" Deux ou trois choses vues d'Amérique "

Un nouveau candidat?

Vous connaissez Donald Trump? Non? Vous ne perdez rien. C'est le dernier candidat en liste pour 2012 (rassurez-vous, aux Etats-Unis!).

C'est un milliardaire (3 milliards de $ d'après le magazine Forbes) de 64 ans, connu pour ses immeubles, ses divorces très coûteux et sa coupe de cheveux roux (mèche en avant, genre perruque). La Trump Tower de NY qui a bien  40 ans d'existence, est le building le plus vilain de la ville. En verre couleur or, du plus mauvais goût!

Il est contre l'avortement, contre l'interdiction des armes à feu et pour d'autres propositions tout aussi progressistes. Et s'il occupe les médias en ce moment, c'est pour avoir réclamé à corps et à cris un "birth certificate" de la part d'Obama (qui l'a publié maintes fois sur Internet). Il rejoint ainsi ceux qu'on appelle les "birthers", ceux qui veulent accréditer le doute sur la naissance d'Obama (pour eux il ne serait pas né à Hawaï en territoire américain et donc pas présidentiable ni la première ni la future seconde fois) et surtout acrréditer la  rumeur selon laquelle il serait musulman.

 Tout cela serait risible et lamentable s'il ne donnait pas du grain à moudre à l'extrême droite, s'il ne nourrissait pas les fantasmes américains les plus dégradants. Je ne vous en aurais même pas parlé, s'il ne faisait pas la une de tous les shows d'info américains qui veulent faire de l'audience. Et c'est la troisième fois en une semaine que je le voyais ce matin à la télévision. D'où ce billet.

Obama définit des règles

Les Républicains ne finissent pas de me mettre en boule. Neuf jours après l'intervention internationale en Libye, ils sont là à trépigner: mais quelle est la sortie de cette opération? Quand finira-t-on? Combien ça coûte? Ils se sont posés la question avant d'intervenir seuls ou presque en Irak??? Et qui, il y a dix jours accusait Obama d'indécision?

Obama a fait un bon discours hier soir (27 minutes), même s'il persiste des zônes d'ombre. Il parlait à la National Defense University de préférence à  la Maison Blanche, ce qui donne  davantage de poids  à ce qui pourrait s'apparenter davantage à une "doctrine" Obama plus qu'à une intervention politique.

Il a dit que les Etats-Unis avaient la reposnsabilité d'empêcher un massacre après que Kadhafi en a manifesté l'intention. Il a insisté sur le fait que cette intervention n'était pas une "croisade" (c'est moi qui souligne, perfidement) des seuls US mais qu'elle s'était faite avec les alliés les plusproches et que mercredi, l'OTAN prendra la relève. "Cela aurait été une trahison de nos valeurs. Il y a des pays qui peuvent se cacher les yeux des atrocités qui se passent dans d'autres pays. Pas les Etats-Unis" . ("It would have been a betryal of who we are. Some nations may be able to turn a blind eye to atrocities in other countries. The US is different".").

Ouais... Et en Syrie, si Assad massacre son opposition? Et en Iran il y a deux ans? Et si les révoltes continuent dans des pays totalitaires??? Bon, ne chipotons pas...

En même temps, il a tracé les limites de l'opération pour les US. Aller au delà de la protection des civils pour mettre Kadhafi dehors risquerait de séparer la coalition des pays arabes qui la soutiennent. "Pour être franc, c'est ce que nous avons fait en Irak" a-t-il ajouté. "Cela a pris 8 ans de changer le régime, des milliers de morts Américains et Irakiens et presque 1 trillon de $" (= 100 milliards ou 1000 millards?)" "Nous ne pouvons pas nous permettre de recommencer en Libye"

Bon tout cela n'empêche évidemment pas les questions: combien de temps durera l'opération? Que se passe-t-il si Kadhafi reste maître d'une partie de la Libye et comment éviter si la coalition se retire , qu'il regagne le terrain perdu? Comment conjugue-t-on ces objectifs déclinés par BO avec ses déclarations antérieures - ou celles d'Hillary aujourd'hui - que Kadhafi devrait partir?

C'est tout le problème de l'ingérence humanitaire ou militaire. Dans quels cas? Pourquoi ici et pas là? Et l'objectif final est-il d'établir la démocratie dans le monde? Si c'est cela, il y a du boulot!

 

Manquent pas d'air!

La ville est tombée entre les mains des opposants à Kadhafi. Premier gros revers pour le dictateur lybien, grâce au courage des combattants et aux bombardements de la coalition.

Voilà qui va redonner un peu d'air ici à Obama très critiqué pour cette guerre qui n'en est pas une tout en étant bien réelle. Les Démocrates comme les Républicians protestent que le Congrès n'ait pas été mis dans le coup, et Obama parlera au pays lundi soir. Déjà aujourd'hui dans son adresse hebdomadaire, il a rappelé aux citoyens de son pays que protéger des populations n'étaient pas seulement un devoir d'humanité, mais que c'etait aussi dans l'intérêt des Etats-Unis. Qui cependant n'interviennent pas à chaque fois a-t-il dû préciser. En effet comme l'un de vous le fait remarquer, qui s'intéresse à ce qui se passe en Côte d'Ivoire?

Il est cocasse quand même que les Républicains, qui sont partis la fleur au fusil faire la guerre pendant des années en Irak sous le (faux) prétexte qu'il y avait des armes de destruction massive, soient aujourd'hui en train de faire la fine bouche devant une décision pour une fois multilatérale, sans (trop) d'arrières pensées et avec le soutien (timide, mais soutien quand même) de la Ligue Arabe... Et les mêmes qui ont dépensé des milliards de dollars pour une guerre inutile s'inquiètent de savoir combien cette opération en Libye qui n'a que 8 jours  va coûter au citoyen américain. Vietnam, Irak deux fois, Afghanistan, cela fait des guerres et des guerres que les Américains mènent ou auxquelles ils participent sans qu'il soit jamais question du coût. Et là brusquement, les bonnes âmes Républicaines s'émeuvent... Il y a des fessées qui se perdent.

 

Avec l'armée des ombres en Libye

L'actualité fait un peu du surplace:  Fukushima qui va mal, les opérations en Libye dont on ne voit pas la suite, la révolte dans les pays arabes qui s'etend au Yémen et à la Syrie. J'ajoute, pour les Français non parisiens, les cantonales (espérons qu'ils votent davantage au second tour) et des propos de personnalités éminentes, mais que je ne commenterai pas...

Je voudrais juste ce soir rendre hommage à un journaliste talentueux et courageux de NBC, chef du service étranger, Richard Engel, qui suit les opérations au sol en Libye depuis le début, et qui fait route avec ceux qu'on appelle à tort les "rebelles" et qui sont les opposants au tyran libyen.

Il nous montre de près le pauvre asrsenal de cette armée dépenaillée, sans tanks, sans uniformes, sans autres armes que quelques kalachnikov, et se déplaçant vers Tripoli dans des guimbardes qui tombent en poussière. Les Soldats de l'An II à côté d'eux étaient plus proches des Panzer Divizionen de Guderian traversant les Ardennes!...

Et soudains des avions de Kadhafi bombardent le terrain désertique où ils se trouvent et ils n'ont tous, journalistes compris, qu'à ramper deriière un pauvre buisson de ronces. Le cameraman s'aplatit au sol aussi, ne lâche pas sa caméra et  Richard Engel, continue essouflé, son excellent reportage.

Pardonnez-moi de rendre un hommage à la profession quand elle est bien exercée. Le journalisme, c'est pas seulement rapporter et commenter la petite phrase incommentable, c'est aussi cela. Chapeau.

Les yeux de Liz

Liz Taylor vient de mourir. Elle avait 79 ans.

Les plus beaux yeux (violets) du cinéma américain. Aussi célèbres que ses disputes avec son ex-mari, le si beau Richard Burton. Aussi bouleversants sûrement que furent ceux de la vraie Cléopâtre. Aussi brillants que les innombrables bijoux dont elle était affublée.

Qu'il est dur de voir vieillir ou se dégrader une icône. Elle fut celle de mon enfance. Mais depuis de nombreuses années, la maladie (l'alcool aussi peut-être) avait déformé le visage et le corps en en faisant une caricature de vieille femme courant après sa jeunesse avec des liftings un peu ratés et les bijoux les plus voyants.

Il faut revoir "Une Chatte sur Un Toit Brûlant" avec Paul Newman si je me souviens bien, et ne garder d'elle que l'image magnifique d'une des plus belles femmes d'Hollywood. Peut-être Garbo avait-elle raison et aurait-il fallu qu'elle se cache des photographes une fois la splendeur passée? Peut-être Garbo avait-elle tort et qu'il ne sert à rien de conserver l'image que les temps dispersent de toute façon, et qu'il faut continuer à vivre, aimer, souffrir en se fichant de son reflet dans la glace. J'espère que c'est ce qu'elle voulait.

Sauver les rebelles, ou....

Aux Etats-Unis, le débat est lancé très clairement sur les objectifs de la coalition qui en effet ne sont pas clairs : seulement protéger les rebelles? les aider, c'est-à-dire  prendre parti pour un camp? faire partir Kadhafi? rester combien de temps? sous quel commandement?

Après l'euphorie humanitaire et consensuelle des premières heures, le trouble s'installe: d'abord sur la détermination de la Ligue Arabe de continuer à soutenir la coalition. Ensuite sur l'implication en première ligne des Américains, qui ne seraient pas fâchés de refiler la direction des opérations aux Européens dont ils disent qu'ils ont plus d'intérêts en jeu qu'eux mêmes dans ce conflit qui ne dit pas son nom.Comment cela "plus d'intérêts"? Il ne s'agit plus de protéger une population d'un massacreur???

Enfin, dans ce pays, les Etats-Unis, très sensible à la séparation des pouvoirs s'installe un débat qui à mon sens n'a eu lieu ni en Grande Bretagne ni en France: comment se fait-il que le Président se soit lancé dans ces opérations sans prévenir le Congrès? Sénateurs et Représentants démocrates comme républicains protestent désormais et veulent des comptes. Apparemment ce débat n'a même pas été évoqué en France où il est vrai, le Parlement n'a pas une place essentielle dans le gouvernement du pays! Mais que je sache pas davantage en Grande Bretagne où la Chambre des Communes est toute puissante et devant laquelle David Cameron est directement responsable.

Alors tout cela veut dire quoi? Que personne n'est d'accord sur le véritable but de cette guerre. Que personne n'est d'accord sur le commandement qui pourrait relayer celui des Américains, visiblement leaders de ces opérations. Que les Américains échaudés par l'Irak et l'Afghanistan voient avec inquiétude une nouvelle guerre s'installer au Moyen Orient. Que les parlementaires voudraient bien être consultés, mais est-ce vraiment le moment dans des situations d'urgence? Que chacun s'interroge sur la "contagion" des Révolutions arabes: les organes de presse les plus honnêtes insistent bien sur le côté  laïc et pas intégriste des rebelles à Kadhafi, mais l'inquiétude du renforcement possible d'Al Qaida - particulièrement au Yémen qui s'agite aussi -  s'insinue dans toutes les têtes.

Bref, il serait urgent qu'Obama rentre de son voyage en Amérique du Sud, vraiment mal venu, et dise clairement les intentions des puissances occidentales. Ce ne serait pas mauvais quie les Européens aussi s'expriment et qu'on mette partout toutes les questions sur la table: que veut-on? que cherche-t-on? et  jusqu'à quand?

Moins facile qu'on ne l'a cru

L'intervention internationale en Libye, autrorisée par les Nations Unies et pourtant l'une des plus justifiées de ces dernières années, n'est pas aussi triomphale qu'on l'espérait et en tous cas pose beaucoup de questions sans réponses:

1) Quel est l'objectif? No fly zone, certes, mais c'est un peu court quand les forces de Kadhafi sont encore aux portes de Benghazi. Tout le monde dit qu'il n'est pas question de tenter de tuer Kadhafi. Alors,  accepter une partition de la Libye? En tout cas, on répète qu'il n'y aura aucune intervention terrestre. Mais que faire avec une intervention aérienne, si Kadhafi planque en effet ses civils au coeur des zônes militaires comme autant de cibles humaines?

2) Le commandement depuis le début des opérations est sans conteste américain. Ce sont eux qui dirigent les opérations alliées où Britanniques et Français ont pris part. Mais il semblerait que Robert Gates (ministre de la Défense US) soit pressé de passer le témoin aux  européens ou à l'Otan tant l'Amérique a peur d'être désignée comme leader d'une nouvelle guerre en terre musulmane.

3) Combien de temps va durer cette opération? Quelques jours dit le commandement américain. Voire...

4) La réaction des pays arabes est désarmante: clamant hier qu'ils ne laisseraient pas Kadhafi massacrer son propre peuple, mais frileux aujourd'hui. Et en tous cas, alors que la Ligue arabe soutenait l'intervention, seul le Qatar ayant soi disant décidé de prendre part aux bombardements(sans qu'on ait vu un seul avion Qatari en vol), les gouvernements et la presse des pays arabes reculant devant les pressions de la rue si prompte à voir la main cachée du colonisateur.

5) Les rebelles à Kadhafi sont divisés: pas de leader, peu d'entraînement militaire, peu de forces armées. Quelle sera la suite politique de cette action militaire?

Questions aujourd'hui sans réponses. Cette fois, c'est Fukushima qu'on oublie...

Leadership

Des questions commencent à se faire jour ici aux US - y compris chez les Démocrates - sur la capacité d'Obama à faire face en ce moment avec force aux deux crises planétaires les plus importantes: le Japon et la Libye.

On a l'impression qu'il est dévoré par son propre agenda intérieur réglé d'avance, et notamment sur la discussion budgétaire au Congrès.

Qu'est ce que le leadership? Facile à dire de sa fenêtre, mais j'ai le sentiment que le citoyen attend de ses gouvernants qu'ils se montrent capables en tout cas de capacité à entraîner et à convaincre.

Sur le Japon, Obama ne peut pas faire grand chose, sinon offrir son aide bien sûr, et faire d'urgence auditer les centrales de la même génération que celle de Fukushima, particulièrement celles de Californie construites elles aussi sur une faille sismique.

Sur la Libye, je comprends qu'échaudé par l'Irak et l'Afghanistan, il ne veuille pas embarquer son pays dans une nouvelle guerre autonome contre Kadhafi. Je comprends qu'il ne veuille pas se contenter de faire des déclarations volontaristes sans suite en se déclarant va-t-en guerre quand ses alliés (mis à part la France et la Grande-Bretagne) ont l'air réticents.

Mais Kadhafi est aux portes de Benghazi et promet un bain de sang. Je sais que le Conseil de Sécurité qui va se réunir aujourd'hui paraiît ficelé par les réticences russes et chinoises à toute intervention. J'ajoute celles des Allemands (qui ne sont pas au Conseil de Sécurité). Peut-être suis-je pessimiste et peut-être le Conseil ordonnera-t-il une 'no fly zone' et éventuellement des frappes. Peut être Kadhafi peut-il encore être stoppé?

Reste que le leadership c'est cela: on attend d'Obama qu'il prenne des risques et mettre toutes ses forces pour convaincre les grandes puissances qu'on ne peut pas laisser faire. Personne ne lui demande de prendre des initiatives isolées et grandiloquentes qui ne seraient que des postures. Mais tout le monde lui demande de peser de tout son poids sur les relations multilatérales pour aboutir. Personne ne lui en voudrait de ne pas réussir. Tout le monde lui en voudrait en revanche de ne pas essayer.

"Le plus grand désastre depuis la Seconde Guerre Mondiale"

Ce sont les mots du Premier Ministre japonais Naoto Kan qui s'affiche à la une des sites Web des grands journaux américains et sur toutes les télés comme sur tous les écrans du monde.

L'Amérique vit, comme le reste de la planète, cette actualité en direct, des secousses sismiques au risque d'explosion des réacteurs nucléaires.

Le nucléaire serait-il maudit au Japon? Militaire évidemment, car le spectre d'Hiroshima et de Nagasaki hante tous les citoyens de la planète qui redoutent l'arme nucléaire depuis plus de 60 ans. Mais le nucléaire civil submergé par un tsunami et un tremblement de terre de magnitude 8,9 (certains aujourd'hui disent 9) est une catastrophe pour un pays qui avait réussi à dépasser les craintes que le mot seul évoquait, et faire du nucléaire un élément de puissance et d'indépendance énergétique.

Tout dépend de ce qui se passe dans les heures qui viennent: un scénario  à la Tchernobyl épouvante tout le monde. Mais si les Japonais arrivent à endiguer la catastrophe, ils auront montré une maîtrise, une efficacité, un calme dont tout pays ne serait pas forcément capable. Quand on voit sur les écrans du monde  les images de ces murs de boue et d'eau qui s'abattent sur les côtes de Sendai, on ne peut que s'incliner très bas, à la japonaise, pour dire notre soutien, notre respect et notre peine.

Les médias américains - comme les autres - en ont oublié la Libye où des hommes meurent de la faute d'autres hommes et non de celle des éléments. C'est grave aussi, non? Mais sommes-nous capablesd'être émus de deux choses à la fois?

Je ne comprends pas toujours les Américains...

On ne plaisante pas avec la déontologie à la radio publique, NPR, l'équivalent américain de Radio France.

Une caméra cachée a filmé et diffusé il y a deux jours, des propos désagréables pour les Tea Party d'un membre du board de NPR, les traitant de xénophobes et de racistes. Du coup, non seulement a-t-il dû démissionner, mais la présidente CEO de NPR aussi!

Tout cela vient en pleine discussion budgétaire où les Républicains menacent de ne pas subventionner plusieurs stations publiques de radio ou télévision.

Bizarre: 1) parce que certains membres du Tea Party ont en effet tenu des discours que beaucoup de journalistes ont condamné comme étant outrageusement xénophobes; 2) parce que les propos de ce membre de NPR n'étaient pas tenus lors d'un colloque ou de façon publique mais lors d'un déjeuner; 3) parce que l'on pourrait s'attendre à voir blâmer le militant conservateur qui a tourné et mis en ligne cette vidéo plutôt que la PDG de la dite station publique qui par ailleurs est une radio d'excellente qualité.

Il y a des jours où je ne comprends pas le PC (politically correct) américain.