" Deux ou trois choses vues d'Amérique "

...et un raton laveur

A la veille de la semaine décisive qui s'ouvre demain juste avant le  G20, la presse américaine n'a cessé de faire l'inventaire des actions obamesques en un peu plus de 50 jours:
52 discours, 3 conférences de presse , un $787 milliard d'un stimulus bill ratifié (le 17 fevrier), 4 Executive Orders sur des sujets symboliques et  forts (fermeture de Guantanamo, levée de la loi Bush sur l’avortement, lobbying et levée des restrictions sur la recherche sur les cellules souches ), 1 voyage officiel à l’étranger (Canada), 9 Etats visités depuis son investiture … soit 20 vols sur Air Force One, 7 nuits en dehors de la White House et 3 visites a Camp David..

Ajoutez à cela ici aussi en vrac, une popularité inentamée malgré la crise, le sentiment qu'il sait toujours privilégier le dialogue direct avec les Américains (que ce soit son appartion chez Jay Leno ou son dialogue avec les  internautes), un plan pour l'école sacrément charpenté en plus du plan de relance économique, et l'annonce d'une vraie stratégie militaire et civile en Afghanistan et au Pakistan.

Comment fait cet homme pour agir fortement et communiquer fréquemment, tout en gardant son flegme et sa sérénité?

Deux ou trois choses vues de France

Ce blog a pour objet l'Amérique et non la France, ou dumoins un ping pong constant entre les deux sociétes, les deux cultures pour y confronter leurs richesses. Mais, pour la plupart, vous y habitez, comme moi en ce moment, et il est difficile de faire abstraction de ce qui s'y passe, même si je ne veux pas ici faire de commentaires à proprement parler politiques. Le climat se tend ici, socialement. Je trouve que l'exaspération est grande, l'indignation aussi et le sentiment d'injustice rarement aussi partagé. Il faut dire que toute la journée à la radio, se succèdent les annonces de plans sociaux, de bonus indécents de dirigeants dorés sur parachutes, de stock options versées à des dirigeants d'entreprises renflouées par l'Etat, à des entreprises qui licencient alors qu'elles font des profits, à l'annonce de 80.000 chômeurs de plus le mois dernier. Et tout cela est d'une grande violence. Comme sont violentes les réactions des salariés qui passent à l'action en sequestrant leur patron. Comme sont violentes les paroles de menaces que j'entendais tout à l'heure: "Jusqu'ici nous avons été gentils, mais nous n'allons pas le rester"... Des propos que je n'avais pas entendus depuis longtemps. Il n'y a plus de patience. Je sens la situation dangereuse, les gens prêts à exploser et les événements exaspérants les nerfs de chacun. Comme si le lien social, toujours si fragile, était sur le point de se rompre par l'accumulation des injustices, des inégalités criantes, des comportements obscènes d'avidité. C'est la même chose partout dans le monde en ce moment, et les délires des dirigeants d'AIG aux Etats-Unis, ne sont pas différents de ceux de Valéo en France. Alors quelle est la différence? Aux Etats-Unis, je sens de l'inquiétude, de l'angoisse, de la colère aussi. Mais moins de révolte, de rancoeur accumulée, d'indignation lourde. Ici, je trouve le ciel très lourd et bas.

Obama : le show

Avez-vous regardé la vidéo de Barack Obama sur le site de NBC dans Tonight Show de Jay Leno? S'ils y jettent un coup d'oeil, Gordon Brown, Angela Merkel ou Nicolas Sarkozy seront jaloux. Ils peuvent en effet en prendre de la graine, car pour ranimer la flamme des citoyens, le Barack, il est bon! Il est allé dans l'émission populaire du soir où se produisent généralement les comiques et les artistes. Un peu comme si le Président français allait chez Ruquier! Exercice très difficile à faire sans déraper dans le démagogique pour être dans le ton ou l'ennuyeux pour trancher. Avec évidemment le risque de déprécier un peu la fonction présidentielle. Hé bien, allez voir, il a réussi son pari: il a été populaire sans vulgarité, drôle tout en abordant les sujets les plus sérieux, captant l'attention de ceux qui ne surfent pas forcément sur le blog de la Maison Blanche, et distillant la pédagogie de la crise avec maestria, tout en évitant le populisme facile. Cet homme est impressionnant. Il dégage naturellement de l'autorité, sait parler aux gens de "Main street" (comme on dit aux Etats-Unis pour les opposer à ceux de Wall Street). Il a été courageux, en prenant la défense de Geithner, son Secrétaire au Trésor très attaqué pour avoir laissé faire la lamentable opération des dirigeants d'AIG qui se sont octroyés des bonus alors que la compagnie était renflouée par les contribuables. "Si quelqu'un est à blâmer, c'est moi" a-t-il dit. C'est si rare d'entendre un dirigeant endosser la responsabilité de ce qui va mal, qu'on avait envie de lui dire, "mais non, mais non, c'est pas si grave!" alors que c'est tout à fait scandaleux. Quant à la crise, il a en effet pris soin de préciser - comme beaucoup d'entre vous le soulignent - que cette crise est mondiale et frappe partout. Mais il a dit que si les américains avaient le sentiment que les mesures qu'il prenait étaient adaptées et justes, ils auraient la patience d'attendre la reprise. Et je me disais: que se passerait-il si un dirigeant européen venait tenir ce discours de vérité à la télévision, plutôt qu'en rejeter la faute sur l'Europe comme certains, ou sur les syndicats, comme d'autres? Je pense qu'on l'écouterait tant les gens ont à la fois besoin d'être rassurés, sont avides de comprendre ce qui se passe, et veulent que quelqu'un leur dise: Papa ou Maman est là, je prends en charge vos soucis, ne vous inquiétez pas, je travaille pour vous. Alors pourquoi ne le font-ils pas si c'est aussi simple? Il suffit pourtant de trois fois rien: un peu de volonté, un soupçon de sincérité, un crédit non entamé, un zeste d'authenticité! Mais si tout était plus facile pour lui parce qu'il est en début de mandat? Obama est tout neuf, on l'écoute, on le croit, on espère qu'il va réussir. Qu'il se dépêche car contrairement à ce qu'il pense, les gens sont impatients et se lassent d'attendre.

Jour de manifs et de printemps

Il fait si beau en ce moment à Paris! Un printemps idéal, n'étaient la crise, les angoisses, les mauvaises nouvelles, les plans sociaux, et les nouvelles qui, le matin, font bondir: AIG, le Pape ( moi aussi, Céline, j'ai toujours eu beaucoup d'estime pour Alain Juppé, qui est un homme intègre et de conviction, et je trouve bien venue son indignation à propos du Pape et du préservatif qui "aggraverait" - comment peut-on dire de pareilles inepties? - le risque du Sida ).

Aujourd'hui, il y a beaucoup de monde dans la rue. Et c'était prévisible. ECertians syndicats n'appellent même pas à la grève pour assurer le transport du plus de gens possibles vers les défilés de protestation. Comme si la grève n'était plus le moyen de pression le plus démonstratif. C'est donc l'importance des manifestations qui donnera le taux de mobilisation des salariés. Et ils sont nombreux à battre le pavé en ce joli mois de mars.

Etait-ce bien habile de dire aux gens que leurs revendications ne seraient en aucun cas prises en compte avant même qu'ils ne les expriment? 

Etait-ce bien habile - alors que des voix pourtant très modérées comme celles de Pierre Méhaignerie défendaient l'idée qu'il faudrait peut-être, en ces temps de disette, repenser le bouclier fiscal - de monter au créneau en urgence comme l'ont fait tous les ministres pour défendre cette mesure (qui auracoûté 10 milliards d'euros pour le bénéfice de 14.000 personnes parmi les plus privilégiées de la société française), en la justifiant au risque de choquer, comme  l'illustration voulue d'une "politique de justice fiscale"?

Du coup, on ressort François Fillon, et on redécouvre l'utilité d'un Premier ministre. Du coup, Nicolas Sarkozy réenfourche la thématique sécuritaire qui lui a si bien réussi il y a quelques années.

Et les syndicats apparaissent  comme la force montante la plus crédible pour assurer l'opposition. C'est nouveau, cela aussi.

Dick Cheney a osé

Normalement, les défaites doivent rendre humble. Et le rejet des dirigeants par leurs citoyens doit théoriquement les faire réfléchir. Mais avez-vous vu Dick Cheney hier? Il ressert, comme si de rien n'était, le discours des néo-cons d'hier. Fidele a lui-meme, il est évidemment revenu sur la guerre en Iraq: "We have succeeded in creating, in the heart of the Middle East, a democratically governed Iraq. And that's a big deal." No, really??? Et la paix aussi, n'est-ce-pas? Interrogé sur les premieres mesures de l'administration Obama, Dick Cheney a répondu que le fait de fermer Guantanamo et d'assouplir les mesures d'interrogations de la CIA expose les US a de futures attaques. Quant à la crise, aux mauvais chiffres et au mauvais bilan dont a hérité BO, l'ancien Vice-Président a simplement expliqué que "ce sont des choses qui arrivent"... vous savez, le 9/11, Al-Qaeda, les guerres en Iraq et en Afghanistan, Katrina... "stuff happens"... Raffiné, non??

quand la technique vous abandonne

C'est la 4eme fois que je recommence cette note. Je suis depuis hier en panne de ligne ADSL à moins que ce soit mon bayrou -heu je veux dire mon modem- qui ait rendu l'ame!! Toujours est il que je peux a la rigueur lire et valider vos commentaires de mon blackberry, mais pas vraiment répondre ou poster une note. Je pris le dieu Orange et son Saint Bayrou de faire des miracles demain. Sorry. Contonuez a discueter et à nous informer de ce qui se passe aux US dont seuls les échos assourdis nous parviennent ici où brille un beau soleil de printemps. A tres vite

Petite leçon d'Afrique

Sur l'Afrique, et très humblement, car je vois combien vos commentaires sont intelligents et impliqués. Blaise a tout dit, et si je retire une leçon de ce que j'ai entendu à Dar es Salaam, c'est l'envie des Africains d'être traités normalement, sans condescendance apitoyée et sans l'indifférence de ceux qui - face à la dureté de la crise - risquent de se replier sur leurs problèmes à l'intérieur de leurs frontières. Cette crise - alors qu'ils avaient depuis quelques années l'espoir de s'en sortir - les frappe durement. Ils n'y sont pour rien, mais ils subissent plus que les autres les conséquences qui pour eux sont synonymes souvent de vie ou de mort. Ils ne demandent qu'une chose: que les pays développés tiennent les promesses antérieures (notamment celles faites à Gleenagles) sans qu'ils aient à se monter solliciteurs et suppliants. Ils souhaitent par ailleurs une augmentation substantielles de l'aide des IFIs, des institutions finqncières internationales, et là, ce n'est pas à moi d'en parler, mais c'est acquis et c'était l'objet de la conférence. Enfin, - et Blaise et d'autres, vous avez mille fois raison - je les ai entendus applaudir aussi bien le représentant de l'ADB (African Development Bank), que Kofi Annan, que Bob Geldof, que Trevor Manuel, le remarquable et très fin ministre de Finances Sud Africain, quand ils disaient que les Africains sont aussi responsables d'eux-mêmes, doivent aussi faire leur propre ménage chez eux (institutions, démocratie, information des citoyens, chasse à la corruption). Bref, considérer les Africains comme des partenaires d'un développement auquel tout le monde a intérêt plutôt que comme des assistés. Et à êcouter le très haut niveau des intervenants, on se sentait réconforté.

De Dar es Salaam

35º, une lourde humidité, c'est la Tanzanie en mars, en Afrique de l'Est.

Et des sujets dans les journaux dont on ne parle pas ou plus en France comme aux Etats-Unis: un taux de sida qui à Dar es Salaam atteint presque 9%, soit plus de 3% de plus que le reste du pays. Des albinos et des vieillards, victimes de meurtres rituels. Des femmes et des enfants abusés. Sans parler de la pauvreté et de la crise. On est d'emblée dans des préoccupations qui dépassent nos propres problèmes...

Grande conférence de trois jours donc sur l'Afrique et les répercussions que la crise a sur elle.

Ainsi que nous l'évoquions la semaine dernière, les pays à bas revenus prennent de plein fouet la crise mondiale., avec la chute des échanges commerciaux, la baisse des revenus envoyés par les Africains de la disapora, et la diminution des investissements et de l'aide.

Kofi Annan le disait ce matin, ce sont des temps extraordinairement sérieux : cette crise - que certains désormais nomment une grande Récession - est pour l'Afrique un danger majeur. Au moment où ce continent faisait des progrès dans ses résultats économiques, dans son niveau de vie, il est touché gravement, alors que les pays qui le composent n'y sont pour rien. Cette crise, née en Occident dans les pays développés meurtrit profondément les plus pauvres. Alors, disait-il ne laissons pas cette crise être une crise pour rien, tirons-en au moins des leçons, un appel aux pays les plus avancés, et donc un message pour le prochain G20. Quand on pense que des insititutions privées (on pense à AIG) dans des pays développés ont reçu plus d'aide que l'ensemble du continent africain, les bras en tombent et la colère est grande!

C'est une question de survie pour l'Afrique disait un autre participant. 

"Merci de vouloir nous aider, mais si vous le faites après notre mort, ce sera trop tard" renchérissait un troisième.

"Ce qui se passe, est une condamnation de ce modèle de capitalisme qui a échoué", insistaient Jeffrey Sachs, professeur à Columbia ou Trevor Manuel, ministre des Finances d'Afrique du Sud.

Bref, un ton alarmiste, une exigence morale à sauver une Afrique qui n'y est pour rien, une exigence politique aussi pour tous les pays qui craignent une déstabilisation nés de conflits attisés par la misère...

Evidemment, c'est comme toujours politiquement dur à expliquer aux pays développés, qu'il faut accroître l'aide aux pays en développement, en même temps qu'on se préoccupe du sort de ses propres nationaux. Mais pour revenir à un sujet dont nous avons déjà débattu, c'est précisément cela, la beauté de la politique.

Réponses du jour

Ne réussissant pas à poster des commentaires (allo, TypePad???), je publie ici les réponses que j'essayais de vous faire:

Contente Céline de vous avoir fait rire... Je ne polémiquerqi pas avec vous, mais la cohabitation dont vous parlez a créé 2 millions d'emplois et la polémique, qui certes existe sur les 35h, est maintenant dépassée sur la gestion par la Gauche des deniers publics et sa contribution à l'enrichissement national ( ce qui est vrai n'était pas encore le cas sous Mitterrand). C'est pour cela, que, pour éviter toute discussion où je ne veux pas aller, je n'avais parlé que du gouvernement Clinton. J'aurais pu parler aussi de celui de Tony Blair... Bon, fin du chapitre. Je vous laisse sur le sourire à pesner que vous seriez de gauche ♪♪♪♪♪

@ Blaise: dans l'avion, j'ai lu les derniers journaux parlant de la réaction du gouvernement soudanais à l'inculpation  et au mandat d'arrêt lancés par la CPI contre son président. Ce qui m'effraie, c'est le soutien quasi inconditionnel non seulement de la Chine et de la Russie (qui vendent des armes en masse au Soudan et donc qui craignent pour leur fonds de commerce ), mais quasiment de tous les pays qui n'appartiennent pas à l'Occident, notamment la Conférence des pays islamiques, soutien donc au président Omar El Béchir qui vient de virer toutes les ONG qui venaient en aide aux victimes de la guerre au Darfour. Visiblement Omar el Béchir détourne le sujet en en faisant un débat post colonial. Comment peut-on s'y laisser prendre?

De Paris

Bonjour à tous de Paris où je suis arrivée ce matinaprès un vol particulièment agité (je déteste cela...).

Il fait doux et gris. Un temps de Paris, en somme.

Nous sommes en transit avant de partir en Afrique où va avoir lieu une grande conférence réunissant les pays du continent africain.

Pas de changement ici dans les titres des journaux: la crise, la crise... Comment les Français s'adaptent est en gros le titre de Libé. "Comment vous tenez bon" renchérit le Parisien... Pas fou, l'optimisme...

Je crains que l'Afrique n'ait ni à s'adpater, ni à tenir bon, mais à survivre. Je vous en parlerai bientôt.