Frankreich

Leben wie Gott in Frankreich : Vivre comme dieu en France, c'est vivre comme un coq en pâte...
Voir à ce sujet un article édifiant de Bernard Gensane sur son Blog du Nouvelobs...

[Rédigé par : Anne Sinclair]

Stanislas, pour être franche, il n'y a pas beaucoup de chaines de télé qui refusent d'avoir le Président pour invité. Ni ici, ni ailleurs. Ce qui me troublait c'était cette propension très française à avoir un programme spécial diffusé sur plusieurs chaînes à la fois, et non une émission régulière qui recevrait le Président.
Mais après tout, qu'un Président choisisse son media pour intervenir, cela intéresse toutes les chaines du monde. Parce que cela fait de l'audience, parce que cela apporte du prestige.

[Rédigé par : Stanislas Brossollet]

Bonsoir à tous,

Sur la forme de "l'interview" télévisé de N. Sarkozy (je ne parlerai pas du fond qui n'a pas droit de cité ici) par rapport à ce qui se passe aux USA, je me demande, Anne, pourquoi nos médias supposés indépendants (TFI et Canal +) se prêtent de si bonnes grâces aux oukases élyséennes et accepte de jouer le jeu de la présidence en offrant leurs antennes à ce show à sens unique.

Que France 2, chaine publique, ne puisse s'y soustraire, passe encore, ( et il y aurait beaucoup à dire à ce sujet). Mais que des chaînes privées soient ainsi à la botte du pouvoir et accepte non seulement de bouleverser leurs programmes mais en plus de voir leur "journalistes" vedettes (je mets des guillemets car dans cet exercice ils ne sont plus journalistes mais pantins du pouvoir !!!) se faire malmener me dépasse et m'afflige.
N'y a t-il personne capable de dire non dans ce pays ! Ou alors les enjeux économiques sont tels qu'ils leur font, comme souvent, avaler la couleuvre sans sourciller.
En m'adressant à vous, Anne, qui connaissez si bien les rouages cachées de l'information télévisée en France, j'espère avoir des éléments de réponse à cet anachronisme choquant et bien français.

Comment voulez vous ensuite que l'information télévisée puisse garder une semblant de crédibilité quand les patrons et leurs sbires sont ainsi aux ordres et se montrent aussi serviles avec le pouvoir en place.
Bonsoir à tous après, j'en suis désolé, ces mots passablement amers.
Stanislas

[Rédigé par : Paul Laurendeau]

Madame Palin: du populisme chic, du toc passionnel, de l’absence de substance intense. America in Decline ne pourrait pas trouver meilleure cantatrice… Elle continue de jouer au maverick, comme lors de la campagne de 2008, vous vous souvenez?

Il faut d'ailleurs faire observer, sur ladite notion de maverick, qu’y figure l’idée, un peu technique, de ce qu’on nomme en français le marronnage animal (retour à la condition sauvage d’animaux initialement domestiqués). Un maverick c’est un bœuf ou un cheval QUI FUT JADIS DANS L’ENCLÔS MAIS EST MAINTENANT RETOURNÉ A LA LIBERTÉ DE LA VIE SAUVAGE. On sent bien la malhonnêteté criante que cultiva alors la liste McCain/Palin quand elle s’attribua ce genre de pureté sanctifiante renouvelée de Far West à la manque.

On devine parfaitement à qui appartient le ranch que Madame Palin chercha alors à fuir… Qu'en est-il aujourd'hui?
Paul Laurendeau

Paul Laurendeau

[Rédigé par : Mélanie]

Mrs-DSK,

je viens de lire votre mise au point et reconfirmation sur la candidature de votre époux au FMI... La "légende" en question circulait depuis le début, comme sur le soutien de Frau Angie Merkel(à Sarko), vis-à-vis du renvoi des gitans roumain, démentie aussitôt par la chancellerie allemande...

[Rédigé par : Mélanie]

Bonjour from wet Tolosa!

Lady-Anne,

à propos de votre post et du dernier paragraphe, votre question est rhétorique, of course...

Je n'ai pas eu la patience de regarder et écouter Sarko jusqu'à la fin pour cause de mise-en-scène, au théâtre, ce soir:"Nico, le bienheureux et les 3 élus"...

Un proverbe roumain, traduit mot-à-mot, dit ne pas essayer de vendre des concombres à un maraîcher, en l'occurrence, Nico a essayé de nous faire avaler(sic!) des concombres masqués, je vous laisse deviner qui étaient le chourave et le grand patatoseur...;-)

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@Céline, merci.

[Rédigé par : Mélanie]

@Yul:"Run Sarah Run ................"

yep, right, Thanxgiving's drawin' near, we'll need to stuff "them" turkeys...☺;-)☺

[Rédigé par : Michèle Doige]

Bonsoir Anne, bonsoir à tous

Sarah Palin se lance dans la téléréalité, plus rien ne m’étonne d’elle, tous les moyens sont bons en matière de populisme y compris le ridicule ! Rien que 8 épisodes c’est court ☺☺

Titre de Libé "Sarah Palin le show et l’effroi " !
L’émission "Sarah’s Palin Alaska " est présentée comme une émission sur l’Etat d’Alaska ! avec une partie touristique et une partie documentaire mais si celle-ci repose sur la vie trépidante de Sarah Palin guère typique de tous les habitants de l’Alaska nous sommes loin de l’émission éducative, enfin vous me direz tout dépend du sens que l’on nomme au mot éducatif !

Sarah Palin souhaite que cette émission montre aux spectateurs "the wonder and majesty of Alaska to all Americans." Certes, certes ! Il faut avoir de l’aplomb pour affirmer cela.

Le thème musical est la chanson "follow me there "( non non merci il fait trop froid pour moi dans cette contrée et sa compagnie ne m’est pas indispensable ☺☺ ) du groupe chrétien, on ne se refait pas, "third day " ( en référence à Jésus ressuscité au troisième jour ). Chacun ses convictions et ses choix religieux, bien évidemment, mais pourquoi choisir cette accompagnement musical s'il s'agit d'une émission de découverte !

Quant à Obama ce fut courageux de sa part de faire son auto critique et son mea culpa, il serait contre productif de faire acte de repentance sans cesse et de montrer son incapacité à se battre pour relever l’économie. Les américains ont certes besoin de vérité après l’ère Bush mais ils veulent surtout voir un Potus sûr de lui mais sans arrogance.

Quant à la comparaison des interventions télévisées des Présidents français et américains que dire ?
Hier soir il paraît qu’il s’agissait d’une interview de notre Président par trois journalistes, j’y ai plutôt vu une allocution déguisée. Et les pauvres journalistes bien mal traités étaient tout penauds et ne réagissaient pas au mépris pour le moins affiché à leur égard. Anne, vous n’allez pas vous vanter et je ne vous flatterai pas mais avouons que lorsque vous officiez sur les chaînes françaises vos interventions étaient tout de même plus incisives et votre sens de la répartie bien acérée !

[Rédigé par : Yul]

Hé hé hé Mama Grizzly bites the dust once again. Deux semaine après que ses ptotègées ont subit des défaites , elle et Joe Miller se cassent la gueule en Alaska:

Alaska Senator Lisa Murkowski has won re-election, defeating a Republican candidate backed by the Tea Party
http://www.bbc.co.uk/news/world-us-canada-11781642

Who said there is no Karma :-)

Run Sarah Run ................

[Rédigé par : Robert]

Bonjour !

Le SP show ou le BO show = le règne absolu de la comm'...

Les USA, véritable labo en la matière, sont-ils en train de faire la démonstration que c'est d'abord comme ça qu'on gagne une élection et qu'on se maintient au pouvoir ?

En ce qui concerne le Sarko show par contre, ce qui me frappe par-dessous tout, outre les outrances du décor et du format, c'est le "manque de rigueur et de vigueur" des journalistes "vedettes".

[Rédigé par : David]

J'ai trouvé les journalistes qui ont interviewé Nicolas Sarkozy très "politics". 3/4 des questions étaient centrés sur de l'image et non sur les questions de fonds (policies). A ce jeu là, Nicolas a été le plus fort et a fait sa petite pédagogie de la gouvernance.
Pauvre Claire Chazal d'ailleurs (elle a fait HEC, c'est ça ?)... Qu'en pensez vous chère Anne ?