Hier, j'étais à Astana - et non Anasta comme j'ai pu vous l'écrire avec une belle faute de frappe non relue.
Ville étrange, sans urbanisme, avec des constructions hyper modernes posées côte à côte, comme dans un jeu pour enfants. Personne dans les rues ou presque. La capitale est administrative, et visiblement peu animée.
Très bon diner kazak...dans un restaurant japonais, servi par des chinoises qui parlent russe... On y mange du cheval dont les Kazaks sont friands.
Le Kazakhstan (6 fois grand comme la France) est le plus riche de ces pays d'Asie Centrale: 8000$ par tête et par an ( pour vous donner une idée, c'est entre 25 et 30.000 en France). Intéressante conversation hier soir avec une femme qui m'expliquait que, si pour sa génération qui pouvait voyager (à condition d'avoir de l'argent!), la vie était plus douce que du temps de feu l'URSS, pour ses parents, elle était sans doute plus dure car ils avaient été formés à ce qu'on décide pour eux et qu'ils se retrouvent à se débrouiller dans la jungle capitaliste...
Départ ce matin dès l'aube pour le Tadjikistan, plus au sud, grande frontière avec l'Iran, 10 fois moins riche que le Kazakhstan (revenu par tête de 800$ par an...). Dushanbé, ville plus semblable à une ville d'une Afrique post coloniale que de l'Europe incarnée par cette Russie dont ils sont si dépendants.
Visite du musée archéologique de la ville avec des objets datant du paléolithique, et en tous cas, depuis 4000 ans une foultitude de ruines, vases, colonnes, statues, bijoux illustrant bien le carrefour de toutes les civilisations qui se sont croisées et mélangées dans cette Asie Centrale: chapiteaux grecs venus avec Alexandre, infuences Perses, statues de Shiva, et gigantesque Bouddha allongé, exacte réplique de l'un de ceux que les talibans détruisirent il y a quelques années en Afghanistan, à Bamyan.
Visite ensuite bien édifiante d'un village, à 10 kms de Dushanbé. 1500 habitants, soit 300 familles, pauvres maisons aux toits de tôle. Les habitants s'étaient rassemblés dans une grande salle pour nous expliquer leur vie... qui n'est pas une vie! Le tiers des pères (ou fils) de famille, se sont expatriés en Russie pour tenter de gagner quelques roubles qu'ils envoyaient au village: environ 100 à 200 $/mois (et encore pas tous les mois) pour faire vivre, femme, enfants et vieux parents. Depuis la crise, l'argent n'arrive plus (ils sont pas ou mal payés en Russie), 1/3 d'entre eux est revenu au village où il n'y a pas d'emplois, pas d'argent et rien pour nourrir les familles, sinon une pauvre vache et quelques mètres carrés de légumes.
Une vieille femme a ce cri du coeur: pourquoi faut-il que nos hommes s'expatrient, et encore, souvent pour si peu, alors qu'ici nos enfants n'ont plus de père, et les femmes plus de maris?
Quel est leur choix, entre rien, et rien?
Que leur dire à ces gens qui nous accueillent avec des cerises, du thé, du pain de bienvenue et des robes tadjiks luxueusement brodées? Que la crise est mondiale, que l'on (qui, on?) devrait en apercevoir la sortie dans un peu moins d'un an (cela leur fait une belle jambe), que les organisations internationales sont là pour aider les pays, les gouvernements à mettre en place des budgets, de l'argent pour financer des politiques sociales, d'aide, de retraites, d'éducation, de santé? En espérant qu'il n'y ait pas trop de fuites dans des poches qui n'en ont pas besoin???? En espérant que les gens de ce village en recueillent quelques fruits...
Là aussi, il n'y a pas vraiment de nostalgie de l'Empire Soviétique, mais celle du moins d'une organisation qui redistribuait un peu de manne pour les régions qui en faisaient partie... Tout en les utilisant, car si les Kazaks ne comptaient pas pour grand chose pour les Russes de Moscou, les Tadjiks étaient le Lumpen, facile à exploiter. Etaient??? Non, sont toujours...
Je déteste le fameux relativisme des droits de l'homme et la réflexion qu'il amène, mais la liberté et les droits de l'homme tadjik, est-ce leur problème? Que font-ils de leur liberté? Celle de crever de faim?
Vous me direz que j'enfonce des portes ouvertes, les mêmes que dans les pays déshérités d'Afrique ou d'Asie. Mais je voulais vous faire partager ces fenêtres entrouvertes sur les rues d'un village tadjik, loin de la France, des US, de cette Europe pour laquelle on ne se dérange même plus pour voter.
Demain, Bishkek, Kyrgyzstan.
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