J'étais un peu cursive hier, car l'avion pour Lima n'attendait pas.
C'est vrai que vivre à Brasilia ne doit pas être d'une folle gaieté ou d'une folle intimité: esplanades gigantesques, rien de piéton, obligation de prendre sa voiture, autoroutes dans la ville avec rocades qui évitent les feux rouges mais qui forment un entrelac indescriptible. Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, il y a un côté Alphaville ou Star Wars en plein désert (quand Han Solo débarque sur la planète de Landau - je dis cela pour les amoureux des films cultes de George Lucas), mais c'est surprenant et j'aime bien être surprise. Sans compter le défi incroyable d'édifier en trois ans une ville où il n'y avait rien, y compris en creusant des lacs artificiels géants qui apportent un peu d'humidité à un climat désertique.
Je sais bien que les ouvriers qui ont été employés à bâtir cette ville ont souffert, et que Kubitschek - dont on visite le mausolée avec ses vêtements, son bureau, sa bibli, et quasiment sa brosse a dents - avait davantage un côté Pharaon que soucieux des droits des travailleurs du bâtiment! Mais j"ai dit assez combien Bucarest m'avait semblé monstrueuse et laide, pour dire que Brasilia ne m'a pas paru très humaine (ni dans sa conception, ni dans sa construction, ni dans son achèvement), mais belle, à condition d' aimer Le Corbusier ou le style 1960.
Certaines réalisations sont franchement réussies, comme les deux Chambres du Parlement, sous forme de coupelles, l'une ouverte comme une assiette, l'autre renversée comme un globe, qui rappelle évidemment en plus grand, le siège du PC à Paris, place du Colonel Fabien.
La cathédrale est étonnante. L'extérieur ressemble à une couronne, l'intérieur - on pénètre comme dans nombre de ces bâtiments par des rampes qui descendent sous terre avant de s'ouvrir vers la lumière - m'a moins emballée. Je crois que Niemeyer - communiste et athée - l'avait plus voulue comme un temple laïc, mais elle fut consacrée catholique par la suite. La pyramide de verre, avec vitraux partiellement colorés, inondée d'un soleil chaud, des anges suspendus par des fils et semblant naviguer dans l'espace, m'ont fait un effet un peu kitsch. Sans compter le choc de découvrir une réplique à l'identique de la fameuse Pietà de Michel Ange, archi connue des visiteurs de la cathédrale Saint-Pierre et dont le pied, à Rome, est usé par les visiteurs qui en caressent le marbre. C'est la seule réplique existant depuis cinq siècles m'explique-t-on fièrement, cadeau du Pape (j'avoue que je ne sais plus lequel: Jean Paul II?) à la cathédrale de Brasilia. Surprenant effet de retrouver en plâtre, l'un des chefs d'oeuvre de la Renaissance, posé là comme une étrangeté dans ce monde futuriste...
En revanche, le pont suspendu au-dessus de cet immense lac qui donne un peu de douceur à la ville, avec ses arches qui s'enroulent comme un serpent d'une rive à l'autre, est l'un des plus réussis que je connaisse.
Bref, le visiteur qui passe à Brasilia, est surpris, séduit ou rebuté par cette entreprise suprenante: bâtir toute une ville (aujourd'hui de deux millions et demi d'habitants) au milieu de nulle part. Comme on dit dans le Routard: vaut le détour.
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