L'affaire n'est pas simple et tient de l'imbroglio politico-judiciaire. Accrochez-vous, mais sachez que cela déchaîne les passions en Amérique.
Et les résolutions de BO de descendre dans l'arène pour défendre ses choix sont plus faciles à prendre qu’à tenir. Et la réouverture du dossier hautement polémique du "Don’t Ask Don’t Tell" montre à quel point Obama et son équipe peinent à formuler leur message, sacrifient la clareté pour la conformité et payent sans doute leur manque de constance et de pugnacité.
Tout a commencé le mercredi 12 octobre, avec un jugement d’un tribunal local de Los Angeles, qui estimait que la fameuse loi "Don’t Ask Don’t Tell" (qui interdit, rappelons-le aux homosexuels souhaitant s’engager/ ou servant dans l’armée de révéler leur orientation sexuelle sous peine de radiation) "ne respecte pas les droits fondamentaux des militaires américains garantis par le 5e amendement, viole le droit à une application égalitaire de la loi et le droit à la liberté d'expression".
(It “violates (a) the substantive due process rights guaranteed under the Fifth Amendment to the United States Constitution, and (b) the rights to freedom of speech and to petition the Government for redress of grievances guaranteed by the First Amendment to the United States Constitution.”)
Certes, ce n’est pas la première fois que la mesure est déclarée anticonstitutionnelle. Et plusieurs juges et cours locales avaient déjà été appelés à trancher en faveur ou contre cette loi, et le jugement s’est toujours vu annulé en appel par une cour supérieure fédérale.
Cependant, cette fois, grâce à la médiatisation et l’action des associations LGBT de Californie, l’ordonnnance de la juge Virginia Phillips, "interdisant aux Etats-Unis d'appliquer la loi et de la mettre en oeuvre contre n'importe quelle personne sous leur juridiction ou leurs ordres" et ordonnant que "le secrétaire à la Défense suspende ou interrompe toute enquête, renvoi ou procédure en cours entamé en vertu de la loi", a aussitôt été porté devant les médias et les porte-paroles du gouvernement (alors qu'auparavant, on attendait au moins le jugement en appel pour demander aux autorités en charge de s’exprimer)
Dès lors, les agents recruteurs de l'armée américaine en Californie ont été autorisés par leurs supérieurs locaux à accepter les candidatures des homosexuels – tout en mettant en garde les candidats du risque qu’ils encouraient en révélant leur orientation sexuelle, puisque, en cas d’annulation de cette décision, ils se verraient automatiquement exclus.
Le même jour, la plus grande association de militaires et d'anciens combattants gays et lesbiennes des Etats-Unis, Servicemembers United, organisait une campagne de pression médiatique pour exiger une réaction de la Maison Blanche et du Pentagone, espérant faire de cette victoire fragile un précédent suffisament solide pour enfin faire tomber cette injstice.
Et si lendemain, comme prévu, la partie adverse s’était pourvue en appel, le débat sur le tabou homosexuel dans l’armée était relancé de manière ressentissante, obligeant toutes les parties à s’exprimer.
Espérant gagner du temps, le Pentagone, comme la Maison Blanche, ont d’abord botté en touche, le premier déclarant qu’ils allaient étudier le dossier ; la seconde en accusant simplement réception de cette décision en affirmant que "les récentes décisions de justice ont démontré au Congrès qu'il est temps d'agir et de mettre fin à cette politique. Elles ont démontré que le temps presse."
Mais en coulisses, le traditionnel bras de fer entre la jutice et l’armée reprenait de plus belle, tous deux usant tous les moyens en leur pouvoir pour maintenir ou annuler le premier jugement. Et devant le refus de la juge de suspendre sa décision, le Pentagone se tournait mercredi vers la Maison Blanche, afin d’obtenir l’accord de l’administration Obama pour saisir la cour de San Francisco et exiger, en plus de l’appel, une suspension immédiate du jugement Phillips.
Et c’est ainsi que Barack Obama s’est vu contraint d’entrer dans une polémique dont il s’était tenu volontairement à l’écart jusqu’ici.
Alors que, selon les derniers sondages, entre 70% et 75% des Américains se disent favorables à l’abolition de cette loi et alors qu’il s’était déjà lui-même déclaré à plusieurs reprises pour la suppression de cette mesure, le Président américain a donc demandé mercredi au Département de la Justice de déposer un recours d’urgence pour que le Pentagone puisse continuer à appliquer la directive "Don't Ask, Don't Tell", en attendant le jugement en appel, fixé au 1er décembre. (au motif que "cette décision de justice pouvait heurter les efforts de l’administration et de l’armée pour étudier les effets d’une annulation du ‘Don’t Ask, Don’t Tell’". Bonjour l'imbroglio !
Vendredi, le recours de l’administration Obama était entendu et le "Don’t Ask, Don't Tell" rétabli. Si bien qu'en moins d’une semaine, Barack Obama a ajouté une incompréhension politique à une confusion jusqu’alors judiciaire, perdant une grande partie de sa crédibilité auprès de la communauté homosexuelle.
Car pour beaucoup, le président américain a fait appel d’une décision de justice par manque de courage politique. BO, lui, a expliqué qu’il avait agi par principe, expliquant qu’il revenait au Congrès et non à la justice d’abroger ce texte : "l'administration n'est pas favorable à la loi mais est profondément convaincue que le Congrès devrait l'abroger. Le Département de la Justice, comme cela a toujours été le cas, défend la constitutionnalité des lois fédérales tant que celle-ci peut être raisonnablement défendue". Mais l'argument convainc peu.
Et quand à ce manque d’audace s’ajoute à un défaut de pragmatisme, les critiques se font plus acerbes. Car les Démocrates ont déjà présenté par deux fois un projet d’abolition du "Don’t Ask, Don't Tell" mais le Sénat a toujours refusé d'ouvrir les débats sur la question. Et si les prédictions pour les élections de mi-novembre se confirment, il est à craindre qu’il ne soit encore plus difficile de faire bouger les choses avec une Chambre, voire un Congrès tenu par les Républicains.
Le comble est que, critiqué par les experts, désapprouvé par les Indépendants et la majorité de son parti, incompris par une opinion publique qui a été choquée, la même semaine, par l’annonce de suicides en série de jeunes moqués ou attaqués à l’école à cause de leur homosexualité, le Président américain se retrouve isolé sur un dossier avec lequel il est pourtant en accord! Ca s'appelle un sérieux loupé.
Ghislaine, excellent article. 1% ou 10% quelle difference puisque que l'on parle de minorite ? Je suis meme tente de dire qu'une minorite de ces 10% se declarent ouvertement homos. Faisons les comptes 1% de 60M d'habitant donnent 600.000 homos. Beaucoup moins que le cortege de la Gay Pride annuelle a Paris, et encore la on ne parle que de la capitale. Pourquoi decredibiliser une minorite (a coup de chiffres) qui sait se faire entendre et faire avancer des sujets de societe ? Les grands beneficiaires du PACS ne sont pas les homos mais les fonctionnaires de l'Education Nationale, on a tendance a l'oublier.
Rédigé par : Account Deleted | 26 octobre 2010 à 13:06
Comme quoi,à chacun ses diables et surtout ses diabolisations.
Je vais radoter mais entre BO et Sarko, il n'y a que l'espace d'un océan et de quelques différences dans les opinions. Si infimes, ces différences. Alors que ce qu'ils vivent actuellement est tellement proche. Je ne sais pas ce qu'ils ont dans le pantalon, l'un et l'autre mais je n'aimerais vraiment pas devoir faire face au monde. Pas maintenant. Je fais souvent le parallèle entre Bo et Sarko car à mes yeux, ils sont l'espoir de demain. Et qu'importe leur manière d'y parvenir. J'y ai cru, j'y crois encore et je leur souhaite à tous deux beaucoup de courage. Vraiment. Du fond du coeur. Les dissidents sont des planqués qui ne feront pas mieux, j'en suis certaine. On fait mieux quand on peut le prouver. Pas quand on l'annonce.
Courage, BO !
Rédigé par : CelineElias | 25 octobre 2010 à 20:39
Hé oui, Céline, en Amérique, c'est une insulte d'être socialiste! parce que cela veut dire attendre de l'Etat qu'il intervienne, fût ce pour réguler, et ça c'est le diable pour les Américains!!!
Rédigé par : Anne Sinclair | 25 octobre 2010 à 20:07
Grandeur et démesure...
J'ai vu, ce week-end, un reportage au JT de je ne sais quelle chaîne, sur les prochaines élections américaines. Tous les coups sont permis, tout est légal, même cette candidate d'un Etat qui fait campagne en canardant à la mitrailleuse dans un spot très...comment dire en restant politiquement correcte ?...très limite du hors-jeu. En Europe - surtout en France où tout doit être contrôlé voire polissé au risque de devenir dépassionné -, un tel spot serait interdit. A juste titre !!!
En Europe, on privilégie la grandeur d'âme ! ☺☺☺☺ Voire la grandiloquence des discours ! ☺☺☺☺ On aime crier au feu quand la fumée s'échappe de la cheminée encrassée de nos vieilles républiques mais jamais ô grand jamais nous ne brandirions les armes pour expliquer que tout citoyen doit pouvoir se battre contre l'agresseur forcément étranger. Bah oui ! On ne prend pas les armes contre ceux qui nous ressemblent ! Le 11 septembre a servi à deux choses : rendre les hommes plus cons qu'ils ne l'étaient déjà avant, et rendre plus forts ceux qui s'enrichissent en rendant les gens plus cons. Loin des idéologies, il s'agit toujours d'argent et de lobbies.
Tout autre chose concernant les prochaines élections : est-il vrai que l'insulte ultime que l'on peut lire partout s'adresse à Obama quand ses détracteurs payent un affichage disant que le Président est socialiste ? C'est ça l'insulte suprème ?????
Douce France, cher pays de mon enfance...Si j'ai un peu les nerfs envers ceux qui se servent du désarroi du peuple pour semer la zizanie et faire une fois de plus de mon pays la risée - jaune - du monde, je suis contente de ne pas être américaine quand je lis que tout vaut mieux que d'être socialiste ! Je susi vachement fière d'être Française quand je vois que nous continuons, tant bien que mal, à accepter les idées, les idéaux et les différences au sein de notre petit pays.
Je suis fière d'être née dans un pays qui défend l'être humain même quand il n'est plus défendable. Je suis fière d'être dans un pays qui a dit non à toutes les extrèmes et qui continuera, je l'espère à le faire.
Tant qu'à redevenir un pays socialiste, faisons-le bien et mieux qu'avant !
Euh....vous croyez qu'on peut demander à BO de postuler en France ? On aurait besoin d'un mec comme lui ! Bon, je sais, on a ce qu'il faut. Mais chuuuut ! Non, je ne l'ai pas dit !!!!!!!!!!!!
Rédigé par : CelineElias | 25 octobre 2010 à 16:55
bonjour Anne, j'espere que vous allez bien, etant un admirateur de madame signoret, je suis tombé par hasard sur le site de l'ina ou vous presentiez en 81 une emission intitulé "les visiteurs du soir", je ne peux m'empecher de mettre le lien sur votre blog..
http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CPB81055937/simone-signoret.fr.html
a noter que vous possediez un très joli collier..
Rédigé par : jeff | 25 octobre 2010 à 16:01
J'y vois un "syndrome du gestionnaire du quotidien". Une fois dans la mélasse des milles et uns tracas, le dirigeant ne voit plus l'horizon, perd l'utopie qui l'a mis en route et par là-même ce que l'on attend de lui : de la clairvoyance sur le long terme et une indication fiable du chemin à découvrir.
BO explique ici la procédure légale et législative actuelle là où on attend qu'il dise où il faut aller même si le chemin reste à tracer.
Rédigé par : Bloggy Bag | 25 octobre 2010 à 08:49
Il convenait de lire "décision de justice" bien évidemment à la place de "discussion de justice". Il se fait tard !
Rédigé par : Michèle Doige | 25 octobre 2010 à 00:49
Bonjour Anne, bonjour à tous
Comme je m'étonnais l'autre jour, je croyais avoir mal lu, que l'administration Obama avait interjeté appel de ce jugement, un ami me rappelait que des élections avaient lieu tout prochainement.
Il semblait plus facile, certainement beaucoup moins courageux, qu'une décision de justice soit prise, ensuite l'Administration n'avait plus qu'à s'incliner et l'honneur ( si je puis dire car ce serait plutôt le déshonneur que l'on frôlerait ) serait sauf.
C'est pas de ma faute, moi je ne voulais pas mais une discussion de justice ne se discute pas,elle s'éxécute !!
Oui mais le scénario ne s'est pas déroulé comme prévu.
Au bout du compte Obama ne saurait prendre à son compte la célèbre citation "tout est perdu fors l'honneur", tout est perdu qu moins en ce domaine très sensible !
Rédigé par : Michèle Doige | 25 octobre 2010 à 00:31
Bonsoir Anne,
Le formaliste ici je le considère un peu inopportun, fait céder le pas au politique!
Espère t il gagner dans 10 jours???
Le politique a manqué d'audace et d'une saine perception de la réalité...
Je crois que c’est l’audace qui manque le plus à BO….et le système politique américain montre amplement ses limites…
Aimez vous l’opus 60, une main gauche avec que des bons pour le chef d’œuvre de Chopin, avec Kissin, Freire, Perlemuter, et Lipatti…Nat aussi, mais c’est pour vous faire plaisir, pas seulement, il nous fait quitter la brume pour un océan de sauvagerie….
Je vous éviterai Cortot, enregistrement très ancien mais nullement passé « pianistiquement ».
Voilà ce sera à mon retour de paris mercredi..
D’ici fait-il beau au pays du sourire ?
Rédigé par : Account Deleted | 24 octobre 2010 à 20:19
Malheureusement, une preuve de plus que B.O. est plus fort pour réciter des discours qu'appliquer ses idées ou simplement les défendre face au Sénat.
Dans le registre de l'homosexualité toujours mais en Grande Bretagne, un rapport a démontré que le pourcentage d'homosexuels ou bisexuels était beaucoup plus faible que ce qu'on pouvait croire au regard de la pugnacité des associations pour défendre les droits.
De prime abord, on aurait pu dire, un rapport de plus chez les Britanniques mais les répercussions risquent justement de donner moins d'importance aux revendications des homosexuels.
http://www.rue89.com/rue69/2010/10/17/1-4-10-dhomosexuels-en-france-qui-dit-mieux-171376
« Un parlementaire conservateur, Philip Davies, s'est empressé de dénoncer “une attention démesurée accordée à l'orientation sexuelle dans les questions de diversité, alors que la proportion de personnes concernées n'est pas aussi importante que ce qu'on croit”. »
Rédigé par : ghislaine | 24 octobre 2010 à 18:16
C'est encore une fois une très bonne analyse ! Courte mais complète. Je suis totalement déçue par la réaction d'Obama, dont on lui reproche déjà son véritable manque de motivation d'abolir cette loi. Cest un pas de plus fait pour que l'on croit à cette dernière assertion. A croire qu'il ne sait pas vraiment ce qu'il veut faire ! Ca fera les choux gras du prochain show de Rachel Maddow ça, for sure !
Rédigé par : LiseKossibale | 24 octobre 2010 à 17:38
Lobbying, lobbying, quand tu nous tiens!!!!
L'entourage actuel du président serait il sensible à cette pratique (qui est par ailleurs devenue habituelle et courante dans divers lieux, y compris la vieille Europe?)
Nous nous interrogions à propos des départs de certains membres de l'équipe qui entourait BO ... faut il établir un lien entre ces deux faits?
Rédigé par : Sélène | 24 octobre 2010 à 17:16
C'est con, je trouvais ca tres habile de laisser la Justice trancher. Mais c'etait sans compter sans le Pentagone. Nous saurons le 2 novembre si la suspension a des chances d'etre levee le 1er decembre. Je n'y vois pas un manque de courage (car la conviction reste la meme j'en suis certain), juste un jeu politique et c'est plus cela le plus degueulasse.
Rédigé par : Account Deleted | 24 octobre 2010 à 16:28