Il y a des moments de grâce dans la vie nationale française. Cet après-midi était de ceux là, où l'Académie Française accueillait Simone Veil sous la Coupole.
J'ai souvent ironisé sur les gloires fugitives qui ont fait partie de cette poussiéreuse compagnie fondée par Richelieu, et sur les oublis notoires de grands écrivains ignorés par leurs pairs plus médiocres, pour me permettre de corriger un peu ce soir ces commentaires.
Simone Veil n'est pas un grand écrivain, c'est une grande gloire nationale. Elle symbolise la France plus qu'aucun autre et elle a sa place sous la Coupole, de son vivant, ce qui vaut bien le Panthéon.
Belle, élégante, fragile presque, elle est arrivée assez à l'aise, cette grande dame, entourée de figures connues de la République des lettres, des arts et des sciences en habits de cérémonie ( François Jacob, Erik Orsenna, Emile Baulieu, Alain Decaux, Jean-Loup Dabadie, Pierre Nora, Jean Clair, Hélène Carrère d'Encausse) et a parlé une heure devant les trois présidents de la République Française encore vivants, dont l'un, Giscard, est désormais son collègue.
Elle a fait un joli discours, tricotant habilement l'éloge obligé de Pierre Messmer son prédécesseur, et des digressions plus personnelles, comme celles sur la justice, l'Europe ou l'Algérie et les harkis. Il aurait été en effet difficile de demander à cette avocate passionnée de la paix de parler exclusivement de la Légion Etrangère dont Pierre Messmer s'il en fut certes un digne soldat, n'a jamais inspiré d'élans lyriques.
Et d'Ormesson vint. Dans un discours inoubliable de talent, d'intelligence, de justesse, de malice, il a dressé de cette femme merveilleuse le vrai portrait qu'on attendait. Rebelle et tendre, violente et intense, sereine et ardente, mais courageuse surtout, et opiniâtre. Simone dans tous ses états a été magnifiquement célébrée par l'auteur si brillant d'"Au Plaisir de Dieu".
Bouleversant récit de son arrivée à Auschwitz-Birkenau ou de son retour de l'enfer miraculeusement sauvée. Joli portrait bien troussé de la magistrate exigeante qu'elle fut dans les années 60. Evocation enflammée de son parcours ministériel sous Giscard et Chirac et de sa croisade solitaire pour l'avortement et la liberté donnée aux femmes. Ardent hommage à l'Européenne de toujours. Description amusante et impertinente de la vie politique devant les Présidents présents, Chirac attentif, Giscard amusé, Sarkozy sérieux. Ce fut un festival de l'esprit français tel que Jean d'Ormesson le représente.
Et pour sa famille, ses amis dont j'ai l'honneur d'être, un moment d'intense émotion de voir célébrée une femme aimée. Petite juive niçoise, héroïque déportée, magistrate talentueuse, ministre courageuse, femme de liberté et d'exigence, européenne passionnée, toutes ces images de Simone n'en font finalement qu'une: elle incarne si bien la France...
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