" Deux ou trois choses vues d'Amérique "

Le Sud

Non, pas le magnifique, de Nino Ferrer, mais celui des Etats-Unis qui n'est pas mal non plus.
Plages immenses et vides, vent doux, quelques timides palmiers, ce n'est pas la Floride, ce n'est que la Caroline du Sud, mais les lauriers roses y fleurissent.
Maisons coloniales et nostalgiques. Demain, j'irai à Charleston. Tout ici rappelle la Guerre de Sécession. Et quand dans les livres, on écrit  "the War", c'est à celle-ci que l'on pense.

On a voté McCain ici, alors qu'en Caroline du Nord - ô révolution - ils ont voté Obama.
Sur la route 95, celle qui descend du Nord au Sud, même les fast food le long de l'autoroute rappellent qu'on est en pays Républicain, patriote et religieux. Des affichettes rappellent qu'il faut penser à nos "valeureuses troupes qui se battent pour nous en Irak" - hélas! - et invitent les passants à leur adresser un message.
Dans une autre station-service-café-burger-bien gras-au cheddar pas fondu (berk, n'est ce pas  Robert de Marrakech?), des "cahiers de doléances" épinglés au dessus des banquettes proposent aux consommateurs de passage d'écrire ce que leur évoque Noel ou ce qu'ils souhaiteraient le plus en ce bas monde. Au milieu des "Jésus" et de la paix dans le monde, un non orthodoxe a écrit: "moins de silence, plus de conversation". Pas mal, non?

Apres la dinde...

1) Pas de connection possible ou je suis dans ke Sud avec mon Mac, si bien que j ecris sur le petit, tout petit PC de mon mari (on peut aussi allumer une guerre PC/Mac?) qui n a qu un vulgaire clavier qwerty sans accent. Pardon donc pourla lecture difficile

2) J' ai declenche la colere de Marc Cormier, Joseph C et Rachel sur les Indiens et Thanksgiving. Je ne pratique pas la responsabilite collective et je ne pretends evidemment pas que les Americains d'aujourd'hui sont responsables du massacre des Indiens d'hier.
Mais on a le droit de s'interesser aux symboles collectifs, et comme le fait remarquer Michele Doige l'histoire des pionniers, la symbolique de la moisson et le remerciement aux populations "indigenes" sont suffisamment meles pour qu'on s'interroge un peu sur la signification de la fete, meme si en effet, elle fut surtout instituee pour solidifier une appartenance collective.
En fait, ma question etait brutale a la fois par manque de temps (il fallait prendre l'autoroute avant le rush hour) et par desinvolture, comme me le font remarquer Celine et Laurence.

Cela dit, les explications donnees par Melanie, Michele Doige et Celine sont toutes assez proches.
Ce ne sont pas des cliches, c'est un point d'histoire qui fait a peu pres consensus... Maids je promets d'aller verifier plus avant.

3) Jolies, les variations sur la dinde (Jog et sa voisine, Francoise et tous ceux qui se sont amuses avec S Palin) et merci a Robert de marrakech qui nous a donne une recette pleine d'humour, parce que comme disait Frederic, la dinde, en fait, c'est drolement sec... ( je vais me faire insulter par la ligue de protecti0on des dindes maintenant!)

4) plus importantes que tout cela sont les nouvelles de Mumbai aujourd'hui. Cette fois, Obama s'est refugie derriere "one president at a time". De fait que faire a part condamner ce carnage une fois de plus?

5) je vais suivre le conseil de Marianne et debrancher un peu. Le Sud est beau, il y fait doux et je vais en profiter un peu.

Bon Thanksgiving à tous

Bonne dinde (pas celle du délire de Céline!). Question aux Américains: Thanksgiving, est ce une action de grâce pour remercier Dieu d'avoir fait aborder les pionniers sains et saufs? Ou pour remercier les Indiens de les avoir si bien accueillis - avant de se faire massacrer? En attendant, je pars sur la route vers le Sud, mais vous posterai de la bas. Comment me passer de vous 3 jours???

Big, bold and smart

D'envergure et audacieuse, c'est la politique économique que propose Obama qui a littéralement pris possession de la crise, au risque de laisser filer l'état de grâce et d'apparaître, dès le 20 janvier comme déjà a la manoeuvre depuis longtemps.

Les investissements de l'Etat dans l'économie seront très importants: entre 400 et 500 milliards de dollars (et non "millions" comme j'avais dit malencontreusement hier et comme me l'a fait remarquer quelqu'un ce matin). Et qui seront prêts à être signés dès le 20 janvier.

Ce ne seront pas des mesures destinées à répondre seulement à la crise, mais des investissements dans les infrastructures (routes, ponts, écoles laissés à l'abandon), dans de nouvelles sources d'énergie, dans l'éducation, la santé.

Ce ne sera pas un new New Deal, mais un smart New Deal. 

Un Big, bold and smart Government qui prendra le budget ligne à ligne pour le réformer.

Tout cela a l'air d'être bien accueilli, et surtout cette situation étrange d'un Futur président qui parle tous les jours quand l'autre se tait. Qui semble prendre les problèmes à bras le corps. Et qui trouve le moyen, trois semaines après son élection de faire remarquer que si 53% des Américains ont voté pour lui, il en reste 47 % qui ont voté McCain et qu'il ne veut pas laisser de côté. A méditer...

Sans doute va-t-il trouver les moyens de concilier par ses mesures audacieuses et son entourage responsable deux adjectifs jusqu'ici antinomiques en politique: progressiste et pragmatique.

A demain pour une nouvelle aventure/conf'de presse de celui qui est déjà Président

Obama, Président de fait

Obama va reparler aujourd'hui à midi. Et demain de nouveau.

Face à l'ampleur de la crise, on a l'impression qu'il a décidé d'être déjà aux commandes et décider. Il avait dit "there is one President at a time". Il avait raison, c'est lui. 

Pour Julie

Je trouve qu'on doit à Julie un des posts les plus émouvants de ce blog, où elle laisse parler son émotion et sa fierté. Julie, votre émotion vous honore, me touche infiniment. Je suis heureuse que vous puissiez l'exprimer sur un blog où nous sommes en majorité des Français et où nous apparaissons noyés sous nos petits problèmes.

Vous me rappellez un ami américain de mon père qui avait tellement honte d'être Américain pendant la guerre du Vietnam qu'il se faisait passer pour Canadien. Mais je vais vous dire ce que j'aime chez les américains dont vous faites visiblement partie: c'est leur capacité à assumer leurs erreurs collectives et être capables de se regarder avec un oeil critique. Cela est vrai aussi des générations d'Allemands depuis les années 70 où, comme jamais, ont fleuri les monuments, les livres, les témoignages, les contritions sur la Shoah, c'est à dire sur leurs pères et grands pères. J'étais jeune, mais Willy Brandt, le chancelier allemand, agenouillé dans le ghetto de Varsovie, est une image inoubliable! En France, on a tellement de mal à regarder notre passé: combien de temps nous a-t-il fallu pour avoir un vrai débat sur Vichy et juger Papon? Alors que Bousquet et Leguay, le préfet de police de Vichy et son adjoint, ne l'ont jamais été? Combien de temps nous a-t-il fallu pour reconnaître la torture en Algérie ( et encore) et si rarement en poursuivre les auteurs? Ici, à Washington, il y a le sublime musée de l'Holocauste, bouleversant à tous égards. Dans une des salles d'archives audiovisuelles, s'étalent en grand les titres qui montrent l'indifférence des Américains au sort des Juifs d'Europe en 38, 39 ou 42. On y insiste lourdement sur les plans des chambres à gaz que connaissaient parfaitement les Alliés et leur refus de les bombarder pour ne pas distraire une minute de l'effort de guerre qui aurait pu faire arriver les Russes avant eux à Berlin. Hé bien, Julie, vous faites partie de ces Américains tournés vers le monde, qui se battent pour cela et auxquels on doit beaucoup. Et la façon dont vous dites, tout simplement que ceux qui, il y a 40 ans n'avaient pas le droit de vote, se sentent aujourd'hui représentés à la Maison Blanche, m'a bouleversée.

Obama et son équipe économique

Voilà un Président qui veut agir vite, et qui a compris que dans l'économie globale qui est la nôtre la confiance et les mesures doivent aller de pair.
Cette crise, a-t-il dit est d'une proportion historique et si l'on n'agit pas très vite, ce sont des millions d'emplois que nous allons perdre.

Quelques remarques tout de suite:
1) Il voulait donc dans sa conférence de presse annoncer le nom des 4 personnes qui vont constituer sa force de frappe économique, et voulait montrer qu'il nomme a la fois les plus brillants esprits de l'Amérique mais le mariage , je le cite " du jugement, de l'expérience, et des idées neuves" : Pour le jugement et l'expérience, il ne pouvait pas trouver mieux: Tim Geithner et Larry Summers en seront les chevilles ouvrières. Geithner sera le Ministre des Finances, le Treasury Secretary, et Larry Summers sera le Directeur du National Economic Council. Ils ont travaillé ensemble sous l'Administration Clinton, et Obama est suffisamment déterminé pour se moquer qu'on dise "ah oui, c'est l'équipe Clinton qui revient"! Si on veut des gens qui ont de l'expérience, il faut bien aller les chercher là où ils ont exercé des responsabilités. Il ne cède pas au "jeunisme"à tout prix habituel.

Apparemment, les idées neuves, il les attend aussi des deux femmes dont on dit qu'elles sont toutes les deux remarquables, Christina Romer et Melody Barnes, qui seront auprès de lui à la Maison Blanche .

2) Il a choisi des personnalités non seulement d'envergure nationale, mais de dimension internationale aussi, car il sait que la crise est mondiale et il s'agit de recoller la confiance avec les leaders économiques mondiaux.

3) Son plan économique, son "stimulus package" qu'il ne voulait pas dévoiler aujourd'hui sera de très grande ampleur. On parle de 700 millions de $, voire d'un milliard., car dit-il "il n'y a pas une minute à perdre" pour relancer l'économie. Là aussi, foin des dogmes, ce sera du déficit budgétaire, des baisses d'impôts pour la classe moyenne, des hausses d'impôts pour les plus fortunés.

4) ils ne mettront pas de l'argent à fonds perdus sans plans économiques alternatifs. Il a parlé en termes sévères de l'industrie automobile venue pleurer devant le Congrès mais sans aucun plan de rechange. Il aidera donc Chrysler, Ford ou General Motors, mais ils ont intérêt à revenir avec un plan précis.

5) On se retrouve dans une une situation surréaliste d'un Président qui n'est pas encore aux affaires et qui agit pour le coup en chef de guerre. Bush n'a plus qu'à suivre, Paulson à obtempérer. La confiance va revenir avec une énergie et une volonté politique pareilles!

Martine, Ségolène et Sarkozy

Je vais partir cet  après midi pour Washington, mais je ne peux pas être venue à Paris en plein psychodrame et ne pas vous en dire un mot...

Je ne sais pas vraiment ce que ce week end de vote au PS m'inspire:  l'affliction, le regret, le découragement, ou tout cela à la fois.
Il est essentiel dans une démocratie d'avoir une opposition forte et qui propose une alternative au pouvoir en place. Et ce dont j'ai l'impression ce dimanche c'est que Sarkozy aura passé une formidable semaine et un très bon week end.

Qu'il y ait des combats d'hommes et de femmes, pour l'exercice du pouvoir, cela n'est pas malsain, c'est même de l'émulation à condition que cela reste décent.
Je crois que ce qui afflige les Français, c'est l'impression que dans quelque direction qu'ils se tournent, l'avenir est bouché.

Par un Président hyper actif qui a tout loisir de ciseler la société française comme il le souhaite.
Par une perte des valeurs fondamentales de culture, de civilisation, de lutte pour le progrès, d'indignation contre les injustices, du sort et du vote des étrangers chez nous, de lutte pour l'école, le logement, la santé pour tous. De ce qui a fait l'Europe, et la France.
Par une crise dont personne ne voit l'issue et dont les conséquences sont redoutées avec raison.
Par une absence de vision du monde affligeante.
Par un PS abîmé dans les querelles d'egos. Qu'il ait passé le week end dernier à discuter s'il fallait ou non faire alliance avec Bayrou est la preuve de son immense désarroi. La seule chose à déterminer avant une alliance c'est de savoir qui on est. Qu'a à dire le PS sur la mondialisation,  les contraintes,  les désespérances,  les inégalités? Qu'a à dire se PS sur la façon dont il faut conduire la France d'aujour'dhui?

J'ai entendu qu'il fallait que le PS se "modernise", mais en dehors du renouvellement des hommes et des femmes qu'il est grand temps de faire, cela veut dire quoi  sinon une pensée  adaptée au monde d'aujourd'hui?
J'ai entendu dire qu'il fallait s'aimer les uns les autres. Mais cela veut dire quoi à part une régression religieuse? Que le PS commence donc à penser le monde de demain plutôt que s'étourdir de phrases creuses! La crise, la reconstruction, la pauvreté, les classes moyennes, le monde en développement, les énergies de demain...

Pour cela, il faut une direction, une équipe, une vision. J'ai cru comprendre qu'il y en avait enfin une.  Au cours d'instruction civique, on nous a appris que la force de la démocratie était l'acceptation par tous que le camp qui a obtenu une seule voix de majorité ait pleine légitimité. Alors, 30 voix, 40 voix,  ce n'est peut-être pas beaucoup. Mais il faudrait voter jusqu'à quel seuil d'écart? On recommence jusqu'à quand? Et si le prochain scrutin donne 55 voix de différence entre Martine et Ségolène, ce sera assez, ou on recommencera encore une fois? Et quel est le bon seuil?  Prendre par acclamations, le dirigeant qui fera la meilleure prestation télévisée???

C'est dur pour les perdants. Comme toujours. Mais vital pour l'intérêt général. Il serait temps que celui-ci compte un peu. Le mot le plus sage de ce week end est celui de Benoit Hamon: on ne peut pas être pour la démocratie chez les autres et ne pas l'admettre chez soi.

Oui, joli temps pour Sarkozy.

Hillary or not Hillary?

Très bon article de Thomas Friedmann que je lis avec retard dans le NYTimes:la question n'est pas tant de savoir si Bill devra ou non restreindre ses activités, mais si Hillary et Obama auront la proximité nécessaire à une bonne équipe président/secretary of State...

Simone Veil, enfin Immortelle!

Bonsoir à tous.
Paris est bloquée par les manifs d'enseignants, lesquels sont très en colère, et souvent à juste raison de la dégradation des écoles et lycées, PSA annonce des suppressions d'emplois en pagaille, Sego, Martine et Benoit sont dans un bateau qui tangue, mais la nouvelle du jour c'est quand même que Simone Veil est immortelle! Je partage la joie de Marianne et Rachel qui l'ont dit ce soir sur ce blog.

Et pourtant, je n'aime guère l'Académie Française qui - comme bien souvent la Légion d'Honneur - couronne des individus qui n'ont guère de mérites.
Sous Richelieu, il fallait sans doute codifier la langue. Depuis, Littré, Robert s'en sont chargé souvent avec bonheur. A quoi sert vraiment l'Académie? Les plus grands des grands écrivains du XXème siècle, que ce soit Gide, Camus, Malraux, Proust, Sartre, Albert Cohen ou René Char, y ont heureusement échappé.

Mais quand l'Académie décide d'honorer les Grands Français, elle fait du bon travail. J'aime bien le Panthéon, mais les grands hommes ou femmes y rentrent un peu tard pour en profiter! Disons que l'Académie peut quelquefois servir à cela.
C'est le cas ce soir. Simone Veil n'est pas un écrivain, mais Pierre Messmer qu'elle remplace ne l'était pas non plus. Elle est une femme formidable, belle, courageuse, volontaire, authentique. Une grande Française, une grande Européenne, une grande Dame.
Je n'aime pas parler de moi, mais j'ai la chance d'être son amie. Je suis allée l'embrasser ce soir chez Stock, son éditeur. Je suis fière pour elle, fière et émue pour nous tous. Je lui ai dit qu'avec BO il y a deux semaines et elle ce soir, c'était un sale temps pour les racistes!

Quat aux fanatiques adversaires de l'avortement, ils étaient un certain nombre cet après-midi à genoux, en prières sur le Pont Neuf, conjurant le ciel et les Académiciens de ne pas désigner cette femme qu'ils détestent depuis plus de 30 ans...