En Arizona...
Après trois mois de manifestations et d‘affrontements juridiques, la cour d’Arizona a invalidé une partie de la loi sur l’immigration qu’avait votée, en avril dernier, le congrès très républicain de ce même Etat et contre laquelle Barack Obama, via son Département de la Justice, s’était vigoureusement opposé.
En effet, c’est notamment la partie la plus controversée de cette loi, c’est-à-dire, l’autorisation donnée aux policiers arizoniens de contrôler, sans motif, toute personne dès lors qu’ils ont des "doutes raisonnables" pouvant laisser suspecter une entrée illégale sur le sol américain, qui a été invalidée par la juge Susan Bolton. Trois autres articles, relevant du même principe de durcissement de la lutte contre l’immigration clandestine, ont aussi été –provisoirement- annulés.
Ainsi, selon le rendu préliminaire de la Cour de justice d’Arizona sont supendus:
1/ l'article autorisant "un officier à contrôler, d’arrêter ou retenir tout individu pour déterminer son statut d’immigration, s’il existe un doute raisonnable sur la façon dont il est rentré aux Etats-Unis, et à demander une vérification de son statut avant de relâcher l’interpellé".
2/ l’article "instituant en délit le fait de ne pas avoir fait de demande de régulation"
3/ de même, l’article "instituant en délit le fait, pour un immigré clandestin, d’avoir demandé, candidaté ou exercé un travail" ;
4/ l’article "autorisant d’arrêter -sans mandat- tout individu pour lequel il y a raison de croire qu’il ait commis une infraction publique le rendant expulsable des Etats-Unis"
La juge a en effet retenu l’injonction déposée par le Département de la Justice le mois dernier, au motif que "la constitution et la loi fédérale américaine ne (saurait) permettre aux Etats et aux polices d’immigration locales d’ajouter leurs (propres) législations" ("the Constitution and federal law do not permit the development of a patchwork of state and local immigration policies throughout the country").
Les élus de la majorité ont tenu à répéter qu’il ne s’agissait là que d’une victoire provisoire, d’autant que la gouverneur de l’Arizona, Jan Brewer, a annoncé qu’elle allait faire appel de la décision. De plus, avec 11 millions de sans-papiers vivant illégalement sur le territoire américain, le problème de l’immigration est loin d’être réglé et les chances d’ouvrir – et de faire passer – une grande réforme nationale sur le sujet s’éloignent un peu plus à chacune des polémiques.
Reste, comme le faisait remarquer le NYT hier, que cette décision sonne comme un "avertissement pour tous les autres Etats américains qui envisageaient de suivre l’exemple de l’Arizona". Car au-delà de la bataille politique sur le caractère de criminalisation de l’immigration, contenue dans ce texte, le vote des Républicains d’Arizona avait aussi pu être perçu par certains comme une remise en cause de l’autorité de l’Etat fédéral – et de la Constitution.
Si cette décision est maintenue, ce sera donc une victoire pour l’administration Obama mais aussi pour les institutions, et les droits publics.
Je sais bien que la majorité des Américains interrogés (encore 66% en début de semaine) se déclarent en faveur du texte républicain et opposés à l’action présidentielle dans cette affaire. Ils sont donc sûrement fâchés de cette décision. Je sais bien que l'Amérique a encore plein de démons qui ne demandent qu'à sortir du placard. Il reste qu'un pays où il existe un contre-pouvoir qui peut défaire des initiatives sécuritaires et de discrimination scandaleuses, est une démocratie - imparfaite - mais vigilante, qui mérite d'être saluée.
Ah Robert (Bob, ni Sinclair, si Morane, ni etc...) ! Je me suis retenue d'en faire part car je ne voulais pas passer pour la seule "sportive" de ce blog encore une fois !
Mais oui, COCORICO ! C'est tellement rare de voir des Français jeunes, brillants, décomplexés, issus de toutes les couches sociales et "raciales" arborer fièrement le maillot de leur pays. Même si celui-ci n'est pas le leur à l'origine.
Pendant 6 jours, j'ai eu le frisson. Je n'ai rien loupé ou presque. Tous les soirs, j'ai suivi les exploits avec, en apothéose, les 6 médailles d'hier.
Le sport, quand il est pratiqué avec bonheur, avec simplicité, voilà ce que cela donne : 18 médailles dont 8 en or pour la France.
Le mérite en revient à qui sinon au Directeur Technique National qui a su trouver les mots justes pour que les plus jeunes s'intègrent parmi les anciens et que les anciens soient portés par la fougue de la jeunesse. Belle jeunesse que voilà !!! Elle redonne espoir.
Vous dire que j'ai aimé voir tout ça serait en deça de la réalité. J'ai adoré. J'aime quand des faits sportifs font mentir les faits divers. Comme le disait en son temps Thierry Rolland lors d'une finale de Coupe de Monde de Football : "P...que c'est bon !".
Ca l'a été et j'espère que cela le restera encore longtemps. Rendez-vous pris pour les mondiaux l'an prochain et les JO à Londres dans 2 ans.
D'ici là, il reste à espérer que de voir cette fraîcheur donnera des idées aux sportifs dans d'autres disciplines. A compter de dimanche, on va pouvoir voir les nageurs s'exprimer.
Rédigé par : CelineElias | 02 août 2010 à 18:24
Robert, vous avez raison. En ce qui me concerne, j'avoue que j'étais plus sensible à la Coupe du Monde qu'à l'athlétisme. Sûrement à tort... Mais je ne les ai qu'à peine suivis :((
Rédigé par : Anne Sinclair | 02 août 2010 à 18:15
Non, Jog, je suis d'accord avec vous sur l'analyse du pardon des Noces vs la liberté arrogante de Don Giovanni. Mais mon propos était bcp moins ambitieux que le vôtre et ne portait pas sur la philosophie des oeuvres, mais sur leur musicalité. C'est musicalement aujourd'hui que je préfère les Noces. Je finis par trouver Don Giovanni presque long. A part le dernier acte, sublime évidemment, entre lui et le Commandeur.
Rédigé par : Anne Sinclair | 02 août 2010 à 18:13
Melanie!!!!! assimiler des choses inassimilables est du ressort de la droite triomphante!
Madoff donnait ce qu'il recevait + 15%.... et c'est bien là le problème.. l'intérêt sur l'argent, encore plus l'intérêt disproportionné!
Dans le système par répartition, il n'y a pas d'intérêt donné à quiconque! Et c'est tout l'intérêt du système: il est honnête et moral: les parents ont payé l'éducation, les couches, les laits, les heures passées à nourrir, vêtir, soigner, et les générations suivantes s'occupent de ceux qui les ont élevés.. toutes les civilisations antérieures , de même que les plus isolées de notre société ont pris soin de leurs anciens. C'est normal et évident pour eux. Le système par répartition est la mutualisation de ces coutumes fondamentales, qui signent la différence entre l'humain et l'animal.
Seule la droite ose prétendre que chacun doit s'assumer entièrement, du premier au dernier jour de sa vie.. c'est l'oubli de toute culture, de toute société, de toute solidarité!!!
Rédigé par : Sélène | 02 août 2010 à 16:29
Pas mal le decryptage de JLSS sur la politique direct-live (de NS en particulier qui excelle en la matiere)dans son dernier livre "Trop Vite".
Il est certain que Francois Mitterand a ete le dernier president a pouvoir cultiver le gout du secret que Wikileak ne permet plus !
Rédigé par : Account Deleted | 02 août 2010 à 15:33
Sommes nous en désaccord Anne sur ce qui nous fait aujourd'hui préférer les Noces et Cosi et moins Don Giovanni?
Rédigé par : Account Deleted | 02 août 2010 à 14:12
Sauf erreur de ma part, aucun commentaire sur le blog à ce jour sur les championnats d'Europe qui viennent de se terminer à Barcelone. Alors que nous nous étions tous rué à juste titre sur l'attitude honteuse de "l'équipe" de France de football en Afrique du Sud qui n'était constituée que d'individualités égoïstes sans aucun esprit de groupe félicitons tous ces sportifs français qui, malgré des disciplines individuelles on su jouer aussi collectif.
Quel plaisir de voir un entraineur qui a su créer cette ambiance multiculturelle où tous les égos étaient restés au vestiaire !
Résultat : 18 médailles, dont 8 médailles d'or, record historique pour l'équipe de France dont certains champions n'ont pas chanté la Marseillaise mais l'ont hurlée… de bonheur !
Encore bravo à ces vrais sportifs qui sse battent pour le podium, pas pour le bling-bling
Rédigé par : RobertBizolier - Marrakech | 02 août 2010 à 13:50
Eh ben c'est raté! On ne plaisante pas avec Marianne! Finalement je suis plus chauvine que vous... ☺
Rédigé par : Charlotte Goulmy | 02 août 2010 à 12:05
Good mornin' from rainy Toulouse!
@"encore que Madoff ait battu des records!"
Speakin' of madoff aka rip-off et autres "sarko-nneries"...
La scène se passe il y a un peu plus d'un an dans le bureau du juge Denny Chin chargé de l'affaire Madoff; le premier demande au second:"mais tout de même Mr Madoff, quelle mouche vous a piqué? Qui vous a donné l'idée de réaliser une telle carambouille, faire payer les anciens cotisants par les nouveaux arrivants?!... Bernie lui répond calmement:
"well, c'est très simple, j'ai observé le système de retraite par répartition en France et j'ai fait pareil…"☺☻☺
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et comme bcp de "graduates"-jeunes diplômés cherchent désespérément(approx spelling!), du travail pour la rentrée...
- Quelle question pose-t-on d'habitude à un diplômé démocrate pour son premier job?...
- Qu'aimeriez-vous avoir avec vos French fries?...☺:-)☺
Rédigé par : Mélanie | 02 août 2010 à 09:51
Certains des actes subis nous apportant douleur ne sont ils vus à cette aune là comme vétilles et inclinons nous naturellement au pardon de peur de s’encombrer d’un lest trop pesant…
Mais la révolte surgit et me fait encore et encore aimer ce Don Giovanni pour le panache qu’une telle insurrection intérieure fait naitre…
C’est ce qui nous maintien debout !
Le pardon oui, sans révolte contre cette forme d'injustice qu'est le vieillissement, même illusoire: NON!!!
Rédigé par : Account Deleted | 02 août 2010 à 09:13
Sans doute est-ce l’âge Anne…
Comme le chantait Féret : avec le temps…
Sommes-nous plus proche à comprendre le pardon que la seule révolte d’un homme contre les jugements hâtifs de la société et de ses prétendues victimes.
Le vioque défuncté mis à part, Elvira, Anna et Zerlina nimbées de vanité qu’elles sont bien incapables d’entrevoir, pensent être à elle seule cette femme qui satisfera l’ogre grand mâle, de toutes les femmes qu’il n’aura plus une fois leur grappin accroché à ses basques..
N’est-ce pas de la vanité que cela que de vouloir muter un OGM prédestiné…
Victimes somme toute bien complaisantes, dénonçant sans vergogne l’outrage fait oubliant qu’elles en sont quand même un peu les initiatrices…ou pour le moins leur consentement en porte l’évidence.
Don Giovanni n’est pas un perdreau du jour et sa réputation de déculotteur mondain et ancillaire le précéde depuis bien des décades, somme toutes pour lui prodigieuses..
Cosi certes, l’invraisemblance de la mascarade, sujet largement défloré en littérature et en musique, doit une fois pour toute être admise, après Cosi se boit comme une coupe de champagne, la « pétillance » du vin se retrouve dans cette musique fabuleuse, et les scènes imaginées par Da Ponte nous réservent comme le vin sait le faire quelques coups de triques magistraux…Nous ramenant à nous-mêmes..
Mais les Noces, c’est autre chose, le désir et le pouvoir, la quotidienneté menant à ne plus regarder l’autre comme naguère on le regardait, le rejet d’être sur le chemin pentu…
Les noces sont bien autre chose qu’une comédie enjouée..
Ce qui fait des Noces cette autre chose qu’une simple comédie, un peu bouffonne, à la limite du vaudeville, outre la très belle scène de désespérance de la comtesse c’est la dernière scène, celle du pardon.
Salieri disait après une représentation de cette Folle Journée de notre cher et aimé Wolfgang :
" L’acte III intégral fut beau. L’acte IV fut étourdissant. Il y a une femme déguisée en soubrette ; elle écoute son mari dire les premiers mots d’amour qu’il lui ait murmurés depuis des années, simplement parce qu’il la prend pour une autre. J’entendis la musique de la vraie réconciliation emplir le théâtre, accordant à chacun de ceux qui étaient là une parfaite absolution.
Dieu chantait à travers ce petit homme, le chant du monde irrépressible."
J’aimerais bien croire en la dernière phrase de Salieri, homme de talent sans génie qui admirait Mozart bien plus que la pièce Amadeus ne le laisse entendre, mais depuis de l’eau a coulée sous les ponts et elle est devenue bien rougissante.
Anne sommes nous plus accessibles au pardon lorsque le temps venu il nous faut accepter d’entrevoir l’ombre encore confuse du grand mur final, sur lequel nous irons tous jeter notre vie ?
Disons ici que l’on commence à comprendre la finalité de toute vie, l’admettre c’est autre chose…
Rédigé par : Account Deleted | 02 août 2010 à 08:58
Il n'est peut-être pas question de droite ou de gauche,Céline, mais quand même.... d'un côté, nous avons les "tea parties" qui incitent à la peur, et de l'autre, nous avons le Potus qui cherche à ramener une certaine égalité entre tous, au grand dam de ceux qui ne veulent pas partager...Il ne s'agit pas seulement de peur du changement dans ce cas précis!
D'un côté, nous avons des menaces inconstitutionnelles, de l'autre, le strict respect du fondement démocratique des Etats Unis, où la différence ne peut être tenue pour signe d'une quelconque délinquance systématique liée à la couleur de la peau, à la langue ou à la culture.
D'un côté nous avons la revendication d'une surveillance électronique maximale, de l'autre, la revendication de rapports humains à titre préventif.
Pour changer de sujet, Anne, ma réflexion du jour porte sur la "Burka chantilly" de nos civilisations occidentales telle que nous avons pu la voir lors du mariage le plus célèbre des États Unis ce week-end..
Rédigé par : Sélène | 01 août 2010 à 23:57
Merci Mélanie pour cette pensée :)
Il y a effectivement quelques avantages... mais chut, n'en parlons pas trop :)
Rédigé par : Clara | 01 août 2010 à 23:47
Charlotte, c'était de l'humour!
Jog: longtemps, Don Giovanni etait mon préféré, de loin. J ene sais pas si auj je ne préfère pas les Noces ou Cosi.
Céline: si un gars se met à courir derrière moi dans un parking tout sombre, je vous jure que je ne regarde pas sa mine et j'essaie de courir plus vite...
Quant aux délinquants américains "soit noirs, soit latinos" comme vous dites: heureusement que ce n'est pas le cas! Mais de toutes façon, vous serez d'accord avec moi que ce n'est pas génétique, mais qu'il y a plus de délinquants dans les populations les plus défavorisées, que sur Fifth Ave (encore que Madoff ait battu des records!!), et que les latinos ou les noirs sont plus défavorisés que les autres... Mais j'ai l'impression qu'on dit la même chose. Evidemment que ce n'est pas une question de droite ou de gauche... Quoique ...
Rédigé par : Anne Sinclair | 01 août 2010 à 21:37
Nous sommes entrés, bien malgré nous, dans une spirale de peurs diverses et variées, agitées comme un chiffon rouge devant la population:
les hispaniques, les "jeunes des banlieues", les terroristes,les éléments qui nous échappent, les traînées de pétrole furieux, les coutumes et les cultures différentes, les dévoiements de la finance vécus comme une spoliation, paraissent tous plus menaçants les uns que les autres.
Cette mutation de nos sociétés est dangereuse, il faut espérer qu'elle ne soit pas irréversible.
Il faudrait se projeter vers l'avenir, dans ce monde ouvert et multiculturel, capable des plus grandes prouesses médicales et ouverte à tous les possibles. Au lieu de cela, nous assistons, impuissants, à de multiples fractures, à une âpreté qui rappelle des temps dramatiques.
La violence érigée en mode de pensée systématique, utilisée par les gouvernants ou les politiques pour se faire une place qu'ils n'arrivent plus à conserver avec des actions positives est une réelle négation des possibilités de l'être humain. C'est un recul dans le temps.
Il reste le rempart des constitutions, et c'est un réconfort dont il ne faut pas se priver.
Rédigé par : Sélène | 01 août 2010 à 21:09
C'est long....
Ave la musique ça pourrait passer???
Onze minutes d'un pur bonheur...
http://joglesconneries.typepad.com/files/brahms-opus-115-adagio-amadeus-quartet-karl-leister.m4a
La suite et fin de la Signora.
« Le Caffé Florian, l’embrasement. »
Regarde ce campanile reconstruit, beffroi martial des haines orientales. Tes yeux balaient l’ensemble de la place. Tu la découvres, les pigeons s’envolent devant toi pour se poser quelques bruissements d’air plus loin. Tu te retournes et regardes une fois encore le quadrige de bronze ornant le balcon de la basilique. Saint Nicolas dans son alcôve de marbre bénit la foule. C’est toute la République que domine la puissance votive de Saint Marc sur le devant des dômes. Ton regard s’immobilise un instant sur la grande horloge au dessus de laquelle deux Maures patientent de sonner les heures. Je ne te dirai pas le bruit d’horreur qui courut dans Venise. Les deux horlogers qui construisirent ce chef d’œuvre eurent les yeux crevés par la Signora pour qu’ils ne puissent jamais répliquer leur ouvrage ailleurs. Tu écoutes distraite, le pianiste du Quadri jouant les sempiternels airs vénitiens. Ta main douce et chaude au creux de la mienne m’électrise.
Viens allons déjeuner !
Il faudrait que je te parle de cet encrier de laque rouge, de cet objet qui sous la plume du poète Régnier devient si réel, si présent. Si beau que l’on se met à en rêver, à vouloir le posséder. Il est si mystérieux, si plein de son inutilité temporelle, de ses secrets avoués ou restés accrochés au bout de la plume, toujours humides, prêts à se coucher sur le vélin, prêts à recevoir cette poudre colorée qui en buvait le trop plein d’encre. La clochette dorée à ses côtés, compagne d’un autre temps, surannée, ne tintinnabule plus que pour convier nos rêves.
Mais tu es distraite de moi. Tu es appliquée dans ta découverte de l’endroit, comme le sont les grands découvreurs face à leur invention. J’aime le mouvement de ton visage suivant l’ombre qui passe sur la place, ou explorant, comme perdu, les fresques murales du Caffé. Je n’ose pas te déranger. Je te parle, tu sursautes, mais ton sourire tendre éteint mon angoisse naissante. Je voudrais te parler de Ruskin et de ses pierres de Venise, de Lane et sa république maritime, de Byron et de son chevalier Harold, de Goldoni, de Da Ponté. Mais non, tu ne m’écoutes pas, tu es perdue dans tes songes. Tes yeux me regardent, mais ils semblent porter au delà leur attention. Je suis transparent. Leur fixité m’inquiète. J’ose une main tendue vers la tienne immobile devant moi et, soudain, tu me souris, plus fort, plus intensément, plus tendrement, qu’un soleil à minuit dans le ciel de l’arctique se ternit, s’évapore : il a honte.
Tu grignotes, plus légèrement que le ramier empesé de ce matin. Sans te départir de ce sourire un peu triste qui est le tien. Tu parais ne pas oser vivre. Il y a comme un lambeau de rêve consumé qui s’éternise en toi. Tu m’écoutes, mais je le vois bien, autre chose t’accapare. Elle semble te maintenir entre la vie et l’immobilité. Alors il me faut te le dire, redresse toi, vis. Soit une héroïne mon Cœur, l’héroïne de ta vie. Tu finiras par écarter loin de toi les mâchoires cruelles du désespoir, sources de tes souffrances, dés lors que tu reviendras vers elle. Celle que tu voulus quitter par un blafard matin de juillet.
Mon encrier laqué de rouge semble te divertir. Tu t’étonnes qu’un si vieil et inutile objet soit ma convoitise du moment. J’en souris et balbutie des arguments de peu de conviction. Et, si ce procédé de poète n’était en fin de compte qu’un prétexte à te parler de moi. Je cache mes désirs de toi sous ce vieux bibelot inutile. Je me sens prêt à être heureux, si toi tu le redeviens. Peu m’importe d’ailleurs la forme que prendra ton bonheur, ton éloignement de moi, cela m’importe peu. Tout se mesurera à un nombre de pas faits l’un vers l’autre, à des mots prononcés ou pas, à des gestes faits ou pas. T’entendre rire, te savoir hors de danger, sera plus doux à vivre. Je hais ton séquestre actuel ! Il veut me soumettre aux étreintes féroces de la désespérance. Alors je me dis que tu finiras bien par renaître.
Sortons veux tu ? Reprenons notre visite de la Sérénissime.
Tu as le choix entre le palais ducal ou le sommet du campanile. Je sais, les deux te conviendraient. Nous piétinons dans les lacets de patience au pied du beffroi. Tu cherches ma main, la trouves, la tiens avec légèreté Sans doute as tu peur que je te perde dans la foule cosmopolite qui assaille ce pauvre monument ? Un instant ta tête vient s’incliner sur mon épaule. Nous faisons quelques pas, et stoppons notre avance, ta tête une fois encore cherche à se reposer. Comme ce petit jeu de tendresse est plaisant, comme il me va au cœur. J’aime cette tendre confiance offerte
La plateforme est venteuse, et une bise du nord souffle sur Venise. Tu me montres un point sur l’horizon de la ville. Tu frissonnes, ta main tremble. De derrière toi, je t’enserre dans mes bras pour te réchauffer, les enlaçant sur tes épaules. Surprises, tu tournes la tête vers moi, sembles me dire merci des yeux. Je te souris, alors ton corps se presse contre moi. Commence la longue citation des sites glorieux de Venise, que le panorama distingue sous nos yeux. Les toits de tuiles demi-rondes portent des altanes, ces petites terrasses de bois fleuries, si spécifiques à la ville. Aux premiers beaux jours les vénitiennes viennent s’y dorer lascivement au soleil. D’ici, on pourrait compter, mais est ce bien utile, le nombre de clochers érigés dans la cité. Les frontons élevés des églises dévoilent fièrement leur sommet. Le gris perle des plombs nouvellement restaurés du palais des Doges contraste avec l’ensemble vénitien, aux zincs souillés par le temps. Quatre dômes de Saint Marc, tétons dressés vers le ciel, font une ronde immobile autour du cinquième plus monumental. San Giorgio et le Redentore sur l’île de la Guidecca jettent leur façade palladienne au miroir oscillant des eaux vert- bleu de la lagune.
Qu’il m’est pénible de m’éloigner de toi. Te sentir abandonner à mon étreinte est un ravissement, mais il nous faut quitter les airs vifs de ce pinacle vénitien. Allons faire une visite à la Libréria Marciana. Elle protège maints trésors de la République et eut pour premier fond la bibliothèque de Pétrarque. Tu te rebelles. Tu tires sur mon bras. Tu m’entraînes par la main vers le bord des quais, nous faisant passer entre Saint Théodore, premier patron de la ville, et le Lion Ailé. Tous deux sont perchés au sommet de leur colonne jumelle de granit rouge et gris d’Egypte, coiffée de chapiteaux byzantins.
‘Où qu’il se dressait, Saint Marc voit toujours son Lion qui se dresse, mais semble railler sa puissance flétrie.’’ Disait Byron.
Que veux-tu voir ? Veux-tu vagabonder ?
Soit : guides moi je t’en prie. Je te suis, ton regard nouveau sur Venise m’en fera découvrir une autre, la tienne. Je l’aime déjà.
Te suivre me grise. Voir ta robe danser au rythme de tes pas, me réjouis. Un vaporetto nous fait traverser le grand canal pour rejoindre l’autre rive. Sur le parvis de la Salute tu hésites un instant. Je me laisse mener vers cette proue de pierres qu’est la Dogana del mare. Les eaux du bassin de Saint Marc s’entrouvrent sur l’étrave verdie par les algues sombres. Deux voies d’eau naissent du déchirement : le Grand Canal et celui de la Guidecca. Arrivés à la pointe, sous l’Atlas doré soutenant le monde, tu es heureuse de découvrir Saint Marc, la Riva et San Giorgio. Tu te blottis à moi, le vent agite tes cheveux blondis à leurs racines par l’épuisement de ton corps. J’entends ton cœur battre si fort, je te sens revivre doucement. Je te raconte l’histoire de ces lourds vaisseaux ventrus fabriqués en un mois dans l’arsenal, qui partirent si loin ouvrir les routes commerciales. C’était l’époque où la Horde d’Or ne laissait aucun répit aux comptoirs lointains installés sur la mer Caspienne. Les coches, ces gros bateaux obèses à fort jaugeage, remontaient vers le nord de l’Europe. La puissance de Venise n’avait nul égal et ses commerçants s’alliaient pour conquérir plus encore, sous les ordres des amiraux. Cette civilisation de marchands engendra auprès de ses rivales tant de haine que les guerres furent semblables en nombre aux navires envoyés en mer.
Tu veux parvenir aux zatteres ! C’est si loin des touristes, cela me convient. De ponts en calles nous allons de surprise en étonnements, découvrant au hasard de nos pas un gros chat couché sur le seuil d’une lourde porte de bois ouvragé. Ce vénitien fugitif et discret cligne des yeux à notre passage. Tu t’accroupis pour le caresser. Le matou impudique accepte. Un couloir anguleux nous jette brusquement dans la pénombre. Quelques marches à gravir nous mènent à un pont. La lumière pourtant adoucie par l’étroitesse du rio nous aveugle un instant. Le canal asséché s’offre à nos yeux. Le bas ventre des maisons, rongé par la déliquescence des pierres, laisse entrevoir la première rangée de pieux de chênes ou de mélèzes serrés, affleurant la boue. Ces porteurs de Venise enfoncés dans la vase jusqu’à la couche d’argile sablonneuse tiennent sur leurs assises les soubassements de tous palais et maisons. Dans la tranchée asséchée des ouvriers travaillent. Truelles en main, ils collent et jointent des blocs de pierre blanche d’Istrie, que le va et vient incessant des vagues délitera une fois encore. Le bruit pétaradant des perforateurs ricoche dans ce long couloir de murs ouverts aux volets demi-clos. Là haut, suspendus dans les airs, les linges étendus au soleil flambent tels des gonfalons.
Tu t’arrêtes, virevoltes, reviens vers moi, me souris, puis repars me faisant presser le pas. Cette gambade improvisée t’amuse, moi cela m’enchante. Tu t’immobilises et me tends la main. Je vois ta peur, la peur de cette bouche noire où nous allons pénétrer. Comme un secours tu me pries de m’en saisir. Nous nous engouffrons dans l’antre ténébreux, exigu et sinueux, et je sens encore une fois la caresse de tes cheveux sur mon bras.
Nous sommes égarés, perdus dans le Drosoduro ! J’en ris. Je ris de ta panique un peu feinte et te taquine. Tu boudes ? Sans doute aurais-tu voulu rester ce capitaine ramenant ses marins à bon port. Quelle sera ta surprise de te découvrir sur un campo inconnu où se tiennent cafés et glaciers ? Comme le palais Dario atteint de scoliose, les bâtiments qui cernent le campo sont pris de difformités donnant à leur façade ces airs si particuliers de maisons disloquées. Leurs cheminées aux allures empotées accentuent encore ce coté maladif.
Sur la petite place, trône un puits recouvert d’une grille fermant la cavité. Elle protège les gosses du quartier de venir y tomber. Sous la margelle, une inscription à demie effacée t’intrigue. Je me mets à te raconter l’histoire de cet homme aux femmes mystérieuses. Belles et étranges aventurières qui semèrent dans sa vie amour et haine. Il est beau, svelte, élégant, toujours vêtu de cette redingote bleue sombre, aux revers de col orange, comme son gilet étroit, le corsetant un peu. Bien sur, je voudrais te faire croire que je suis cet homme plein de mystère. Tu découvres vite son nom. Des Celtiques aux Ethiopiques, il aima l’aventure et les femmes. Il est la fable de Venise, toujours si près de verser dans le mal, l’effleurant, jouant sur le fil du rasoir sa vie, inlassablement. Sa nonchalance va si bien à la ville. Il est dans Castello, le Corte Sconta un restaurant qui lui ressemble, là bas près de l’Arsenal. Par jeu tu me vois Corto. Tu m’affubles de son prénom. Tu me demandes de te sauver de cet endroit où tu t’es perdue. On ne se perd jamais dans Venise, on marche plus longtemps, voilà tout. Je t’offre à t’asseoir à la terrasse du glacier. Là je te précise mes conditions. Je redeviens ton guide et te convie pour la soirée, dans un endroit tenu secret par quelques initiés. Tu désires en savoir plus. En soudard exsangue, je pille et mutile Rimbaud : C’est un coin de verdure où chante une fontaine, accrochant aux herbes des haillons d’argent. Tout en goûtant ta glace, que tu eus beaucoup de mal à choisir, tu ne cesses de me questionner. Mange ! Te dis-je. Tu ris, simule les larmes. Toutes les ruses te sont bonnes pour m’extorquer une réponse à tes questions. Je résiste tant bien que mal. Je fonds à la légèreté de ton sourire. Tes yeux me bouleversent. Mais je résiste, à regret du reste !
Le temps s’étire, lascif, serein comme un corps abandonné dans la nuit. Il n’y a pas en ce lieu de foule trop pressée de tout voir et de si mal étreindre. Bientôt, comme un retour de balancier les pendolori, reviendront de Mestre ou Padoue pour vivre et dormir à Venise. Leur journée terminée, un peu lassée par elle, ils redonneront un sens à leur vie. Venise est populaire et rien ne la fera autrement.
Tu rechignes un peu à quitter ce lieu simple où coule le quotidien des vénitiens. Le silence gardé sur notre destination t’inquiète. Je le vois trop bien. Entre ces deux sourcils que tu rends ombrageux en les fronçant, naissent deux petits sillons obscurs. Prends mon bras ! Tu le fais, et déjà ta tête vient se poser sur mon épaule. Je soulève ton visage et dépose sur ta joue, si près de tes lèvres, un baiser voulu léger. Toi tu me le rends fort, appliqué et si tendre, que je me sens devenir Titan. Nous passons un dernier couloir sombre, y raisonnent nos pas. Une grande porte à deux vantaux de chêne, recouverts de clous à tête de diamant, nous coupe le passage. Elle nous tend un anneau de bronze ciselé. Tu le soulèves et le cognes plusieurs fois contre son heurtoir. Le bruit se répercute.
Un homme âgé coiffé d’un chapeau de paille, l’air souriant, entrouvre la porte. Il me regarde étonné, puis reculant d’un pas pour que nous pénétrions chez lui, me tend ses bras grands ouverts. Il appelle sa femme qui vient vers nous d’un pas pressé. Elle est belle, sous son chignon de cheveux gris, dans sa robe de madras pastel. Il est peintre de Venise, de cette femme mystérieuse qu’est la Signora, mais aussi portraitiste des autres, lorsque le sujet l’inspire. Elle, elle joue avec délice les hôtesses affables, pleines de prévenances pour ses invités. Elle cultive son jardin pour au printemps le voir se couvrir de fleurs blanches. Tout deux aiment passionnément la musique. Lui est un clarinettiste de talent. Elle une violoncelliste d’une rare virtuosité.
Il t’esquisse des yeux avec tant d’intensité, que tu en es gênée. Sans rien dire il t’entraîne dans son vaste repaire de verre où la lumière explose. Au mur deux angelots baroques opposés l’un à l’autre, tiennent une invisible banderole. Je le laisse t’emmener avec lui. Tu me regardes affolée. Je te souris et clos doucement les yeux pour te tranquilliser. Notre hôtesse m’annonce une soirée de rêve : avec trois de leurs amis ils donnent un concert dans le jardin. Elle nous y convie, je l’en remercie. Je lui dis mon souhait d’aller sur l’altane perchée au dessus du toit pour y voir le soleil se coucher.
- Turner ! Me fait-elle. L’opus 115 de Brahms sera d’autant plus merveilleux !
Je rougis de plaisir, et je la vois ravie.
Accoté au chambranle de la porte de la verrière, je regarde le peintre investir la toile. Déjà les lignes de ton visage apparaissent. L’odeur sucrée des gardénias, des roses blanches et des églantines en fleurs m’enivre. Je te regarde dans l’or de ce soleil de fin de printemps. Tes yeux s’éparpillent dans la pièce. J’entends les grognements imperceptibles de notre hôte. Le temps se consume avec douceur. Le soleil entame la fin de sa course diurne en s’approchant des toits environnants. L’enfant de Venise peint comme le fit Giovanni Bellini.. Sa Maddalena, troisième personnage de la Madonna col Bambino tra due sante, renaît sur la toile. Elle est seule, comme je l’ai toujours rêvée. Ton doux regard de confiance, tes yeux sombres voilés d’incertitude, mais brillants de vie emplissent la toile de leur présence. Tes paupières ourlées d’un léger filet de brun clair, font transition à ta peau diaphane. De légères pigmentations beiges rousses translucides, se dissipent sur la carnation de ton visage. Elles sont tout le charme de celui-ci, encadré de longs cheveux châtains aux vagues étendues. Tes lèvres, dans leur carmin intense, surlignées de brillance, rehaussent ton portrait.
Il te parle. Son français chantant t’envoûte. Tu es radieuse. L’artiste a achevé la transmutation alchimique du plomb en or. Les vides laissés par ta maigreur ont disparu. Le maître a peint non ce que virent ses yeux, mais tel qu’il pressentit que tu es. Il t’invite à venir voir la toile. Je me mets en retrait de celle-ci pour épier ton regard. Ton sourire émerveille le voleur d’instant. Tu te jettes à son cou pour l’en remercier. Je te regarde. Tu ne peux savoir à quel point, à ce moment précis, je suis heureux. J’acquière la certitude de ta victoire sur ton mal !
Tu me prends dans tes bras et murmure des mots. Je ne les comprends pas. Notre hôtesse vient vers nous, embrasse en souriant de contentement son mari, et nous tend une couverture de douce laine pour nous préserver du vent frais qui balaie la lagune.
Tu veux voir la fontaine, dont je t’ai parlé. L’air chaud embaumé des fragrances miellées et colorées des fleurs épanouies t’émerveille. De derrière un gardénia en pleine floraison, nous parvient le bruit blanc de l’eau jaillissant d’une demi-vasque accrochée au mur de briques rouges, ternies, protégeant ce havre de paix et de silence. Au sol des hautes herbes aux allures fragiles laissent perler leurs haillons d’argent. Je t’admire dans le contre jour. Un fin halo doré te dessine. Tu te penches vers le bassin d’eau, en saisit une larme au creux de tes mains et la bois. Je m’éloigne tout en t’observant.
Nos hôtes attentifs à ta présence me questionnent sur toi, ne voulant trop rien dire, je présente cet impromptu voyage, comme la sortie de ton isolement. Le soleil a quitté le sommet des toits, il se cache. Il est temps pour nous de monter assister au plus beau des spectacles de Venise : son embrasement. Notre hôtesse s’empresse à vouloir nous accompagner, mais je la prie de n’en rien faire, l’assurant que mes nombreuses visites passées pouvaient lui éviter une pénible montée vers le grenier et les toits. Elle nous fait patienter disparaissant dans la maison, puis réapparaît avec un plateau dressé d’une collation et de boissons fraîches, qu’elle me tend d’un sourire malicieux.
Nous franchissons le premier étage ordonné jusque dans les peintures anciennes accrochées aux murs de l’escalier. Tu me précèdes et voir tes hanches osciller pudiquement me fait plus encore aimer cette journée si particulière. Je n’ai jamais su si il fallait précéder la dame et la laisser choir en cas d’incident, ou bien lui succéder pour la recevoir en cas de chute. Su ou voulu savoir ? Ce soir je ne me pose pas la question. Te voir monter les deux étages est un plaisir égoïste et troublant. Je ne souhaite pas m’en priver.
Le grenier vaste et sombre où nous pénétrons sent le linge mis à sécher. Tu me demandes où se trouve la porte qui donne sur l’escalier de l’altane. Je te la montre et t’indique le crochet auquel pend une grosse clé de fer rouillé. Je ne parviens pas à deviner quelle est ton attente Je te laisse découvrir l’étroit escalier grimpant le long du toit pour venir s’ancrer au plateau de bois bordé d’une robuste balustrade. Sur l’altane, disposés côte à côte, deux transats de teck huilé nous attendent et un banc d’époque victorienne. La petite table basse qui trône devant lui reçoit le plateau de friandises offert par notre hôtesse. Déjà le soleil verse à l’ouest pour se cacher derrière Padoue. Appuyé à la rampe je regarde cette féerie si étonnante. Elle te donne la triste impression que je t’oublie. Comment pourrais-je t’oublier un instant mon Cœur. Nous sommes ici pour te faire découvrir le bonheur extrême de cet enchantement. Je te prends par l’épaule, tu te blottis au creux de la mienne. Nous contemplons le plus beau des jeux de feux et de lumières.
Se mêlant à la flamboyance du ciel, quelques nuages moutonneux s’empourprent. Les fenêtres mauresques brûlent l’or flambant du ciel. Sur le canal de la Guidecca les motoscafi suivent la ligne blanche imaginaire des bricola, ces faisceaux de pieux enfoncés dans la mer. Ils dessinent derrière eux, comme le ferait un doigt sur le sable, des sillages d’écume irisée. Les odoriférants gardénias volent vers nous, accompagnant les premières notes des violons, de l’alto et enfin la voix tranquille et posée du violoncelle. La clarinette s’unit en sept notes, celles épelées par les cordes. Elle prolonge la septième, l’amplifie pour revenir au thème premier. Cette musique d’arrière vie, que nul regret n’agite, bâtie d’espérances flétries, malgré tout heureuse, épouse le crépuscule triomphal. Renouvelé, sans doute demain, celui-ci restera dans nos souvenirs, le nôtre, intime et unique. Une colonne de feu s’étend sur la lagune, et vrille d’or, d’incarnats et d’indigos somptueux. Les toits de plomb du Redentore, dans l’ombre, frisent de flammèches cramoisies. Ils s’embrasent. San Giorgio rosit de voir ces deux sabots vénitiens, ces gondoles noires aux fers griffant l’air, glisser sur l’onde aux mille reflets enjôleurs. Déjà, le lent adagio de son voile serein chante ses souvenirs. La clarinette libère avec magie ses notes éthérées, enchantées et ardentes. Byzance se rappelle à la Signora accrochant en orient un croissant de vermeil. L’horizon au ponant d’un violet sombre, pare les murs de la ville d’un noir profond. Sur Saint Marc la luciole dorée de la lanterne du codega, cet accompagnateur, précède le maître. Une botta au masque blanc le rend anonyme. Il va vers le ridoto jouer à la bassetta. Dans les six sestieres de Venise le peuple joue aux cartes, au loto clandestin, que le Conseil des Dix, dans sa modernité précurseur, légalisera en le taxant. Venise s’encanaille.
Assis sur le banc, les pieds appuyés sur la rambarde. Toi, allongée, la tête reposant sur ma poitrine, tu es tournée vers moi, enlacée. Ma main glisse de tes cheveux à la peau fraîche et douce de ta joue. La volupté nous caresse. Tes yeux embués me fixent, ineffable musique de ton âme. Deux larmes coulent d’or. Ton visage est si près du mien que j’en perçois l’effluve de vie.
La tendre tentation m’envahit d’aimer la fraîcheur de tes lèvres.
Etre le gravier chantant sous tes pas.
Etre l’arbre ployant sa ramure sur ton passage.
Etre la brise cajoleuse t’embrassant le visage.
Etre le vent chapardeur niché à ton cou, te dérobant des éclats de parfum.
Etre l’eau, sublime étreinte, glissant sur ton corps abandonné à elle.
Etre….
Etre ce que l’imaginaire m’abandonne, ce que la réalité me niera obstinément.
Assis, sur un banc, une bouteille de bourbon vide roule à mes pieds. Le jour se lève, brumeux, caligineux, dégoulinant d’humidité.
Il fait froid…. Froid comme un matin de peine capitale !
Les Enlos (extrait) Fevrier 2005
Rédigé par : Account Deleted | 01 août 2010 à 19:29
(moi encore, apparemment ça se discute ;-))
N'IMPORTE QUOI!!!! Votre subconscient n'a qd mm pas enregistré cette connerie monumentale!!!???!!!
Rédigé par : Charlotte | 01 août 2010 à 18:46
Tu peux peu du Genou...
L'est tant que t'ailles te recoucher et te mettre sous perf...
Rédigé par : Account Deleted | 01 août 2010 à 18:03
Fini le contrôle au faciès!
Où ça???
J'étais tenté lorsque j'ai lu votre titre de vous poser la question!!
Mais j'ai découvert votre petit point d'ironie mordante en ouvrant la note!
En Arizona...
Ah bon! Vous me rassurez un peu car j'avais soudainement peur de ne plus vivre ces moments charmants que nous offrent les controles d'identité intempestifs et totalement aléatoires...
Aléatoires, enfin si vous êtes bronzé, cheveux crépus noirs de jais etc...Pour peux que vous parliez verlan s'en est fait de vingt ans de bagne avec la gardienne en faux channel, la morano pour laquelle ce n'est pas un argot de tradition française!!
La conne n'a pas lu les vieux classiques du genre et l'apocope centrale me la ferait transformer volontiers en mono de colonie de vacances pour bourges en transes...te lui ficherais sa casquette de travers...sur qu'elle le remuerait son popotin en marchant au pas et en causant verlan...
Non mais!
Rédigé par : Account Deleted | 01 août 2010 à 18:01
Et si ce jeune ne l'est pas vraiment, qu'il est "blanc", qu'il ne porte pas de cagoule mais qu'il court près de vous, vous allez aussi penser à l'instinct de protection ?
Vous n'avez pas entièrement tort mais en disant cela, vous ne faites qu'alimenter mon propos qui voulait juste signaler que nous étions tous conditionnés par ce que l'on nous montre et qu'on nous dit, que l'on nous désigne comme étant potentiellement dangereux pour nous.
Que ce soit en Arizona pour un Latino ou ailleurs pour d'autres faciès, le problème demeure le même. On peut faire des lois d'un côté ou en invalider d'autres, on ne peut rien contre les mentalités. Et encore moins contre les peurs.
Si vous regardez les chiffres de la déliquance aux USA, vous voyez quoi ? Que les délinquants sont soit Noirs, soit Latinos. Il en est ainsi depuis des décennies. Depuis "West Side Story", rien n'a fondamentalement évolué même si un Président a été élu tout en étant de couleur. Les mentalités évoluent toujours moins vite que les bonnes volontés. Parce qu'il y a des années et des années de peurs cachées derrière les portes, qu'il y a des médias rarement impartiaux, qu'il y a, à force de vouloir lutter contre les discriminations à toute volée, des gens que cela dérange et qui se servent des chiffres pour alimenter encore et encore les peurs ancestrales lié au concept du "ce qui est différent de nous est forcément dangereux". Il y a dans tout cela une peur viscérale des changements et de la perte des biens et acquis. Qu'ils soient sociaux ou personnels. La peur de perdre ce qu'on a est devenue le moteur de toutes les idées. Si Obama a des difficultés ce n'est pas parce qu'il ne fait pas tout ce qu'il a promis mais parce qu'il essaye de le faire et qu'il se heurte aux mentalités qui craignent les changements.
Et ce qui est vrai pour Obama l'est aussi pour d'autres. On ne peut pas tout changer tant que les mentalités refusent d'évoluer.
Bon, je sais que je prêche dans le désert. Vous pensez sûrement que le débat de l'identité est un sujet majeur et qu'il ne renvoie qu'à des conceptions politisées de la chose. Je vois tout ça autrement. J'ai, depuis pas mal de temps, cessé de politiser les idées pour n'en garder qu'une vision épurée et dénuée de passion. La passion, c'est l'humain. La politique, c'est mettre tous les humains au service d'une seule passion. C'est trop étriqué pour moi. Je pense globalité. Je pense qu'un Latino en Arizona équivaut à un black à Harlem ou un "arabe" (j'aime pas ce mot !) à Aubervilliers. On les voit toujours tous de la même façon. Et si ce n'est lié à leur faciès, c'est lié à quoi ????
Rédigé par : CelineElias | 01 août 2010 à 17:42
J’ai une idée pour les gens du voyage, si on leur greffait un GPS..
Remarquez y-a pas qu’à eux, certaine mériterait aussi ce gps d'honneur, ça va de soi !!!
Bon je rigole, je viens de regarder avec un certain plaisir pour ne pas dire l’inverse, le Don Giovanni du Festival de Glyndenbourne..
Dramma giocoso il a écrit le Sacripant…Le giocoso se laisse à peine entrevoir tant les décors iraient assez bien à un opéra de Wagner, manque plus que la Ford Mustang, ou la Ferrari GT 50.
Dramma noir si il en est dans cette vision angloise, noire de noire et cette fin du lascar, le pauvre même pas foutu capable de finir son diner, sans les flammes changées ici en sang et en pétrissage de cœur par ce diable de vieux con sorti de sa tombe comme un zombie..
Si ce n’était ce Wladimir Jurowski prenant les tempi de cet opéra pour un chaix de TGV cela m’aurait plus incité à inverser mon plaisir et le rendre moins incertain..
Les voix sont belles, Elvira et Anna se perdent un peu dans le rythme soutenu du chef, Don Giovanni est u habitué du rôle..Leporello exhibe rapidement les quelques maitresses, j’allais mettre victimes. Vous ne me ferez pas croire que toutes ces femmes sont à ce point naïves, j’allais écrire nunuches pour se laisser ainsi prendre dans les rets du chasseur ! !!
Elles y mettent un peu de volonté aussi..NON ???
A voir, c’est une version originale, ne dépareillant nullement les autres œuvres du Galopin Salzbourgeois, niqueur de Colloredo cette vieille peau d’archevêque, produites par ce magnifique festival.
Je retourne sur mon transat, je suis déjà en sueur !
Rédigé par : Account Deleted | 01 août 2010 à 17:16
Evidemment céline qu'un jeune cagoulé qui s'approche de moi en courant ne me rassure pas! Mais ce n'est pas cela le délit de faciès! Cela s'appelle l'instinct de protection face à une agression potentielle.
Le délit de faciès, c'est le contrôle du samedi soir de jeunes en voiture, qui ne commettent aucune infraction, qui sont français comme vous et moi (moi encore, apparemment ça se discute ;-))mais dont la famille doit être originaire d'Afrique du Nord. Et c'est surtout - en l'occurrence, et c'était l'objet de mon billet - ce que la loi de l'Arizona prévoyait, le contrôle systématique de l'identité de toute personne ayant un type hispanique... La Cour Suprême de l'Arizona a jugé que c'était indigne et ils ont bien fait!
Rédigé par : Anne Sinclair | 01 août 2010 à 17:15
Le faciès...
Nous contrôlons quasiment tous le faciès. Et le délit de "sale gueule", nous n'en avons pas forcément conscience mais nous lui donnons chaque jour ou presque ses lettres de noblesse. Qui n'a jamais dit ou pensé qu'avec une telle apparence celui-ci ou celui-là était suspect ? Allez, un peu de courage et d'honnêté ! Nous avons tous pensé cela un jour devant une personne qui ne nous inspirait pas confiance. On appelle cela le délit de sale gueule. On juge sur le premier abord sans savoir qui est la personne derrière l'apparence.
On juge sur les faciès. On voit ce que l'autre est ou peut être en fonction de son apparence. Qu'on le veuille ou non, nous sommes pris par les images que renvoient les gens que nous croisons.
Le problème, aux USA, c'est qu'ils font souvent des amalgames rapides entre faciès et problèmes. Comme nous, en France, en Hollande, partout, quoi ! Que les gens soient socialement de Gauche ou économiquement de Droite, à force de tout entendre partout, de tout voir, je m'aperçois qu'au delà des belles idées humaines, on est tous pareils et on juge sur des faciès qu'on nous a appris à craindre, voire à considérer comme potentiellement dangereux pour nous.
Un jeune cagoulé dans une cité, vous en pensez quoi s'il vient vers vous ? Qu'il va vous demander son chemin ? Qu'il va vous draguer (si vous êtes une femme) ? Qu'il veut vous demander l'heure ? Non, parce que les médias et les actus conditionnent inconsciemment les jugements et les réactions, vous allez penser que le jeune cagoulé veut vous prendre quelque chose. C'est d'autant plus absurde que ces jeunes pas forcément mal intentionnés, et même cagoulés et parlant leur langage à eux, ne sont pas plus mauvais que vous, avec vos oeillères et vos peurs.
Il n'y a pas que de la racaille. Il n'y a pas que des problèmes. Il y a des gens. Des gens qui, au quotidien, vivent les amitiés trompeuses des élus de Gauche, et des regards apeurés, craintifs ou simplement juges des passants.
Il est temps de changer les mentalités. De ne plus prendre pour exemples des gamins en mal de reconnaissance. De tout remettre à plat et d'admettre une fois pour toutes que le faciès des autres nous conditionne dans nos réactions. A partir de là, nous pourrons avancer. Ici, partout, aux USA, en Afrique, en Asie, partout.
Vais me faire un café pour célébrer ma nouvelle utopie !!!
Rédigé par : CelineElias | 01 août 2010 à 17:03
Off-topic, parmi les nouvelles neuves(sic!) de ce matin, en voilà une d'agréable, de positive qu'on attendait ces dernières semaines:
Albi fait son entrée au patrimoine mondial de l'Unesco...
http://www.lepoint.fr/societe/albi-fait-son-entree-au-patrimoine-mondial-de-l-unesco-01-08-2010-1220985_23.php
à 75kms de Toulouse, je me permets de vous recommander cette ville ex-cité cathare que j'aime depuis des années...
Rédigé par : Mélanie | 01 août 2010 à 10:33
Pourvu qu'ils ne tombent pas sur la dernière saillie de Sarkozy qui veut décider de retirer la citoyenneté française à certains.
Cela compléterait le tableau : pas de nationalité, pas beau, dehors (et pourquoi pas à la place du taureau de corrida pendant qu'on y est, allez, un peu d'enthousiasme dans la bassesse que diable !).
Rédigé par : Bloggy Bag | 31 juillet 2010 à 13:36