Je vous épargnerai les litanies des "je me souviens" à la Perec dont on abuse désormais partout...
Mais j'en ai vu des tonnes, comme vous, évidemment.
Ceux de mon enfance, dans le village de Seine et Marne où mes parents avaient une petite maison: chaque 14 juillet, s'installait la fête foraine, ses bonbons, ses loteries, ses stands de tir où je rêvais de gagner la sublime (je la trouvais telle) poupée en celluloïde trop fardée, habillée d'une gigantesque robe kitsch de tulle rose ou bleu. On pouvait l'acheter aussi, pour les nuls au tir comme moi. Elle coûtait 20 francs je crois, mais l'argent de poche de mes 6 ou 7 ans n'étant pas suffisant, je me tournais suppliante vers ma mère qui résistait à me l'offrir, la trouvant trop vilaine, ou à juste titre, inutile à entasser encore, parmi les cadavres de poupées déjà dans mes placards...
Le soir, il y avait bien sûr le feu d'artifice sur la place du village, forcément sublime, digne pensais-je de ceux de Fouquet, que j'attendais impatiemment, mais qui une année sur deux n'était pas tiré pour cause de pluie qui mouillait fusées et pétards.
Il y a eu ceux de mon adolescence, bercée par la trilogie révolutionnaire de Dumas, Joseph Balsamo, le Collier de la Reine et Ange Pitou: je rêvais à ces Sans Culottes glorieux marchant sur Versailles, avec une pointe de chagrin pour cette pauvre Marie-Antoinette que Dumas nous présentait si digne dans la souffrance, si bonne mère au Temple, si héroïque à la Conciergerie que j'étais partagée entre la flamme de l'Histoire qui me faisait vibrer, et le malheureux destin de cette "Autrichienne" enfant gâtée, dont Alexandre Dumas gommait les caprices et les appels au secours à son frangin ennemi de la France révolutionnaire.
Et puis il y a eu les défilés commentés par le cher Léon Zitrone, pour lequel j'étais dans ma jeunesse, impitoyable, mais qui comparé à d'autres plus tardifs, sont autant aujourd'hui de bouffées de nostalgie d'un monde disparu.
Il y a eu les 14 juillet de De Gaulle, de Pompidou, de Giscard remontant à pied les Champs Elysées, et puis ceux de Mitterrand les redescendant dans la plus pure tradition gaullienne, profil hiératique offert au regard des badauds.
Il y a eu l'historique défilé du Bi centenaire, en 1989, où, à forces de ruse, je m'étais retrouvée place de la Concorde, face aux tambours de Jean Paul Goude et à la sublime Jessie Norman, drapée dans une immense drapeau français et chantant la Marseillaise au pied de l'obélisque.
Il y a eu ces réceptions si courues dans ces jardins du Château, comme on disait, auxquelles j'étais invitée - en tant que journaliste, je vous rassure, comme la plupart des journalistes francais, amusés de côtoyer ministres ou vedettes, récolter quelques informations et assister de loin aux traditionnelles interviews sur la pelouse de l'Elysée, au milieu des
centaines d'invités qui se pressaient vers les abondants buffets.
J'y ai goûté sous Mitterrand, sous Chirac, pas sous Sarkozy, où c'est vrai je ne suis plus une journaliste en vue; pas non plus une francaise méritante, ni une militante UMP, ni une dignitaire érangère, ni une femme de militaire, ni enfin une sportive célèbre, ou chanteuse ou vedette de cinéma, toutes catégories sur la liste du protocole élyséen.
Qu'on ne voit ici aucune nostalgie evidemment, juste un clin d'oeil amusé aux mondanités parisiennes d'hier, un peu moins courues peut-être aujourd'hui, mais en tous cas, plus par moi.
Alors ce 14 juillet dans les Rocheuses, nuages accrochés au sapin, dialoguant avec vous sur mon blog en croquant (oh, honte, n'est ce pas Robert B!) des muffins aux blueberries, a une douceur de vacances anticipées.
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