Je vous parlerai un peu plus tard du sommet sur la sécurité nucléaire qui se déroule à Washington aujourd'hui et demain. Quand on est ici, comment l'ignorer, tant, depuis l'aube, les voitures de police traversent les rues toutes sirènes hurlantes, dans une ville en état de siège: 40 chefs d'Etat sont attendus au Convention Center en plein centre ville, fermé à la circulation. Je dois aller en voiture à la gare, à Union Station, récupérer une amie, et je me demande comment réussir à passer!
En attendant, quelques mots d'un sujet qui a fait polémique toute la semaine dernière, et que, vu d'Europe, je n'avais pas suivi: les suites du voyage-éclair de Barack Obama et la dégradation des rapports entre les Etats-Unis et l'Afghanistan.
Quelle politique en effet adopter face à Hamid Karzai ?
Telle est la question qui préoccupe la Maison Blanche à un mois de sa venue à Washington - visite que le porte-parole d’Obama a d’ailleurs du confirmer ce matin, tant les rumeurs d’annulation étaient devenues de plus en plus pressantes ces derniers jours.
Il faut dire que depuis le début de l’année, les relations entre Barack Obama et Hamid Karzai s’étaient un peu tendues et tandis que le premier appelait à des réformes plus rapides et une coordination plus grande avec les troupes américaines et de l’OTAN, le second ne cachait plus son mécontentement face aux Occidentaux bien pressants et impatients.
Avec son voyage-éclair il y a deux semaines, Barack Obama avait choisi la méthode ferme et directe.
Et si BO avait réaffirmé son soutien politique et militaire à son homologue afghan, il était aussi venu répéter les conditions de son engagement : discuter avec le Président Karzai afin de lui faire comprendre que durant son second mandat, certaines questions n’ont pas reçu l’attention qu’elles méritaient, et notamment un système de nominations aux postes officiels du gouvernement basé sur le mérite, la lutte contre la corruption et le combat contre les narco-trafiquants, qui continuent de financer les forces rebelles du pays. Bref, un ton sévère, mais justifié par le fait qu'Hamid Karzai traîne à plaisir les pieds notamment sur les nominations prévues.
A peine Obama remonté dans son Air Force One que propos rapportés et indiscrétions venaient envenimer une visite rudement menée.
Deux jours après le départ de BO, des propos incendiaires qu’aurait tenus Hamid Karzai lors d’une réunion à huis-clos avec son parlement parvenaient jusqu'à Washington. Le président afghan aurait menacé de rejoindre ses "frères Talibans" si les Américains continuaient de lui faire la morale sur la conduite de ses affaires et le modèle de gouvernement à adopter.
Aussitôt démenti, un nouveau discours – cette fois public et retransmis a la télévision – venait rajouter au malaise. Dans cette allocution officielle, Hamid Karzai rejetait la faute sur les forces alliées, accusant l’ONU et les Européens de favoriser la corruption et d’être impliqués dans les fraudes électorales d’août dernier : "Il n’y a aucun doute quant au caractère généralisé de la fraude électorale mais cette fraude n’était pas le fait des Afghans. Elle a été organisée par les forces étrangères. (…) Et la frontière entre l’invasion et l’assistance est étroite."
Devant cette surenchère qui s’est prolongée toute la semaine, la Maison Blanche semble avoir ajusté sa politique.
En effet, après avoir qualifié les propos d’Hamid Karzai de "troublants" ("troubling comments") et demandé des justifications (“We are seeking clarification from President Karzai about the nature of some of his remarks.”), l’administration Obama changeait de ton.
Vendredi, le général Jones, conseiller pour les questions de sécurité nationale, faisait savoir de Prague que Barack Obama venait d’envoyer une lettre de remerciement à Hamid Karzai - “a respectful letter” précisait-on.
Hier, dans une solidarité retrouvée, McChrystal (le commandant en chef en Afghanistan) accompagnait Hamid Karzai à Kunduz, ville du nord de l’Afghanistan qui était encore totalement sous contrôle taliban en décembre dernier. Et c’est sans un commentaire que le Général américain a écouté le Président afghan appeler à un cessez-le-feu bien ambigu : "J’en appelle aux Talibans, aux Talibans de Kunduz : Frères chéris… rejoignez-moi et vous aurez votre mot à dire mais pas avec les armes. Vous dites ‘les forces étrangères sont dans nos murs’ Mais tant que vous continuez le combat, ils ne partiront pas."
("I call on the Taliban, the Kunduz Taliban: Brothers! Dears!... Come and have your say, but not by the gun," Karzai said. "You say, 'Foreigners are here.' But as long as you fight, they won't leave.")
Et à quelques heures de l’ouverture du sommet sur la sécurité nucléaire, la Maison Blanche profitait des rendez-vous politiques du dimanche pour faire passer un ultime message d’apaisement, envoyant Robert Gates sur le plateau d’ABC et Hillary Clinton sur celui de NBC pour affirmer qu’Hamid Karzai serait attendu avec impatience le 12 mai prochain, tant il restait un partenaire indispensable pour les Américains...
Charlotte: TOUTES les etudes contemporaines confirment ce 99% ! Attention ce n'est pas un 99% transitif : 99% des abuseurs ont ete abuses ce qui ne veut pas dire - loin de la - que 99% des abuses deviennent abuseurs ! Lire Alice Miller a ce sujet notamment.
Rédigé par : Account Deleted | 13 avril 2010 à 16:10
oui Sylvain mais pour moi c'est depuis le début 2 ou 3 choses vues par Anne Sinclair, qui est Française, qui se doit alors de rester CHEZ NOUS et non pas CHEZ VOUS, chez vous c'est juste un emprunt de courte durée. ☺
Rédigé par : Charlotte Goulmy | 13 avril 2010 à 15:56
@Hi Sy(lvain!):
"Apres tout, c'est ce qui nous reunit tous ici: deux ou trois choses VUES d'AMERIQUE, pas d'Europe a ce que je sache!:-)"
Have you read "People" lately?... if so, r u thinkin' what I'm thinkin'?!...☺;-)☺
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Restons intercontinentaux...
Aretha Franklin n'a pas voulu épouser Sean Connery, because elle ne voulait pas s'appeler Aretha Connery!!!
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Pour les Star Wars fans:
- Qu'est-ce qu'une gousse d'ail jetée contre un mur et qui revient?
- C'est le retour du jet d'ail...
☺♪♪♪☺
P.S. si c'est Ewan McGregor, yesss, même je ne m'appelle pas Mélanie Laurent!!!
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Sylvain, have you seen "I Love You Phillip Morris!"?...;-)
Rédigé par : Mélanie | 13 avril 2010 à 09:51
Lady-Anne, je vous cite:
"Robert B, vous devriez être diplomate et non pâtissier! Vous avez l'air d'en connaître un rayon sur la psychologie afghane."
Sir Bob est un pâtissier-diplomate, un écrivain-journaliste et vice-versa, mais trop modeste, indeed, but again comme disait Jules Renard:"La modestie va bien aux grands hommes..."☺♥♥☺
Rédigé par : Mélanie | 13 avril 2010 à 09:34
Sylvain vous avez raison, . Hélas, je voyage un peu trop entre les continents. Mais vous remarquerez qu'aujourd'hui j'ai fait du rattrapage!!! ;-)
Rédigé par : Anne Sinclair | 13 avril 2010 à 00:21
@ Robert de Marrakech
Très intéressant témoignage, c'est rare d'avoir sur ces deux pays des impressions "de l'intérieur".
Nous autres occidentaux avons tendance à interprêter les attitudes de populations par rapport à nos critères, d'autres comportements nous déconcertent souvent, c'est bon de rappeler les causes de ces discours contradictoires.
Vaste sujet aussi que la partition des Indes, mais là ce serait vraiment hors sujet!
Rédigé par : Michèle Doige | 13 avril 2010 à 00:10
HS mais bon.... vous avez pris l'habitude...
Mel a raison, Dynasty et Dallas en 1....
Mesure disciplinaire? Selon Le Figaro, Nicolas Sarkozy (JR)aurait demandé au secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, de ne plus inviter Pierre Charon (Bobby)à participer à la réunion quotidienne de 8h30 à l’Elysée.
La semaine dernière, ce conseiller en communication du président de la République, fidèle sarkosyte, n’avait pas hésité à évoquer, à propos de la rumeur sur la vie privée du couple présidentiel, la piste d’«une espèce de complot organisé avec des mouvements financiers» avant que la France ne prenne la présidence du G20 en 2011. «On va faire une enquête pour savoir d’où viennent ces rumeurs», avait même prévenu Charon. En coulisse, il avait aussi lancé le nom de Rachida Dati (Alexis Colby)comme l’une des responsables de la diffusion de cette rumeur.
Les Sarkozy lui en ont-ils voulu? Carla Bruni-Sarkozy (Lucy)avait voulu déminer la polémique et assurait, mardi dernier, sur Europe 1, que «Pierre Charon a parlé avec l’emportement de l’amitié, il a pris tout cela très à coeur, plus à coeur que nous. Il a été comme un ami qui a voulu nous défendre.»
Ce proche du Président semble pourtant avoir fait les frais de son excès de zèle. «Le travail va s’organiser différemment», confirme du bout des lèvres à Libération un autre proche du chef de l’Etat.(Ken)
Mais, selon Rue89 qui cite Pierre Charon, «la réunion du matin» aurait, en fait, «été supprimée sine die» par l’Elysée, ou alors serait plus restreinte.
Rédigé par : Charlotte Goulmy | 12 avril 2010 à 21:31
Je pense que Karzai ne veut pas finir comme Benazir Bhutto et il est coincé par les Talibans d'un côté et les Pashtounes de deux pays. Or les Américains n'ont qu'un seul but -gagner cette guerre selon leur agenda sans vraiment considérer les différences tribales. Ils ont envahi pour pouvoir se débarasser de Al-Qai'da mais 8.5 ans , ils n'ont rien accompli sauf une autoroute au-dessus d'une rivière dans le Nord-est pour acheminer les cargaisons pour ISAF.
Harzai ne fait pas confiance à Holbrooke qui est influencé par le Pakistan . Or on sait qui a crée le Taliban et qui le contrôle aujourd'hui et qui aimerait "posséder" l'Afghanistan. Pourquoi il ne peut pas former un cabinet, trouvez la réponse chez le ISI Pakistanais.............
80% de l'aide financière internationale n'atteigne pas Kabul et on n'a qu'à voir qui sont les bénéficiares entre Rawalpindii/Lahore jusqu'à Kabul: experts/conseillers civils et militaires s'en gavent jusqu'aux oreilles. On se rappelle du "jihad Afghan" où le maître de cérémonie fut un dictateur Zia.................
Note: NYT est la seule presse qui a eu cette information de quelqu'un qui veut rester anonyme et qui était présent lors de cette réunion.
Rédigé par : Yul | 12 avril 2010 à 20:21
@Charlotte, notre grande Duduche de Hollande : moi je suis tres content qu'Anne soit ENFIN de retour aux USA. Apres tout, c'est ce qui nous reunit tous ici: deux ou trois choses VUES d'AMERIQUE, pas d'Europe a ce que je sache ! :-)
Rédigé par : Account Deleted | 12 avril 2010 à 20:08
Oui, French ketchup, pour l'essentiel.
Rédigé par : Anne Sinclair | 12 avril 2010 à 18:53
Intéressant. Ces infos viennent-elles toutes du New York Times?
Rédigé par : French Ketchup | 12 avril 2010 à 18:30
Merci de vos intéressantes réponses: Robert B, vous devriez être diplomate et non pâtissier! Vous avez l'air d'en connaître un rayon sur la psychologie afghane.
Oui, Michèle, curieux d'annoncer une offensive à l'avance
Yul, en français on dit la même chose "on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre". il ne faut simplement pas que Karzai mène le monde ne bateau en traînant les pieds. La moitié de son gouvernement n'est pas nommé...
Rédigé par : Anne Sinclair | 12 avril 2010 à 17:34
@ Mme Sinclair
One catches flies with honey instead of vinegar.
Bien que je n'aime pas Karzai, mis là par Bush et Cheney pour des raisons favorables aux E.U et la vague de corruption qui sévie dans le pays, il faut quand même laisser Karzai gouverner et non pas lui dicter les voeux des Américains. Il veut approcher les Talibans à sa façon -Pastuch et non Anglosaxon ( NOW or else) et McCrackers réalise qu'il ne pourra pas le bosser.
One can be surprised if we keep pushing the envelope. Vietnam en est un bon exemple-les Américains étaient trop agressifs et ils ont perdus et 35 ans après , ils sont des amis.
Rédigé par : Yul | 12 avril 2010 à 17:29
Bonjour Anne, bonjour à tous
Anne, quel article, vu son exhaustivité ce n'est plus un post, instructif ! Il est vrai que le voyage et encore moins son motif, d'Obama en Afghanistan n'ont guère été évoqués en France.
Et pourtant la situation dans ce pays a une importance capitale. Mais la France demeure la France et la plupart des médias avait mieux à faire en commentant "la rumeur"...
Je lisais tout de même dans le Nouvel Obs que " l'offensive prévue pour juin contre le bastion taliban de Kandahar, où règne la corruption, sera un test pour Hamid Karzaï: son frère, accusé de trafic d'opium, préside le conseil provincial"
A ce propos, je trouve étrange qu'une offensive et sa date soient annoncées...
Rédigé par : Michèle Doige | 12 avril 2010 à 17:16
Bonjour à tous,
Votre commentaire Anne nécessite un rappel que ceux qui ne connaissent pas cette région doivent savoir pour mieux comprendre ces attitudes que nous avons du mal, nous occidentaux, à appréhender.
Il y a quelques années, j'allais régulièrement à Kaboul, Peshawar et Islamabad. J'étais à chaque fois sidéré de voir que les personnes qui me recevaient chaleureusement avaient TOUTES un double langage qu'ils maitrisaient avec une extraordinaire virtuosité. Non pas qu'ils étaient menteurs mais, craignant toute forme de répression et voulant protéger leur famille, ils adaptaient leur discours à leur interlocuteur, passant d'un soutien inconditionnel au général Zia au profond regret de l'époque de la présidence de Zulfikar Alî Bhutto. Certains avaient même deux jeux de portraits officiels qu'ils accrochaient dans le salon alternativement suivant les opinions affichées de leurs invités.
Il en était de même côté Afghan où l'occident devenait au fil des heures et de la discussion "le diable ou le bon dieu" comme disait Sartre!
Cette attitude que je prenais au début pour de la simple hypocrisie n'était motivée que par la terreur qui régnait alors et le sentiment d'impuissance en face de régimes qui de toute manière étaient incapables de répondre à leur demande de bien être.
C'est seulement lors de diners plus intimes, sans témoins, qu'ils arrivaient à exprimer leurs angoisses et leurs doutes sur l'avenir que tous ces politiciens et militaires réservaient à leurs enfants. Avec du recul, l'histoire leur malheureusement donné raison !
Je crois que cela explique encore cette faculté de ces dirigeants, qui se savent assis sur des poudrières, de faire autant de discours contradictoires, ne sachant peut-être pas eux-mêmes où ils veulent arriver.
Déjà, dans les années 40, Ali-Jinnah, fondateur du Pakistan tenait des propos tellement contradictoires que la partition entre l'Inde et le Pakistan s'est déroulée dans les pires conditions et dans un bain de sang des plus atroces.
Difficile alors pour Obama de mettre en ligne une stratégie cohérente qui puisse tenir en face d'un interlocuteur aussi insaisissable et aux propos aussi fluctuants.
Rédigé par : RobertBizolier - Marrakech | 12 avril 2010 à 17:05