" Deux ou trois choses vues d'Amérique "

La drague, selon le WaPo

J'ai envie de sourire aujourd'hui, il fait beau, c'est le printemps, les gens sont de bonne humeur dans la rue.

Dans le supplément quotidien souvent savoureux du Washington Post, Style, il y a un grand article aujourd'hui sur Demetria Lucas. Qui donc est cette femme? Une journaliste (tout le monde a été, est ou sera journaliste décidément) qui sur le net, Facebook et son blog donne des conseils de séduction aux femmes noires. Pourquoi noires? C'est ainsi qu'elle se définit, une  "Black Carrie Bradshaw", une  Sarah Jessica Parker qui jouerait dans Sex  and the City for couloured people.

Primo,  je ne vois pas en quoi le fait d'être noire change quoique ce soit à l'exercice (la leçon de drague est vous allez le voir aussi débile quelle que soit la couleur de peau), et deuxio, j'ai l'impression de lire un numéro de Cosmo d'il y a 30 ans!!! Ou peut-être de regarder un vieil épisode de Sex and The City en effet.

Sur son blog, A Belle in Brooklyn, elle dit que "maintenant qu'il fait beau et que les hommes sont sortis" (les femmes aussi, je suppose...), "il est temps de réviser le cours sur la façon d'aborder un homme"

Voici donc les 6 leçons pour draguer dispensées par Demetria Lucas, qui, visiblement en a mis plein la vue à la journaliste du Washington Post, avec ses chaussures lavande, sa jupe mi-cuisse, son éternel sourire, et sa façon d'aborder les hommes...

1) Souriez et dites "hi"; 2) ayez l'air d'être à la  recherche d'un homme, avec gloss et brushing; 3) les hommes ne vous remarqueront pas dans une pièce grâce votre esprit mais donnez-leur qqch à voir; 4) choisissez votre meilleur atout, si c'est le sourire, souriez, si ce sont vos jambes, portez une jupe; 5) les hommes ne sont pas que dans les bars, mais ils sont partout, dans la rue, dans la queue, dans le train, dans l'ascenseur; 6) sortez seule, au moins essayez, ne serait-ce qu'une fois!

Suit le reportage de la journaliste qui l'a suivie et regardée faire. Ça marche à tous les coups, s'étonne-t-elle! et elle en tire des leçons de vie: "toutes les femmes sont séduisantes, le physique a de l'importance. Combien, on ne sait pas. A vous de vous mettre à votre avantage". L'important? Cibler "the cute guys", les hommes mignons. Non, sans blague!...

C'est à mourir de rire... J'essaie de  mettre le lien,sans succès, c'est en bas de la home page du Post, mais accessible seulement si on souscrit à l'article...

Simone de Beauvoir, Doris Lessing ou Elisabeth Badinter bondiraient à lire ces fadaises sucrées et antiques comme un article de Marcel Dassault dans Jours de France! Les générations de féministes qui ont jeté leur maquillage aux orties, avaient tout faux! Demetria Lucas nous donne enfin les clés de la séduction. Le pire, c'est que même en rigolant,  je l'ai quand même lu, cet article!!!

Demain, je promets, retour aux choses sérieuses. Quoique...

Petit tour dans LE jardin

Deux jours par an, les Jardins de la Maison Blanche s'ouvrent au public.

Une visite plus formelle que les Journées du Patrimoine où, en France, je crois qu'il suffit de faire la queue. Ici, c'est sur tickets, demandés plusieurs mois à l'avance ou grâce à des invitations distribuées par les officiels, les membres du Congrès ou les huiles académiques bien introduites à la WH, qu'on pénètre dans le Saint des saints.

Grâce à une amie qui avait obtenu deux de ces cartons verts, j'ai fait comme les gogos du dimanche, je suis allée faire un tour dans les jardins obamesques. Nous devions être 3000 ou 4000 vers l'heure du déjeuner à avoir eu la même idée, en ce dimanche d'avril frisquet. Les uns avec poussettes et bébés, les autres avec grand-mère.

Bon, d'accord, c'est pas mal, comme endroit... Et on l'a tellement vu au cinéma...! Le bâtiment, vu de la pelouse sud, la South Lawn, a de la gueule. Pas question pour autant de marcher sur l'herbe, les gardes veillent aux visiteurs (français) irrespectueux qui y poseraient un pied sacrilège. Pelouse bien tondue, feuilles ramassées, tulipes en fleurs, ce ne sont pas les Jardins de Lenôtre à Versailles, mais c'est spacieux, aéré, agréable.

Il y a le coin des agrès et toboggans pour les filles Obama. Il y a le Rose Garden où Obama reçoit, devant la presse, ses hôtes étrangers. Il y a des photos de tous les Présidents plantant des arbres symboliques et une vitrine un peu ridicule où sont conservées ces précieuses pelles présidentielles.

Il y a surtout le fameux potager de Michelle pour lequel la queue était plus longue. Equipée de mon Blackberry, je n'ai pas fait de très bonnes photos, mais ce potager fait quand même pauvret. La plupart d'entre vous, dont les familles vivent hors des villes, ne se seraient pas extasiés! Il faut être américain et ne connaître les salades que pré-emballées, ou les radis pré-lavés pour s'ébahir : radis, fenouil, choux-fleurs, épinards, choux, beaucoup de jeunes pousses, pas beaucoup de plantations à terme. Pas de quoi nourrir une famille encore. On a fait grand cas de ce potager bio soigneusement entretenu, mais cela m'a fait un peu penser à la Ferme de Marie Antoinette à Trianon. Je suis ironique, sorry, l'initiative était intelligente au pays de la mal-bouffe, mais c'est de l'ordre de la maison de poupée.

Enfin, j'ai beau me moquer, j'ai fait comme tout le monde, j'ai pris mitraillé la Maison Blanche, me suis fait prendre en photo moi-même devant la pelouse, et suivi les parcours fléchés. Comme quoi, les promenades dans les bâtiments officiels, on a beau ironiser, on y cède quand même, et c'est plutôt amusant!

Un nuage qui recouvre l'Europe

C'est une drôle d'histoire que l'éruption de ce volcan islandais au nom imprononçable - Eyjafjallajokull - qui a bloqué 60% du trafic aérien en Europe. 23 aéroports français doivent rester fermés jusqu'à samedi midi au moins.

Cela va représenter une fine couche de poussière sur les sols, comme du sable que l'on trouve lorsqu'il y a des tempêtes dans le désert.Sans danger pour la santé tant que les effets en se prolongent pas. Mais pas sans répercussions climatiques paraît-il.

Pour l'anecdote, un scientifique français racontait aujourd'hui que " en 1783, l'éruption du Laki (un autre volcan islandais)avait émis énormément de cendre  et diffusé de gaz dans l'atmosphère. La météo des années qui ont suivi a été très pluvieuse et froide, sans qu'on puisse l'imputer à ce phénomène seulement. Les cultures ont été mauvaises. Et certains disent que la Révolution française pourrait être induite de tout cela, que le peuple affamé et manquant de soleil aurait été à bout de nerf".

Etranges conséquences d'un phénomène vieux comme la croûte terrestre, mais qui laisse des souvenirs collectifs synonymes de mort et de désolation. Quiconque est allé à Pompéi a vu ces vies figées dans leur élan. Chacun sait ce que signifie, dans les religions les plus anciennes, se couvrir la tête de cendres.

Mais plus étonnantes encore, sont ces conséquences inédites sur la vie frénétique du monde moderne, le blocage des transports, des avions, des vacances. Un avertissement de Dame Nature diront les superstitieux. Un symbole de la fragilité de nos sociétés en tous cas que ce nuage de cendre capable de bloquer le monde du XXIème siècle.

Hôpital: les mêmes droits, enfin, pour les homosexuels

Barack Obama avait promis durant sa campagne, de se battre pour les droits des "gays and lesbians" comme on dit ici. Cette bataille tardait à venir.

Depuis aujourd'hui, les partenaires homosexuels des malades auront un droit de visite et un droit aux décisions médicales équivalents à ceux de tous les malades.

"Every day, all across America, patients are denied the kindness and caring of a loved one at their sides,” (Tous les jours en Amérique, on refuse à des patients la tendresse et la chaleur de ceux qui les aiment et qui ne peuvent être à leurs côtés), a-t-il précisé, disant qu'on refuse ce droit aux homosexuels qui ont quelquefois passé des dizaines d'années à côté de ceux qui sont aujourd'hui hospitalisés. De nombreux Etats avaient essayé déjà de mettre un terme aux discriminations envers des couples du même sexe, mais au niveau fédéral, c'est la première fois qu'une telle décision est prise pour qu'ils soient traités exactement comme les entourages immédiats de toutes les familles.

Les homosexuels étaient déçus qu'Obama ne modifie pas plus vite la règle "Don't ask, Don't tell" qui empêche les gays de se revendiquer comme tels à l'armée, même s'il a promis de le faire dans son Discours sur l'Etat de l'Union.

Alors certes, on n'est pas dans le domaine de la loi, mais dans celui du règlement qui régit les hôpitaux. Mais petit à petit, qui pourra dire que l'Amérique - qui a encore beaucoup de progrès à faire dans le domaine des moeurs - n'est pas en train de bouger?

Michelle O se trouve un rôle à sa mesure

Tandis qu’Obama réunissait le gratin des nations à Washington, Michelle s’envolait pour son premier voyage officiel à l’étranger en solo. Même si elle a désormais l’habitude de se déplacer seule pour visiter les États américains et promouvoir les causes qu’elle défend depuis son arrivée à la Maison Blanche, c'est quand même la première fois qu'elle se rend à l'étranger, en son nom personnel certes, mais aussi en tant qu'épouse du président des Etats-Unis.
Jill Biden, le Docteur Jill Biden devrais-je dire, la femme du VP,  est partie à ses côtés pour une visite au Mexique annoncée depuis deux semaines et un arrêt-surprise par Haïti, ajouté au plan de vol au dernier moment.

 C’est donc d’abord à Port-au-Prince que l’avion présidentiel s’est posé il y a deux jours.

L’occasion pour la First Lady de réaffirmer le soutien et l’aide des Etats-Unis au président Préval, au moment où va débuter la saison des pluies à Haïti.
Après s’être entretenues avec l’épouse du président haïtien dans un palais à moitié effondré, Michelle Obama et Jill Biden sont allées à la rencontre des rescapés et des militaires américains toujours déployés sur place. Des échanges de danses et de dessins avec les enfants de la capitale qui, à défaut d’école, sont encadrés tant bien que mal par les bénévoles locaux ou les NGOs sur place. Puis, visite d’un des 1.200 camps de réfugiés du pays pour un constat navré :"C’est terrifiant. Partout, les dévastations sont terrifiantes"a-t-elle dit, visiblement affectée.

Et comme une triste ironie du sort, le jour même où Michelle survolait Port-au-Prince dévasté, la terre se remettait à trembler, de l’autre côté de la planète cette fois, dans une région isolée du plateau tibétain.
Un séisme de 6.9 sur l’échelle de Richter qui a déjà fait plus de 600 morts et des milliers de blessés, sans compter les destructions des habitations et autres bâtiments provoquées par les répliques sismiques qui se sont fait sentir jusqu’en dans la province de Qinghai, frontalière du Tibet.

Hier, étape Mexico: et c’est par un long entretien avec la Première dame du Mexique, Margarita Zavala, que Michelle et Jill ont entamé leur visite de deux jours.

Dans ce pays, pour lequel elle a réaffirmé l’amitié de l’Amérique, Michelle Obama est venu parler aux jeunes. L’importance de l’éducation, le danger des drogues mais aussi les ponts entre la culture américaine et mexicaine, ou encore l’immigration :  devant les étudiants de l’université Iberoamericana, la First Lady a repris le slogan de campagne de son mari pour inciter les jeunes Mexicains à croire en eux.
"Ayant grandi dans les quartiers de sud de Chicago, j’ai vécu auprès de la plus large communauté mexicano-américaine de la ville. Nous avons de réels et profonds liens : nos valeurs, nos cultures, nos aspirations sont les mêmes. (…) Vous devez travailler aussi dur que vous pouvez et toujours faire de votre mieux, en gardant à l’esprit cette conviction propre à la jeunesse qui se résume en trois simples mots : ‘Si, se puede –- Yes, we can."

Les sceptiques diront que ces discours charitables n'engagent à rien. Les Français pourront s'étonner qu'une femme, non élue par le peuple et qui n'existe que par son statut d'épouse, soit amenée à prendre ainsi un rôle officiel. Il reste que pour l'avoir vue à la télévision, je l'ai trouvée très à l'aise, ni Princesse Diana, ni Marie-Antoinette en visite chez les déshérités de la planète. Difficile d'être vraie dans ce rôle.

Cela dit, Mr President, va falloir vous réengager sur le terrain intérieur, car les sondages restent à la baisse - quoiqu'encore à 49%!

Obama, Président du monde durant deux jours

On peut tourner la chose comme l'on veut, et les Républicains ne s'en priveront pas, mais le sommet qui s'est tenu à Washington pendant deux jours est un  succès pour Obama et pour le prestige retrouvé de l'Amérique.

47 chefs d'Etat ou de délégations réunis autour de lui dans une immense salle bleue, autour d'une gigantesque table ronde, ont donné à cette rencontre autour de lui un lustre sans précédent.

Ce fut bien entendu de l'image, mais pas seulement. Obama a beaucoup insisté sur la menace que pouvait représenter pour le monde la possibilité que des matériaux nucléaires tombent entre les mains de terroristes.

Il a souligné  le fait - ce qui est nouveau dans la doctrine américaine - que cette sécurisation des armements nucléaires, était devenue, comme l'économie l'a montré lors de la crise financière, un enjeu collectif à défendre collectivement : “The problems of the 21st century cannot be solved by nations acting in isolation — they must be solved by all of us coming together.” Les problèmes du XXIème siècle ne peuvent pas être résolus par les nations agissant isolément - ils doivent l'être par nous tous, ensemble".

Une arme, a-t-il dit, faite d'une masse de plutonium pas plus grosse que celle d'une pomme pourrait causer la mort de centaines de milliers de personnes. Il semble qu'il ait été entendu. D'autant plus que le communiqué final insiste sur le droit parfaitement naturel pour toutes les nations qui le veulent, d'acquérir la technologie nucléaire pour leurs besoins civils.

Medvedev a promis de fermer un réacteur. Hu Jin Tao a accepté de se joindre à un autre paquet de sanctions contre l'Iran, bien que 12% des besoins de pétrole de la Chine provienne d'Iran. Et l'Ukraine se débarrassera d'ici deux ans de ses stocks d'uranium, le Mexique et le Chili feront aussi des efforts. Même si Obama n'a pas su convaincre les frère ennemis indiens et pakistanais de renoncer à leur course aux armements ( le Pakistan inquiète les Etats-Unis notamment car Al Qaida  y a des bases puissantes), on peut dire que ce sommet à grand renfort de flics, sirènes et rues barrées a su aboutir à des résultats concrets et pas seulement à une démonstration de puissance de la première puissance mondiale.

Messieurs les Républicains, si soucieux de la sécurité nationale et du prestige de votre pays, croyez vous qu'un tel sommet se serait tenu de la même manière sous la présidence de Georges W Bush? Et croyez-vous, en votre âme et conscience qu'il pourrait se tenir sous un futur Président élu de l'Amérique des Tea Parties?

Et si des armes nucléaires tombaient aux mains de terroristes?

Les hélicoptères ne cessent de tourner au dessus de ma maison et Washington, pour m'y être aventurée, est pleine de  voitures de police, de véhicules estampillés ‘Secret Service’ et de SUV (4x4) aux vitres teintées encore plus secrètes qui s’agglutinent le long des grands hotels. Un vrai film sponsorisé par la CIA!

Il faut dire que ce sommet sur la sécurité nucléaire est le plus large rassemblement de chefs d’Etat depuis celui organisé par Roosevelt à San Francisco en 1945 – meeting qui avait abouti alors à la création de l’ONU.
Et si l’objectif de Barack Obama est nettement plus modeste que celui de son prédécesseur, il n’en reste pas moins que la question nucléaire reste un enjeu sensible pour la plupart des pays invités qui sont au nombre de 47.

A la suite de sa politique initiée à Prague la semaine dernière, Barack Obama espère obtenir deux avancées à l’issue de ces deux journées de discussions : une meilleure sécurisation des usines et stocks de plutonium et d’uranium enrichi, et un consensus sur la réponse à apporter aux pays qui continuent à défier tous les traités internationaux, c’est-à-dire l’Iran et la Corée du Nord.

Car la prolifération des armes nucléaires est, selon lui, le problème inquiétant de l’heure :"Je suis inquiet quant à la sécurité nucléaire à travers le monde. Et l’une de mes plus grandes inquiétudes est celle de la perte (ou du vol) du matériel nucléaire éparpillé çà et là. (…) Aussi, nous ne saurions nous contenter aujourd’hui d’une vague et insipide déclaration d’intention. Nous voulons garantir la maîtrise du matériel nucléaire d’ici les quatre prochaines années et nous allons définir un programme spécifique pour faire en sorte d’y parvenir."

(“I am concerned about nuclear security all around the world . One of my biggest concerns has to do with the loose nuclear materials that are still floating out there. (…) Our expectation is not that there’s just some vague, gauzy statement about us not wanting to see loose nuclear materials. (…) We’re going to achieve locking down all the nuclear materials over the next four years, with very specific steps in order to assure that.”)

Ainsi dès hier, Barack Obama entamait sa première série d’entretiens individuels, rencontrant deux des partenaires indispensables pour la réussite de ce sommet : les Premiers ministres de l’Inde et du Pakistan. Aujourd'hui, il devra notamment convaincre les représentants de la Jordanie, de l’Ukraine et surtout de la Chine de l’urgence d’un tel plan de sécurisation. Et les communiqués tombent au fur et à mesure des entretiens, avec notamment les félicitations pour les pays ayant renoncé d'eux mêmes à l'arme nucléaire comme l'Afrique du Sud et le Kazakhstan.

Et afin de réunir l’ensemble tout le monde derrière lui, Barack Obama a choisi de centrer ce sommet au-delà de la question de l’Iran. Il a en effet présenté hier la menace terroriste comme le scénario catastrophe, au cas où Al Qaida récupèrerait une arme nucléaire dont ils n'hésiteraient pas à se servir.

Est-ce vraisemblable, tant cela ressemble aux pires scénarios de films de science fiction? On a toujours dit qu'il faudrait aux terroristes non seulement les ingrédients des bombes, mais aussi des lanceurs, ce qui paraît moins évident. Il reste que j'imagine qu'aucun pays n'a envie de 'payer pour voir' et que cette stratégie anti-terroriste ralliera mieux les bonnes volontés qu'une politique qui ciblerait exclusivement l'Iran et la Corée du Nord.

Obama-Karzai, des relations qui se tendent

Je vous parlerai un peu plus tard du sommet sur la sécurité nucléaire qui se déroule à Washington aujourd'hui et demain. Quand on est ici, comment l'ignorer, tant, depuis l'aube, les voitures de police traversent les rues toutes sirènes hurlantes, dans une ville en état de siège: 40 chefs d'Etat sont attendus au Convention Center en plein centre ville, fermé à la circulation. Je dois aller en voiture à la gare, à Union Station, récupérer une amie, et je me demande comment réussir  à passer!

En attendant, quelques mots d'un sujet qui a fait polémique toute la semaine dernière, et que, vu d'Europe, je n'avais pas suivi: les suites du voyage-éclair de Barack Obama et la dégradation des rapports entre les Etats-Unis et l'Afghanistan.

Quelle politique en effet  adopter face à Hamid Karzai ?
Telle est la question qui préoccupe la Maison Blanche à un mois de sa venue à Washington - visite que le porte-parole d’Obama a d’ailleurs du confirmer ce matin, tant les rumeurs d’annulation étaient devenues de plus en plus pressantes ces derniers jours.

Il faut dire que depuis le début de l’année, les relations entre Barack Obama et Hamid Karzai s’étaient un peu tendues et tandis que le premier appelait à des réformes plus rapides et une coordination plus grande avec les troupes américaines et de l’OTAN, le second ne cachait plus son mécontentement face aux Occidentaux bien pressants et impatients.

Avec son voyage-éclair il y a deux semaines, Barack Obama avait choisi la méthode ferme et directe.
Et si BO avait réaffirmé son soutien politique et militaire à son homologue afghan, il était aussi venu répéter les conditions de son engagement : discuter avec le Président Karzai afin de lui faire comprendre que durant son second mandat, certaines questions n’ont pas reçu l’attention qu’elles méritaient,  et notamment un système de nominations aux postes officiels du gouvernement basé sur le mérite, la lutte contre la corruption et le combat contre les narco-trafiquants, qui continuent de financer les forces rebelles du pays. Bref, un ton sévère, mais justifié par le fait qu'Hamid Karzai traîne à plaisir les pieds notamment sur les nominations prévues.

A peine Obama remonté dans son Air Force One que propos rapportés et indiscrétions venaient envenimer une visite rudement menée.
Deux jours après le départ de BO, des propos incendiaires qu’aurait tenus Hamid Karzai lors d’une réunion à huis-clos avec son parlement parvenaient jusqu'à Washington. Le président afghan aurait menacé de rejoindre ses "frères Talibans" si les Américains continuaient de lui faire la morale sur la conduite de ses affaires et le modèle de gouvernement à adopter.
Aussitôt démenti, un nouveau discours – cette fois public et retransmis a la télévision – venait rajouter au malaise. Dans cette allocution officielle, Hamid Karzai rejetait la faute sur les forces alliées, accusant l’ONU et les Européens de favoriser la corruption et d’être impliqués dans les fraudes électorales d’août dernier : "Il n’y a aucun doute quant au caractère généralisé de la fraude électorale mais cette fraude n’était pas le fait des Afghans. Elle a été organisée par les forces étrangères. (…) Et la frontière entre l’invasion et l’assistance est étroite."

Devant cette surenchère qui s’est prolongée toute la semaine, la Maison Blanche semble avoir ajusté sa politique.
En effet, après avoir qualifié les propos d’Hamid Karzai de "troublants" ("troubling comments") et demandé des justifications (“We are seeking clarification from President Karzai about the nature of some of his remarks.”), l’administration Obama changeait de ton.
Vendredi, le général Jones, conseiller pour les questions de sécurité nationale, faisait savoir de Prague que Barack Obama venait d’envoyer une lettre de remerciement à Hamid Karzai - “a respectful letter” précisait-on.
Hier, dans une solidarité retrouvée, McChrystal (le commandant en chef en Afghanistan) accompagnait Hamid Karzai à Kunduz, ville du nord de l’Afghanistan qui était encore totalement sous contrôle taliban en décembre dernier. Et c’est sans un commentaire que le Général américain a écouté le Président afghan appeler à un cessez-le-feu bien ambigu : "J’en appelle aux Talibans, aux Talibans de Kunduz : Frères chéris… rejoignez-moi et vous aurez votre mot à dire mais pas avec les armes. Vous dites ‘les forces étrangères sont dans nos murs’ Mais tant que vous continuez le combat, ils ne partiront pas."
("I call on the Taliban, the Kunduz Taliban: Brothers! Dears!... Come and have your say, but not by the gun," Karzai said. "You say, 'Foreigners are here.' But as long as you fight, they won't leave.")

NY Times  sur l'Afghanistan

Et à quelques heures de l’ouverture du sommet sur la sécurité nucléaire, la Maison Blanche profitait des rendez-vous politiques du dimanche pour faire passer un ultime message d’apaisement, envoyant Robert Gates sur le plateau d’ABC et Hillary Clinton sur celui de NBC pour affirmer qu’Hamid Karzai serait attendu avec impatience le 12 mai prochain, tant il restait un partenaire indispensable pour les Américains...

Ça s'appelle un rattrapage de dernière minute envers un allié sur lequel les Occidentaux ont plus que des doutes.

Un pays décapité encore une fois

C'est incroyable ce qui arrive aux polonais, et leur chagrin et l'incrédulité se lisent sur les visages de ceux qui se sont rassemblés devant le palais présidentiel à Varsovie.

Toutes les télés du monde montrent ces images d'un pays décapité pour la deuxième fois en 70 ans.

Katyn (il faut voir le film de Wajda) a été le lieu, je le disais ce matin, où, sur ordre de Staline, la police soviétique, le NKVD (ancêtre du KGB, aujourd'hui FSB) a exécuté une partie de la société civile polonaise, plusieurs milliers de personnes, hommes politiques, universitaires, chercheurs, scientifiques, étudiants. Pendant 50 ans, l'URSS a nié ce crime, comme étant de son fait. Ce n'est qu'en 1990, que Gorbatchev a publiquement reconnu le massacre et présenté ses excuses au peuple polonais. Et pour la première fois cette année, des officiels polonais et russes devaient se recueillir ensemble...

C'est fou. Je suis très émue de ce drame qui frappe une Pologne symbole d'un pays tant de fois mis à mort. J'étais dans cette ville il y a deux semaines et j'évoquais ici même les difficultés de la mémoire. Quand le deuil devient lui-même source de deuil, on a du mal à réaliser...

Destin

Le président Polonais, Lech Kaczynski, est mort dans son avion ainsi que 132 personnes qui étaient à bord du Tupolev.

Il venait de Varsovie et s'est écrasé à côté de la ville de Smolensk en Russie. Son épouse, le président de la Banque centrale de Pologne, le vice-ministre des affaires étrangères, le chef d'état-major polonais  et l'ancien président polonais en exil à Londres Ryszard Kaczorowski se trouvaient parmi les passagers du Tupolev 154.

Toute cette délégation devait se rendre à Smolensk pour marquer les commémorations du 70ème anniversaire du massacre de Katyn, où des officiers polonais ont été exécutés il y a 70 ans par la police de Staline. Les familles de ces officiers l'accompagnaient pour se recueillir sur les tombes de leurs parents ou grands parents. 

Terrible ironie de l'histoire.