Vous avez eu droit à Michelle, je vais vous donner du Barack.
Ce week end, pour le NY Times, paraît un long portrait-enquête-interview sur le Président qui fait son bilan.
Bilan nécessaire, selon Peter Baker, l'excellent journaliste auteur de ce long papier, car le Président a été vilipendé par la droite, puni par la gauche et abandonné par le centre. ("Vilified by the right, castigated by the left and abandoned by the middle").
Il réléchit sur ses erreurs - preuve de sagesse et d'intelligence - et pense beaucoup, disent ses conseillers, à Obama 2.o (ce qui pour les familiers de l'informatique signifie la nouvelle version du mandat à venir du mandat présidentiel).
Il dit n'avoir pas de regrets, mais avoir appris des leçons tactiques: il reconnaît s'être montré trop conforme au modèle du démocrate de gauche dépensier et favorable aux impôts ( "He let himself look too much like the same old tax and spend liberal Democrat"), et dit qu'il n'y a rien de tel que les "shovel ready projects", c'est à dire des projets à mettre en oeuvre immédiatement (ce qu'il fait désormais avec l'accent mis sur les infrastructures).
Plus que tout, il reconnaît que s'il veut l'emporter sur Washington, il doit jouer avec les règles de Washington. Il dit cette phrase, rare chez un Président, qu'il ne sert à rien de croire qu'on a raison si personne n'est d'accord avec vous! A méditer... Autrement dit, il a passé trop de temps à se focaliser sur les objectifs politiques à long terme (policy), plutôt que de se battre sur le plan strictement politique (politics). (" Too much time trying to get the policy right than trying to get the politics right").
On ne peut pas négliger, ajoute-t-il, le marketing, les relations publiques et l'opinion. Quelle autocritique qui peut être prise à l'inverse comme un hommage ! Il a peut-être été trop ambitieux pour son pays, mais en fait, ne s'est pas (assez) abîmé dans la politique politicienne.
Il ne fait pas que se flageller: il pense avoir rempli 70% des promesses qu'il avait faites, et dans les deux années qui viennent, il va tenter d'accomplir les 30% restants. "Dans une démocratie grande et désordonnée comme la nôtre, tout prend du temps et nous ne sommes pas une culture qui est bâtie sur la patience". (" In a big messy democracy like this, everything takes time and we're not a culture that's built in patience".)
Si je ne devais retenir qu'une phrase de cet entretien, ce serait celle-ci, belle comme l'antique: "Faire une campagne électorale) c'est de la poésie, mais gouverner c'est de la prose. Mais la prose et la poésie doivent se rejoindre. ("Campaign is poetry and governing is prose. But the prose and the poetry match up".) Espérons que cette maxime sonne juste !
Un son de cloche un peu different : http://radiofrance-blogs.com/fabienne-sintes/2010/10/18/obama-20/
Rédigé par : Account Deleted | 18 octobre 2010 à 12:58
On s'attend à ce que Obama soit un homme uniquement pragmatique, logique, gestionnaire, avec une analyse politique visionnaire: à l'image du président de la République. Mais là, on découvre qu'il a ce petit plus indéfinissable, cette subtilité littéraire qui le rend alerte et lucide, souple d'esprit. Comme quoi tout est question d'équilibre :-)
Rédigé par : Catherine | 18 octobre 2010 à 09:22
Savoir faire et faire savoir.... Quand les deux sont équilibrés, le succès doit, raisonnablement arriver.
Il y a également la notion d'urgence...l'un de mes enseignants assurait qu'il n'y avait pas d'urgences, seulement des choses importantes, et d'autres qui le sont moins.
BO et toute son équipe ont beaucoup travaillé (il y avait tellement à faire après la déplorable expérience Bushiste), mais peut-être, l'épuisement aidant, le sens de l'important a t il été supplanté par celui de l'urgence? Actuellement, faire campagne pour la réélection est l'important, mais c'est également une urgence réelle...
Rédigé par : Sélène | 17 octobre 2010 à 19:04
Je crois que la reconnaissance (+ ou - sincère) de ses erreurs est très appréciée aux USA, les anciens alccoliques ou encore les born again (si je ne m'abuse) séduisent les électeurs. Ca doit être aussi la culture Hollywood: le héros passe des moments difficiles, mais il se remet en cause, repart de l'avant et souvent triomphe (je dois être influencé par l'excellent DVD malgré son titre calamiteux en frnaçais: panique à Hollywood avec De Niro/Penn /Willis etc...). En France par contre, les hommes politiques se "doivent" de ne pas revenir sur leurs erreurs, ils assument tout ou plutôt rien et je ne pense pas qu'à Sarko.
Sinon, la phrase est vraiment très classe ...et merci à Michèle D de nous avoir donné ces précisions.
Ensuite, ce n'est pas simple de réunir poésie et prose, mais disons que c'est une nouvelle littérature et une nouvelle page blanche à écrire pour BO.
Rédigé par : Maule | 17 octobre 2010 à 18:45
Oui, oui, vous avez raison, Bloggy bag, il y avait encore des coquilles!!!
Rédigé par : Anne Sinclair | 17 octobre 2010 à 17:57
Analyse fine et pertinente. Ca fait plaisir lire des journalistes qui font ni plus ni moins leur travail mais qui le font bien. Sur RFI aussi - et malgre la greve sur les antennes de Radio France - j'ai entendu un debat fort interessant sur les enjeux geopolitiques au Moyen-Orient et la place centrale qu'y occupe l'Iran. Il semble que les Etats-Unis soient prets a une conference du type Yalta mais que l'Europe s'y oppose.
Rédigé par : Account Deleted | 17 octobre 2010 à 16:48
Décidément, la situation est difficile pour qu'un président vienne faire son mea culpa avec un côté repentance quasi religieux.
Attend-t-il du peuple américain un quelconque pardon, une compréhension de ses erreurs ? Et ce malgré quelques avancées symboliques, une campagne présidentielle flamboyante?
Le thème "j'ai changé" est ici utilisé d'une manière élégante et poétique mais surprenante : Yes we can, avait-il asséné. Pêché de vanité ou d'orgueil?
A lire ses interventions et celles de Madame, c'est à se demander s'ils ont les clés de la Maison Blanche !
Les conseillers de la 1ère heure partent les uns après les autres pour retourner dans la vraie vie des affaires.
Il paraît que l'on ne change pas, que l'on prend des postures. Je pense que c'est le cas d'Obama.
Les deux ans à venir seront identiques aux deux années passées. Elles s'écouleront au gré de la Bourse et des Chinois et fin 2011, les dés de sa carrière à ce poste seront jetés.
Rédigé par : ghislaine | 17 octobre 2010 à 14:36
peronne au secours de bo : voila qui est cocasse
:-)
Rédigé par : bloggy bag | 17 octobre 2010 à 12:00
Je fais mes excuses à tous pour cette note publiée avec autant de fautes de frappe que de mots. Ce n'est pas mon habitude, mais pressée par le temps sur un clavier qui n'était pas le mien, j'ai le doigt qui a fourché...
Merci à ceux qui me l'ont gentiment fait remarquer et dont je n'ai pas publié les commentaires sur le sujet, pour ne pas me faire prendre en flagrant délit d'orthographe hasardeuse :-))
Rédigé par : Anne Sinclair | 17 octobre 2010 à 10:52
Bonjour Anne Toutes et Tous,
"Il dit cette phrase, rare chez un Président, qu'il ne sert à rien de croire qu'on a raison si personne n'est d'accord avec vous!"
Pensez-vous à quelqu'un en particulier?
Des noms Anne, j’en ai quelques uns !!!!
Faire une campagne c'est faire espérer du miel à ses partisans, mais gouverner c'est mettre les mains dans la glaise!
Je ne suis pas obamaniaque, vous le savez, juste j'espère un renouveau là bas, mais cette lucidité sur la gouvernance m'apparait arriver un peu tardivement...
Il a certes réalisé une bonne part de ses promesses, mais a trop louvoyé contre les responsables de la crise....Il n'a pas osé poursuivre les fauteurs de la merde actuelle...Sans doute est-ce là son erreur, et la cause de la dispersion des voix acquise lors de son élection qui va se voir aux élections prochaines.
Vous souvenez vous du discours du 18 mars 2008, ce discours important et magnifique sur la question raciale ?
Il soulevait avec force les raisons d’une partie du mal sociétal américain, la gangrène qui ronge les différentes communautés reportant sur celles d’en face tous les maux qu’elles subissent. Il mettait dans ce discours en évidence combien une partie du mal venait de la communauté elle-même. On pouvait espérer alors que cette intelligence vive de la société américaine, il saurait l’introduire aux autres spécificités de celle-ci, en l’occurrence ici économique et politique, hors il n’y est pas parvenu.
Il s’est laissé enfermer dans le microcosme wahsingtonnien et subit les attaques merdouillantes des fadas suivant la dinde, qui font le bonheur des reps!
Sans doute lui faudrait il imaginer justement l’approfondissement de ce discours, l’extension de cette vision critique et salutaire….Mais en est il encore temps ?
J'ose à peine dire qu'ici dans le pays des fromages qui puent, la démarche serait non salutaire mais impérative à faire!
Mais nous sommes si loin de l'Amérique!!
Rédigé par : Account Deleted | 17 octobre 2010 à 10:18
quand le potus évoque le gigantesque plan de rénovation des infrastructures américaines sans doute qu'il devrait accompagner ce projet en allant visiter plus d'usines, il faut 'mettre les mains dans le cambouis' quitte à mettre un casque ou une salopette; il faut du concret et gagner des points sur le front du chômage; le costume cravatte pour faire des exposés dans les universités c'est bien mais les chômeurs ne sont pas là et il faut aussi les aimer comme ses enfants;
les américains attendent de voir une autre facette du président; jusqu'à mainteant il a été trop distant à mon sens du monde de l'entreprise et du travail mais il est capable de s'en rapprocher facilement même si ça n'est pas dans sa nature; Michelle Obama appréhende mieux les difficultés des chômeurs avec tous les soucis économiques, financiers, matériels et de santé pouvant s'y rapporter; quand B. Obama a parlé des énergies renouvelables il avait la possibilité par exemple de visiter des constructeurs américains qui réalisent des éoliennes phénoménales destinées à la production d'électricité grâce à la puissance du vent et donc de s'impliquer plus encore sur le terrain dans un domaine où les possibilités sont infinies
Rédigé par : claude | 17 octobre 2010 à 09:54
Ce texte et cette analyse sont absolument, extraordinairement, parfaitement, totalement adaptés à une riche analyse des moeurs politiques de l'Amérique, et du reste du monde démocratique.
Promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent, ou bien promesses = contrat passé avec les électeurs?
Rédigé par : Sélène | 17 octobre 2010 à 01:22
Bonsoir Anne, bonsoir à tous
"Si je ne devais retenir qu'une phrase de cet entretien, ce serait celle-ci, belle comme l'antique: "faire une campagne électorale c'est de la poésie, mais gouverner c'est de la prose. "
L’histoire de cette phrase est assez étonnante. Hillary Clinton durant les primaires qui l'opposaient à Obama avait repris à son compte les mots du gouverneur de New York Mario Cuomo " On fait campagne en poésie. On gouverne en prose." Le but était assurément de mettre l’accent sur le fait qu’Obama était excellent en rhétorique et pouvait de ce fait séduire l’électorat mais qu’ensuite il fallait savoir être pragmatique.
Je vois donc là une espèce de réponse du berger à la bergère d’autant qu’il conclut par "Mais la prose et la poésie doivent se rejoindre. "
@ Jog
"la rive du lac de Chambéry cher à MiDo"
Si je veux être tout à fait honnête, je dirais que la Méditerranée m'est chère et que la rive du lac du Bourget m'est voisine !
A Chambéry au niveau hydraulique, nous avons la Leysse qui n'est pas celle des chiens de Laconie.
La Laconie est encore de nos jours un "nome" ( l’équivalent du département ) grec dont la capitale est Sparte, je n’en sais guère plus, je serai donc laconique à ce sujet ☺☺
Un laconisme, un vrai de Sparte qui me plaît bien est celui-ci. Alors que quelqu’un demandait pourquoi la liste des lois de Sparte était si courte, il lui fut répondu "Les hommes de peu de mots ont besoin de peu de lois ". Vu l’inflation législative en France, cela voudrait donc dire que nous sommes hommes ( et femmes) de beaucoup de mots !
Puisque vous évoquez l’autrichien Alban Berg, j’entendais voici quelques jours Hélène Grimaud évoquer la sonate de ce compositeur ainsi que l’Empire austro-hongrois. Où la musique rejoint l'Histoire !
Rédigé par : Michèle Doige | 17 octobre 2010 à 00:52
Bonjour !
Avec cette histoire de poésie et de prose, BO sait-il qu'il touche une corde sensible chez les francophones... M. Jourdain... ?
Ce qui frappe c'est l'opposition, factice mais "politiquement" rentable (du moins l'espère-il sans doute), entre policy et politics.
Il dit ce que beaucoup de ses concitoyens et concitoyennes veulent entendre, mais cela ressemble un peu à du same old same old...
Serait-il descendu sur le plancher des vaches ?
Rédigé par : Robert | 16 octobre 2010 à 22:23