Imaginez que vous lisiez un jour une pleine page dans le Figaro rassemblant 90 milliardaires - parmi lesquels MM. ou Mmes Pinault, Arnault, Bolloré, Bouygues, Bettencourt and co - demandant la suppression de l'avoir fiscal, ou l'augmentation de l'ISF... Vous auriez l'impression d'un monde à l'envers.
C'est pourtant ce qui s'est passé aux Etats-Unis, et il n'y a que dans ce pays paradoxal - le sanctuaire du capitalisme mondial - qu'on peut voir cela: une pétition de 90 millionnaires en dollars demandant à ce que, pour réduire le déficit américain on augmente leur taux d'imposition à eux, qu'ils trouvent trop faible! Parmi eux, Bill Gates ou Warren Buffet qui, comme le note Aires dans vos commentaires, a dit qu'il était plus normal que si l'on demandait un effort aux contribuables, ce soient les plus riches d'entre eux qui paient - et donc lui même - et non le citoyen lambda.
Tout cela dans la difficile bataille et le bras de fer que mène BO sur la fiscalité.
Au coeur du débat on retrouve celui sur le prolongement des allègements fiscaux, accordes par W. Bush en 2001 et qui arrivent à expiration à la fin de l’année. Mais si ce dossier a été longtemps une question de fiscalité, il a pris des dimensions politiques et symboliques fortes.
En effet, en refusant le moindre compromis ce week-end, l’opposition a montré qu’elle préférait le blocage à une avancée partielle. Pour les Républicains, les allègements fiscaux seront à reconduire pour l’ensemble des Américains ou ne seront pas.
En face, Barack Obama, voulait reconduire la mesure uniquement pour les classes moyennes et en difficulté, et il continuait de répéter qu’il "est très déçu" par l’acharnement de ses adversaires et "continue à penser qu'il est absurde que les baisses d'impôts des classes moyennes soient prises en otage au profit de réductions fiscales pour les 2% d'Américains les plus riches".
A entendre journalistes et politiques tout le week end dernier, ce débat est devenu un test de l’autorité d’un Président donné de plus en plus affaibli et lâché par les libéraux et les Indépendants.
Ainsi, les Républicains ont habilement renversé le débat en agitant la menace d’une hausse d’impôts déguisée, expliquant que Barack Obama cherchait à taxer les artisans, les commerçants, les patrons de petites et moyennes entreprises et les dirigeants des grosses sociétés américaines qui ont résisté à la crise, ceux qui, selon eux, peuvent relancer l’économie et aider les Etats-Unis à sortir définitivement de la crise. Utilisant l’annonce d’une nouvelle hausse du taux du chômage (estimée à 9,8% pour le mois de novembre), ils accusaient le Président et son administration de chercher à récupérer de l’argent auprès des Américains pour masquer leur mauvaise gestion économique.
Du côté démocrate, si on expliquait encore samedi que les Républicains, par leur refus du dialogue, prenaient les classes moyennes en otage, on se demandait quand même si Barack Obama n'allait pas –encore – plier.
Ce serait, disaient-ils, une concession de plus, voire de trop, à une opposition qui, de toute façon, ne cherche pas le compromis et a vite fait d’oublier ses promesses de travailler ensemble et d’entente bipartisane.
Ainsi pouvait-on entendre le week end dernier les plus remontés des Démocrates faire la liste de ce qu’ils avaient déjà concédé aux Républicains : Guantanamo toujours pas fermé, les lois sur le "climate change" toujours bloquées, le ‘Don’t Ask Don’t Tell’ toujours pas abrogé, le financement de certaines parties de la reforme de l’assurance-maladie toujours pas voté…
Et c’est le manque d’audace, la naïveté d’un président jugé trop centriste et reculant devant l’affrontement qui a refait surface dans les esprits des élus démocrates mecontents.
Hé bien, Barack Obama a annoncé hier soir avoir accepté un compromis avec les républicains. Le projet inclut une prolongation des cadeaux fiscaux pour tous les contribuables --y compris les plus aisés -- pendant deux ans, en échange d'un déblocage des allocations chômage.
Et aujourd'hui, c'est Biden qui est envoyé au Congrès pour tenter de persuader les Démocrates de faire ce deal avec les Républicains.
Alors, faible ou fort ce Président? Et que dites vous de ces millionnaires surprenants dans un monde sans pitié? Peut-être que Cantona aurait un avis sur la question...
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