Hier est enfin sorti, dans toutes les librairies du pays, un livre dont les médias parlent depuis plus d’une semaine. Cet ouvrage, intitulé "Obamas Wars", est signé Bob Woodward, journaliste américain ultra-connu, redouté et célèbre pour être à l’origine des révélations qui ont mené au scandale du Watergate.
Cette fois, c’est l’Afghanistan et la gestion de la guerre par Barack Obama et son administration ces vingt derniers mois qui sont au coeur de l’enquête du journaliste américain.
Si ce livre n’est pas le brûlot foudroyant que d’aucuns escomptaient, il révèle cependant la nature et l’intensité des querelles intestines qui ont eu lieu – et qui se jouent encore – à la Maison Blanche autour de la stratégie à suivre.
Et Bob Woodward de raconter en détail les dissensions qui ont déchiré l’administration Obama tout au long de cette année 2009.
Le journaliste dépeint, anecdotes et citations à l’appui, une Maison Blanche truffée de manigances et de coups fourrés, d’attaques et d’insultes, où les responsables de la Défense s’affrontent avec les conseillers pour la sécurité nationale de Barack Obama, où les généraux militaires dissimulent des informations pour ne pas avoir à s’aligner avec les directives du Département d’Etat et où tous les acteurs s’observent et se cherchent à se neutraliser.
Ainsi, apprend-t-on, selon l’auteur, que :
1) Barack Obama est obsédé par une sortie de guerre la plus rapide possible, ayant déjà sacrifié, dans son esprit, les objectifs de reconstruction et de démocratisation d’un pays qu’il considère comme un bourbier sans fin : "Je veux une stratégie de sortie de guerre. (…) je veux un plan qui nous dise comment on va se débarrasser et quitter l’Afghanistan. (…) Je ne peux pas être entraîné dans une guerre sans fin. Et je ne peux pas perdre le soutien du Parti démocrate (sur cette question)".
(“I want an exit strategy. (…)This needs to be a plan about how we're going to hand it off and get out of Afghanistan. (…) I can’t let this be a war without end, and I can’t lose the whole Democratic Party.”)
2) Joe Biden est, lui, pour une stratégie de retrait progressif et rapide, et , s’étant opposé à l’envoi de nouveaux renforts, ne supporte pas l’influence de Richard Holbrooke, , "l'enfoiré le plus prétentieux que je connaisse" (“the most egotistical bastard I’ve ever met”) très proche et écouté du Président qui l’avait nommé envoyé spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan en janvier 2009.
Le journaliste rapporte comment sous la pression du Vice-Président (et à défaut, sans doute, d’une nette efficacité), les autres membres de la Maison Blanche posaient leurs stylos quand l’envoyé spécial prenait la parole en réunion et comment Richard Holbrooke aurait ainsi perdu peu à peu la confiance du président.
3) Le déficit de confiance et la paranoïa entre les membres de l’équipe de Barack Obama et les conseillers militaires sont tels que les uns et les autres refusent de communiquer et cherchent l’oreille directe d’Obama, au détriment de toute cohérence.
Et tandis que le général James Jones fustigeait la "mafia", le "Politburo", ces "punaises" que représentent pour lui la garde rapprochée de Barack Obama, cette dernière ne parvenait pas à dépasser le mépris affiché par les militaires et se perdait dans des règlements de compte sans fin.
4) sans oublier, la CIA qui aurait recruté et entraîné une "armée secrète de 3.000 hommes", ou devrait-on dire 3.000 mercenaires, principalement composée d’afghans et "chargés de tuer ‘du’ Taliban".
5) sans oublier enfin, Hamid Karzai, le Président Afghan qui a perdu la confiance de tous, décrit ici comme un "maniaco-dépressif ", dont l’humeur varie en fonction du fait qu’"il prenne ou non ses médicaments".
("Afghan President Hamid Karzai was diagnosed as manic depressive, according to U.S. intelligence reports. "He's on his meds, he's off his meds.")
Hé bien... Joli tableau pour une guerre sans fin...
Ou des guerres sans fin, car si Bob Woodward a choisi le pluriel pour son titre, c’est parce qu’il voulait montrer à quel point les combats s’additionnent et se superposent et que les conseillers politiques et militaires du Président se livrent à des luttes de pouvoir sans merci, presque aussi violentes et acérées que celles qui existent entre les Américains et les Talibans sur place.
Ce livre qui fait grand bruit a le mérite de porter un regard neuf sur la stratégie choisie par Barack Obama, sur les conflits à l'intérieur de son administration. Mais, au-delà, il illustre surtout, les difficultés du métier de Président des Etats-Unis.
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