Plus que deux jours, et tout le monde est en train de jouer au « et si… ».
Et si les sondages qui donnent Obama vainqueur se trompaient? C’est possible, et les résultats de l’un et l’autre candidat peuvent être proches. En effet, rien ne dit par exemple que la Floride, gagnée par Bush en 2004 avec 5 points d’avance, va basculer pour Obama : il y a 5 mois, Obama n’y avait même pas de bureaux. Cependant McCain est sur la défensive dans cet Etat, comme dans beaucoup d’autres, remportés par Bush.
Et si, mardi, la participation était moins grande que prévue - même si le vote anticipé remporte déjà un succès considérable? Cela se peut, notamment si les démocrates deviennent trop confiants dans leur bonne étoile. C’est pour cela qu’ils diffusent un film sur un pauvre coureur cycliste trop sûr de lui, qui lâche le guidon avant la ligne d’arrivée, tombe et se fait doubler par McCain qui arrive à fond de train.
Et si la campagne « Obama distribue les richesses », qui a glissé très vite vers « Obama est un marxiste », portait ses fruits ? Ce thème archi-banal de la redistribution, participe, en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, d’un langage social-démocrate rabâché.
Il est étrange qu’ici, aux Etats-Unis, il soit si sulfureux : comme s’il était anormal de considérer que ceux qui récoltent le plus de richesse soient ceux qui doivent contribuer davantage au bien-être collectif ! En fait, cette attaque contre le candidat démocrate, n’est pas seulement, à mon sens d’ordre politique, mais aussi d’ordre ethnique: elle sous-entend qu’Obama symbolise la destruction d’un ordre social existant depuis les années 60, entre des blancs républicains qui seuls seraient autorisés à devenir « commander in chief », et les autres, noirs défavorisés, qui ne peuvent espérer que dans le « redistributor in chief » d’un Etat Providence à mille lieues des mentalités américaines. Derrière le choc des mots, le poids des idéologies…
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Et si Obama en avait trop fait avec sa pub ? 30 minutes de publicité en prime time sur sept grandes chaînes de télévision, pour des millions de dollars, vues par 34 millions de télespectateurs! On pourrait être étonné qu’une telle initiative n’ait pas soulevé des cris d’orfraie – sinon les protestations folkloriques, de ceux qui craignaient que le match de baseball soit retardé… Mais ici, au contraire, l’argent est le marqueur de la réussite : si Obama peut en dépenser davantage que McCain, c’est parce que ses contributeurs sont plus nombreux, et s’ils sont plus nombreux, ce doit être parce qu’il est le meilleur…
Alors, de ce documentaire – réalisé par l’auteur du fameux film d’Al Gore primé aux Oscars, « Une vérité qui dérange » - que dire ? Que ce ne fut pas un monument dans l’histoire du cinéma, mais cet « infomercial » – mélange de pub et d’information – n’était pas conçu pour cela.
Il fallait convaincre les indécis qu’Obama pensait avant tout au sort d’une Amérique moyenne qui se paupérise vite. Qu’il ne parlait pas de lui mais des autres, qu’il était déterminé à guérir les Américains de leurs angoisses et sortir le pays de la crise.
Il répondait aussi sans le dire à la propagande des Républicains : Obama est un communiste, un copain de Fidel Castro, des terroristes ou de l’OLP. Et à la peur diffusée par le spot de McCain : « Cet homme n’est pas celui que vous croyez ». Et de fait, ce même spot diffusé juste après, montrant une Amérique déprimée à laquelle Obama serait indifférent, tombait bien mal après ce film avant tout empathique et rassurant.
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Elle est passée de la « Sarah Barracuda » adulée, à « Sarah la Diva », contestée. Entre les deux, il y a eu quelques meetings où elle n’en a fait qu’à sa tête, des interviews atterrantes et 150.000 $ de tailleurs. Les élus Républicains grondent de la voir se projeter déjà en 2012, et les derniers sondages disent à 59% qu’elle n’est pas prête, même pour la Vice-Présidence.
Mais si elle a perdu au centre, elle reste charismatique pour les électeurs de base. Peu leur importe ses sorties: voir la Russie de l’Alaska, et du coup, prétendre comprendre Poutine, cela fait rire les autres, mais pas eux. Sarah Palin candidate dans 4 ans? Cela ferait, en tous cas, le bonheur de la formidable comédienne et imitatrice qu’est Tina Fey, qui pour des millions d’Américains est aujourd’hui plus Palin que Palin … Pauvre Hillary, qui elle, a l’étoffe d’une Présidente, mais n’a eu ni le bon rouge à lèvres ni la bonne la garde-robe.
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Bill Clinton a enfin tenu meeting aux côtés d’Obama, en Floride mercredi soir, et n’a pas mâché ses mots : « Cet homme représente l’avenir de l’Amérique. Il a pour moi les quatre qualités qui comptent : la bonne philosophie, le bon projet politique, la capacité de décider et celle de mettre en œuvre ses décisions ». Tardif, mais fallait le faire. Il l’a fait. Obama le grand « decider in chief » ?
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Terminons par une anecdote, car ce n’est plus l’heure des pronostics. J’ai entendu sur NPR, l’excellente radio publique américaine, mi-France Inter, mi-France Culture, une interview de l’un des scénaristes de l’éblouissante série « West Wing », (voir les DVD en France sous le titre « A La Maison Blanche »), où Martin Sheen joue un Jed Bartlet dont chacun aimerait qu’il soit « son » Président, quel que soit le pays.
Dans la 7ème et dernière saison de cette série, dont nul ne sait si elle fut inspirée par la présidence Clinton, la rêverie de scénaristes idéalistes ou si elle influença la campagne d’Obama, se déroule une élection présidentielle – et des débats télévisés plus vrais que nature – entre un candidat républicain, Vinick qui a quelque chose de McCain et un jeune démocrate d’origine hispanique, Matt Santos, qui ressemble furieusement à un autre candidat lui aussi surgi de nulle part, Barack Obama.
Larry O’Donnell, l’un des scénaristes, expliquait qu’ils voulaient raconter la campagne d’un candidat issu d’une minorité. Ils ont opté pour un hispanique « car choisir un candidat noir nous semblait trop irréaliste ». Chut, ne me dites pas la fin, je ne terminerai que mardi cette 7ème saison pour savoir lequel des deux sera Président des Etats-Unis !
Anne Sinclair
Blog : annesinclair.fr
Je me lance, pas l'habitude de faire ceci...encore moins sur le blog de MADAME ANNE SINCLAIR !!!
Je pense vraiment à une participation extraordinaire. Entre ceux qui voudront sauver leur candidat, et ceux qui auront à coeur de participer à évènement majeur de l'histoire du monde occidental, il y aura foule (même si l'élection est un mardi !).
Au sujet des "et si", j'ai une grande peur !
(Je suis partisan d'Obama depuis un certains temps maintenant.)
Et si, "le pouvoir" transforme cet homme, que ce côté social démocrate change pour des idéologies tout autre ???
Rédigé par : Zouyel | 02 novembre 2008 à 20:10
C'est vrai qu'on a beaucoup parlé des frais d'habillement de Palin, 150.000 $, criant au scandale, par contre tout le monde trouve normal que Obama dépense plus de 4.000.000 $ dans de la publicité..
Vive Obama quand même !
Rédigé par : B2K | 02 novembre 2008 à 20:10
Monsieur Sarkozy, vous qui suivez certainement le blog de Mdame Sinclair, si vous ne reteniez qu'une seule chose, un bon exemple à suivre, un fil d'Ariane.... Inspirez-vous de Président Bartlett, vous serez réélu, et ce sera acceptable pour tous
Rédigé par : Charlotte Goulmy | 02 novembre 2008 à 19:06
J'évite de lire les derniers sondages...Je garde espoir pour Obama..même autour de la planète, il sort gagnant...Alors...Jour-J moins 2
Rédigé par : Eleonora | 02 novembre 2008 à 18:40
Bonjour et merci pour cette analyse brillante ,
"ne me dites pas la fin" mais qui peut le dire à cet instant ???
Allez la fin c'est B.OBAMA je veux le croire .
J'ai retenu ça :
Mais ici, au contraire, l’argent est le marqueur de la réussite : si Obama peut en dépenser davantage que McCain, c’est parce que ses contributeurs sont plus nombreux, et s’ils sont plus nombreux, ce doit être parce qu’il est le meilleur…
Pour moi c'est sûr!
Le monde va changer il le faut et le resultat va nous concerner ici en europe ,il va falloir composer et recomposer le futur .
Rédigé par : Marianne | 02 novembre 2008 à 18:38
Fichtre,Anne,vous avez écrit un véritable "Roman made in American",c'est excatement celà,l'argent est le nerf de la guerre,Barack Obama vaut de l'or...!
Reynaldo.
Rédigé par : SEDAT | 02 novembre 2008 à 18:31