L'excellente radio publique américaine NPR, National Public Radio, propose tous les matins depuis 20 ans le "Diane Rehme Show", talk show d'une heure et demie sur les sujets d'actualité avec des invités qui répondent aux mails et appels téléphoniques des auditeurs et aux questions toujours pertinentes et de très bonne qualité de la journaliste chevronnée.
Aujourd'hui, comme souvent en ce moment, il y avait discussion autour de la crise, des mesures de relance et du budget présenté par Obama il y a quelques jours.
Très intéressant de mesurer l'angoisse des auditeurs, et la rancoeur accumulée par les citoyens devant les institutions bancaires qui ont mis dans le mur les épargnants, les emprunteurs, les contribuables et ne serait-ce que l'économie mondiale! Et bien compréhensible leur réticence aux renflouements envisagés pour leur éviter la banqueroute.
Intéressantes aussi les explications mi-techniques, mi de bon sens donnés par les experts invités, profs d'économie ou chercheurs. Ils essayaient de faire comprendre à des auditeurs légitimement exaspérés pourquoi il serait encore plus préjudiciable pour eux que ces banques ou compagnies d'assurance (il était beaucoup question d'AIG) fassent faillite, c'est à dire que le système de prêt aux particuliers et aux entreprises soit complètement grippé. Il ne s'agit pas d'aider les banquiers disaient-ils, mais d'aider ceux qui ont besoin de l'argent des banques pour vivre. (Encore faudrait -il nous expliquer quand même comment des banques qui ont fait faillite cet automne ont pu néanmoins distribuer des bonus conséquents à leurs dirigeants! Cela, est réellement porteur de scandale!
Les appels des auditeurs et la lecture des e-mails nourrissaient donc l'émission. Un auditeur, particulièrement énervé, s'en est pris à tout le monde, gouvernement, institutions financières, experts, les mettant tous dans le même sac que les banquiers, estimant que "le profit était leur seule motivation et qu'ils s'en mettaient plein la poche comme les autres". Vous connaissez ce genre de réactions bien populistes d'auditeurs qui ponctuent aussi nos émissions de radio... Nos animateurs un brin démagos laissent généralement dire, tant la parole de l'auditeur est sacro-sainte, surtout si elle est un peu scandaleuse ou met en cause les puissants...
Je me disais qu'ici, où la liberté d'expression règne en maître, ici où toutes les opinions sont équivalentes, où toute parole suppose respect, je me disais que Diane Rehme allait laisser voire même encourager l'auditeur à s'exprimer.
Or, surprise, c'est fermement qu'elle lui coupa la parole, disant à peu près ceci: je comprends que vous puissiez être en désaccord avec des décisions prises, mais je ne peux pas vous laisser dire que tous sont des pourris. C'est trop simple. Il y a beaucoup d'entre eux qui ont agi, sans doute pas comme vous le souhaitiez, mais avec bonne foi et dans l'intérêt collectif.
Fin de ma petite histoire.
Celle-ci n'a d'intérêt que pour souligner que cette très bonne journaliste faisait son métier de "médiatrice" et que c'était bien réconfortant. Que toute parole parce qu'elle est parole, ne mérite pas forcément d'être entendue, et qu'une discussion intéressante n'avait pas à être polluée par des invectives...dignes de celles de Rush Limbaugh, pour rester dans le sujet d'hier! Bref, que le rôle du ou de l'interviewer n'est pas seulement de tendre son micro à n'importe qui pour qu'il dise n'importe quoi, mais d'être responsable des propos tenus devant lui.
Une jolie leçon pour élèves d'école de journalisme.
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