C'est le nombre de documents du département d'Etat américain publiés par WikiLeaks, le site qui s'est fait une spécialité de révéler les documents secrets, du Pentagone hier, du Département d'Etat aujourd'hui.
Ces documents ont d'abord fait les délices des commentateurs car les jugements des diplomates US sur les dirigeants des pays européens alliés aux Etats-Unis sont plutôt éloignés de la langue de bois! La palme revient comme souvent, au portrait de Silvio Berlusconi qualifié "d'incapable et d'inefficace", trop fêtard pour savoir se reposer. Comme d'habitude, premier à réagir, il a pris cela à la rigolade. Comme tout ce qu'on dit de lui d'ailleurs.
Les autres dirigeants européens en prennent aussi pour leur grade. Angela Merkel est décrite comme "ayant peur du risque et manquant d'imagination". Medvedev est jugé "pâle et hésitant", à l'inverse de Poutine, jugé "mâle dominant" tous deux à la tête d'un "Etat maffieux". David Cameron "manquerait de profondeur". Quant à Nicolas Sarkozy il n'a pas dû apprécier non plus que les diplomates américains le trouvent "autoritaire", "susceptible" et "roi nu".
Sur les dirigeants des autres pays, les jugements qui ont fuité ne valent guère mieux: Khadafi est considéré comme "excentrique" et "hypocondriaque", flanqué en permanence d'une plantureuse infirmière ukrainienne. Jean David Levitte, le conseiller diplomatique de l'Elysée juge Chavez "fou". Et quant au Roi d'Arabie Saoudite, il aurait encouragé les Etats-Unis à attaquer l'Iran et "à couper la tête du serpent", en parlant des Iraniens auxquels "on ne peut pas faire confiance"!
Mais au-delà de ces piques assez peu diplomatiques, la divulgation de ces documents embarrasse l'Amérique: la Maison Blanche, par la voix de son porte-parole, Robert Gibbs, a parlé de "crime". Quant à Hillary Clinton, elle a dû monter au créneau aujourd'hui en disant que c'était non seulement une attaque contre les intérêts américains, mais contre la communauté internationale toute entière.
Elle condamne, évidemment cette divulgation, craignant que cela mette en danger des vies humaines, menace la sécurité des Eats Unis, et compromette les discussions entre Etats pour résoudre les problèmes internationaux. ("It puts people’s lives in danger, threatens our national security, and undermines our efforts to work with other countries to solve shared problems.”). Elle en a profité pour prendre le contre-pied et montrer à quel point l'ensemble de la communauté internationale prenait au sérieux, comme l'Amérique, le danger d'un Iran nucléarisé .
Elle a ajouté - et tant pis pour les ambassadeurs - que la politique étrangère américaine se faisait à Washington et pas dans les ambassades. Dont acte.
Elle a raconté qu'un officiel étranger lui avait dit, non sans humour "mais si vous saviez ce qu'on dit sur vous!". Mais elle a surtout insisté sur le danger qu'il y avait - y compris pour la presse qui s'en est fait le relai - de piétiner ainsi ce qui est confidentiel et devrait le rester.
C'est au bout du compte peu glorieux pour le Département d'Etat d'être ainsi percé au grand jour. Mais faut-il livrer de pareils documents sur la place publique, même si Le Monde, Le Guardian, le NY Times, El Pais et der Spiegel - qui tous, ont publié des extraits des élément révélés par WikiLeaks - expliquent qu'ils ont pris soin d'en épurer les passages qui pouvaient compromettre la sécurité des personnes ?
C'est une vraie question de savoir si l'on doit rêver d'une société où la transparence serait absolue. Orwell en a dénoncé les méfaits il y a bien longtemps. Je m'interroge. Qu'en pensez-vous?
Les commentaires récents