L'Amérique, haïssable pour les uns, admirable pour les autres, n'est ni l'une ni l'autre. Elle a ses grandeurs et ses faiblesses. Quelquefois au sein même de ses propres institutions.
Depuis hier, on peut suivre en direct à la télévision la première série d’auditions visant à examiner la nomination d’Elena Kagan, pressentie par Barack Obama pour remplacer John Paul Stevens (90 ans !) à la Cour Suprême. Et je m'émerveillais de cette procédure incroyablement démocratique qui voit le pouvoir de nomination du Président pouvoir être discuté, et qui sait, mis en pièces parfois par le Sénat. Depuis hier en effet, les moindres faits et gestes d'Elena Kagan sont épluchés, jusqu'au nombre et à la diversité des nominations qu'elle a effectuées en tant que doyen de l'Université de Harvard.
C'est que la Cour Suprême est ici à la fois le Conseil Constitutionnel, la Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, et que - pour le pire ou le meilleur - son pouvoir de décision est immense sur la justice américaine.
Mais aujourd'hui, la Cour Suprême a rendu un arrêt qui fait frémir tout autre qu'un Américain, et qui distinguera, une fois de plus, son pays des autres démocraties occidentales..
A cinq voix contre quatre, les juges de la Cour Suprême ont en effet décidé de lever les dernières restrictions qui permettaient encore aux villes américaines qui le souhaitaient, de limiter le port d’arme à feu, en déclarant "inconstitutionnelle et illégale" la réglementation mise en place par la ville Chicago pour réduire la circulation des armes dans ses murs.
La Cour avait été saisie en 2008 par Otis McDonald, un habitant de Chicago, qui jugeait que les mesures prises par sa municipalité violaient le "sacro-saint" second amendement. Et très vite, l’affaire "McDonald vs. Chicago" avait mobilisé l’attention – et les moyens – de tous les lobbys pro - ou anti - armes à feu.
En décidant de statuer en faveur de McDonald, les cinq juges ont révoqué le droit de Chicago, et de facto, toutes les autres villes qui, comme elle, auraient légiféré pour limiter le port d’armes à feu, de réglementer en la matière.
Il est donc désormais clair, reconnu et réaffirmé que tout Américain a le droit de posséder sa propre arme dans tous les Etats comme dans toutes les villes, le second amendement l'emportant sur les référés municipaux: "Nous considérons que le droit (garanti par le) second amendement est pleinement applicable au niveau des villes comme des Etats" a explique Samuel Alito, l'un des neuf juges de la Cour Suprême.
Il faut rappeler qu’il y aurait un peu plus de 280 millions d’armes à feu en circulation aux Etats-Unis – un chiffre toujours approximatif car il existe encore des Etats où l’inscription sur registre des acquéreurs d’armes n’est pas obligatoire.
Et si depuis 1994, tous les armuriers du pays ont l’obligation de vérifier les antécédents de toute personne venant acheter une arme et l’interdiction de vendre aux anciens condamnés pour crime, toxicomanie, violences conjugales et aux individus souffrant de déficiences ou maladies mentales, certains Etats autorisent la vente d’armes de chasse aux mineurs. (Plus précisement au plus de 12 ans accompagnés d’un adulte et sous réserve que le canon ne dépasse pas 30 cm/ 12 inches )
Hier soir, le plus puissant et le plus conservateur lobby américain, la NRA - la National Rifle Association - et ses quelques 4,3 millions de membres selon le chiffre de 2008 - ) se réjouissait et affirmait qu’"il s’agiss(ai)t d’un grand jour dans l’histoire des Etats-Unis"...
Grandeur et faiblesses? Difficile de voir là de la grandeur.
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