" Deux ou trois choses vues d'Amérique "

Requiem pour George Bush

Je ne sais pas s'il faut avoir de la pitié ou de la colère devant la dernière interview de George Bush sur ABC dont certains d'entre vous ont parlé hier et que je n'ai pris le temps de regarder en entier qu'aujourd'hui.

Le type n'est pas désagréable. Plus sympathique en tous cas que Dick Cheney! Evidemment, si c'est le critère, ce n'est pas dur, je vous l'accorde :-)

Il n'est pas très malin, c'est sûr, et il est surtout désarmant d'innocence, vraie ou fausse, je n'arrive pas à savoir.

Il faut quand même une sacrée dose de culot  - ou de naiveté - pour affirmer "je n'étais pas préparé à faire la guerre", à un peuple qui le déteste de l'avoir embarqué dans cette galère pour des fausses raisons et de vrais mensonges des services de renseignements...

Comme m'a dit quelqu'un que j'ai croisé aujourd'hui, en tous cas il n'était sûrement pas préparé à être Président!

L'édito du Monde

Que les journalistes français sont donc sensibles aux effets d'annonce plus qu'au fond!

L'édito du Monde d'aujourd'hui sur l'équipe d'Obama m'a mise en colère.

Comme c'est l'édition électronique et que je ne peux pas vous donner d'URL, je vous copie cet extrait qui donne le ton:

Obama et l'Europe

L'équipe de politique étrangère qu'a présentée Barack Obama, lundi 1er décembre, n'a surpris personne. Les fuites sciemment distillées à la presse au cours des derniers jours avaient pour but de préparer l'arrivée d'Hillary Clinton au département d'Etat et le maintien du républicain Robert Gates à la défense. Mais surtout, aucun visage nouveau n'est apparu, contrairement à ce qu'on aurait pu attendre d'un président élu qui, candidat, avait promis le changement.

Qu'auraient-ils donc voulu? Des "annonces" à paillettes, des têtes nouvelles pour le plaisir d'en faire des articles?

Que cette équipe soit sans doute la plus difficile peut-être à coordonner, en raison de ses personnalités fortes, soit. Mais qu'elle soit "attendue" ou non, où est le sujet?

Que cette équipe révèle un Président sûr de sa force comme je le disais hier, n'est-ce pas plus important que de tout savoir déjà sur  la bio d'Hillary?

Les Américains ont des défis cruciaux à résoudre: Deux guerres, se retirer de l'une d'entre elles, la Corée du Nord, l'Iran, l'Inde et le Pakistan, le Proche-Orient, une nouvelle vision du multilatéralisme et il aurait fallu pour amuser les journalistes leur mettre des petits nouveaux???

C'est vraiment faire attention à la photo plus qu'au résultat.

Non, les vraies questions sur lesquelles on mérite de s'interroger sont ce que signifie  désormais "terrorisme" pour cette administration? C'est de savoir quand l'Amérique s'autorise la poursuite des talibans extrémistes  sur le territoire Pakistanais,si  elle serait d'accord pour que l'Inde fasse de même? C'est de savoir comment on intensifie la guerre en Afghanistan sans s'embourber? Sur ce qu'on fait des détenus de Guantanamo?

Quant à l'équipe elle-même, il n'y a peut être pas de petits nouveaux (quoique la nomination de Susan Rice comme ambassadeur à  l'ONU avec rang de ministre montre bien la volonté de recréer le multilatéralisme qui avait disparu sous Bush), mais c'est l'équipe la plus solide et la plus diverse qui soit (deux hommes blancs, 3 femmes, 2 africains américains dont un ministre de la Justice pour le première fois!).

Enfin, le Général Jones, nommé à la Maison Blanche connaît l'Europe, parle le Français comme l'Anglais, et montre une ouverture à nos régions, ce que le personnel politique français, qui ne dit pas un mot d'anglais, Président et Premier ministre compris (mise à part Christine Lagarde qui le parle couramment) est incapable de faire vis à vis du monde anglo-saxon!!!

Voilà ce qui rejoint ce que nous disions l'autre jour des expat'. Ils finissent par trouver le monde qu'ils ont quitté bien étriqué. Heureusement que les journalistes américains qui voient la crise s'intensifier chaque jour, qui mesurent l'immensité des espoirs que porte ce nouveau Président, qui comprennent qu'il n'a pas de baguette magique et qu'il décevra, forcément, n'ont pas ce type de réaction... Que disiez vous, Charlotte, du journal de France 2???

Obama n'a peur de rien

...Et surtout pas des esprits brillants qui pourraient lui faire de l'ombre, et dont il a compris intelligemment qu'ils ne pourront que lui donner encore plus de lustre et d'autorité.

On peut avoir de l'admiration pour les Hommes d'Etat - et croyez moi, ils sont peu nombreux - qui sont assez sûrs d'eux-mêmes pour accepter d'être entourés de gens de premier ordre. C'est le sens de l'équipe de Sécurité Nationale que vient de se choisir Obama.

Il aurait pu choisir la facilité en ne nommant pas Hillary comme seconde voix de l'Amérique après lui.

Il aurait pu choisir le confort en ne gardant pas Gates, celui qui fut sous Bush le ministre de la Défense.

Il aurait pu choisir la tranquillité en nommant au poste de NSA (National Security Adviser) un proche plutôt que Jones, le général ami de McCain.

Il a choisi la Raison d'Etat, ce qui est toujours le meilleur choix, mais le moins facile.

Il avait - et Hillary aussi - un petit sourire ce matin quand les journalistes ont demandé quel effet cela faisait de choisir celle qui avait dit de lui qu'il avait peu d'expérience et dont il avait dit lui-même que ses prétentions à connaître la planète étaient un peu exagérées. Ils avaient tous les deux raison de sourire car ils savent qu'ils devront donner le meilleur d'eux-mêmes, au delà des querelles de campagne pour gouverner un pays qui a besoin qu'on lui rende l'espoir.

Hé bien, chapeau au Président élu. Les Américains peuvent être fiers. C'est sans doute la première de ses décisions vraiment impressionnantes. Vivement la fermeture de Guantanamo!

Réponses en vrac

Quelques réponses en vrac à ceux qui ont mis des post ce week end:

@ Rachel et Charlotte : ma dernière émission avec Le Pen a été un Questions à Domicile – chez lui, à la Trinité sur Mer – en 1988. Je me suis jurée après cette épreuve de ne plus jamais l’interviewer. Et quand le CSA - vous savez, cet organisme qui nommait le PDG de France Télévision avant qu’il ne soit nommé comme autrefois en Conseil des Ministres :-( - quand le CSA donc, a voulu que Le Pen candidat à la présidentielle ait accès à 7/7, je l’ai laissé venir mais je n’ai pas fait moi même l’interview, en laissant le directeur de l’information la faire à ma place ( la seule fois où je me suis faite remplacer en 13 ans !)

 @ Michèle Doige : votre référence à Jack Kerouac m’a glacée de timidité. Je ne suis pas sure d’oser écrire encore… Heureusement que Franççoise Dumont me déculpabilise… !

 @ Françoise : Tristes Tropiques est une étape de la pensée contemporaine, pas de doute. Mais pourquoi Levi-Strauss s’est-il toujours à ce point refusé à commenter le monde dans lequel il a vécu, et ce , depuis 1939 : pas un mot sur l’Occupation, le colonialisme, la société d’aujourd’hui, le racisme, l’intolérance, les injustices ? Je suis réticente à ce que tous les intellectuels s’expriment à tort et à travers, mais quand on est Levi-Strauss, on pense quelque chose sur e monde qui nous entoure et pas seulement sur les Bororos !!!

 @ jog : j’ai a à peu près le même sens de l’orientation que votre femme! soyez indulgent !

 @ Hélène : Merci de vos mots aimables. Mais American Vertigo de BHL avait pour ambition de relire l’Amérique 150 ans après Tocqueville. Je n’ai pour ambition que de donner quelques imqges impressionnistes et recueillir les vôtres.

@ tous: Obama vient de faire ses annonces attendues et néanmoins spectaculaires. On y revient plus tard.

Charleston

C'est beau, mais c'est loin... Des heures et des heures de route pluvieuse ou plutôt d'autoroute sans grand intérêt.

Mais la Caroline du Sud est belle et douce.

 

La plage, immense,  est comme celle de Saint Malo l’hiver, en dix fois plus imposante. Marée haute, grosses vagues grises, sable fin. Non pas question de bronzette, mais d’air marin iodé.

Charleston est une jolie ville. Moins que Savannah je crois, qui est moins « bourgeoise », plus typique.

J’ai cherché Rhett Butler partout mais n’ai trouvé qu’un café qui porte son nom !La place du marché est pour touristes. Le musée de la Confédération ne m’a pas émue, mais les belles maisons patriciennes, vaguement palladiennes, le long de la baie m’ont paru pleines de souvenirs avec leurs colonnades, leurs immenses porches, leurs grands escaliers d’où l’on imagine Scarlett descendre en robe de bal...

 Désolee Robert, pour les burger immondes sur le bord de l’autoroute, mais pour la pause…café, c’était inévitable. Cela ne se reproduira plus, je promets !

En revanche, dans ces mêmes stations services/restoroutes, des présentoirs entiers avec des bibles en pagaille : en résumé pour lecteurs pressés, en images avec Charlton Heston en illustration (vous savez, celui qui joua Moise dans les Dix Commandements avant de tourner propagandiste pour la NRA et les armes à feu). Des  bibles en format poche, d’autres pour petits garcons et petites filles.On est dans le Sud religieux. Et la religion aux Etats-Unis...

 Dans une demi heure, c’est l’annonce par Obama de son équipe internationale, de défense et de sécurité. Avec Hillary and co. Je regarde et on commente.

Le Sud

Non, pas le magnifique, de Nino Ferrer, mais celui des Etats-Unis qui n'est pas mal non plus.
Plages immenses et vides, vent doux, quelques timides palmiers, ce n'est pas la Floride, ce n'est que la Caroline du Sud, mais les lauriers roses y fleurissent.
Maisons coloniales et nostalgiques. Demain, j'irai à Charleston. Tout ici rappelle la Guerre de Sécession. Et quand dans les livres, on écrit  "the War", c'est à celle-ci que l'on pense.

On a voté McCain ici, alors qu'en Caroline du Nord - ô révolution - ils ont voté Obama.
Sur la route 95, celle qui descend du Nord au Sud, même les fast food le long de l'autoroute rappellent qu'on est en pays Républicain, patriote et religieux. Des affichettes rappellent qu'il faut penser à nos "valeureuses troupes qui se battent pour nous en Irak" - hélas! - et invitent les passants à leur adresser un message.
Dans une autre station-service-café-burger-bien gras-au cheddar pas fondu (berk, n'est ce pas  Robert de Marrakech?), des "cahiers de doléances" épinglés au dessus des banquettes proposent aux consommateurs de passage d'écrire ce que leur évoque Noel ou ce qu'ils souhaiteraient le plus en ce bas monde. Au milieu des "Jésus" et de la paix dans le monde, un non orthodoxe a écrit: "moins de silence, plus de conversation". Pas mal, non?

Apres la dinde...

1) Pas de connection possible ou je suis dans ke Sud avec mon Mac, si bien que j ecris sur le petit, tout petit PC de mon mari (on peut aussi allumer une guerre PC/Mac?) qui n a qu un vulgaire clavier qwerty sans accent. Pardon donc pourla lecture difficile

2) J' ai declenche la colere de Marc Cormier, Joseph C et Rachel sur les Indiens et Thanksgiving. Je ne pratique pas la responsabilite collective et je ne pretends evidemment pas que les Americains d'aujourd'hui sont responsables du massacre des Indiens d'hier.
Mais on a le droit de s'interesser aux symboles collectifs, et comme le fait remarquer Michele Doige l'histoire des pionniers, la symbolique de la moisson et le remerciement aux populations "indigenes" sont suffisamment meles pour qu'on s'interroge un peu sur la signification de la fete, meme si en effet, elle fut surtout instituee pour solidifier une appartenance collective.
En fait, ma question etait brutale a la fois par manque de temps (il fallait prendre l'autoroute avant le rush hour) et par desinvolture, comme me le font remarquer Celine et Laurence.

Cela dit, les explications donnees par Melanie, Michele Doige et Celine sont toutes assez proches.
Ce ne sont pas des cliches, c'est un point d'histoire qui fait a peu pres consensus... Maids je promets d'aller verifier plus avant.

3) Jolies, les variations sur la dinde (Jog et sa voisine, Francoise et tous ceux qui se sont amuses avec S Palin) et merci a Robert de marrakech qui nous a donne une recette pleine d'humour, parce que comme disait Frederic, la dinde, en fait, c'est drolement sec... ( je vais me faire insulter par la ligue de protecti0on des dindes maintenant!)

4) plus importantes que tout cela sont les nouvelles de Mumbai aujourd'hui. Cette fois, Obama s'est refugie derriere "one president at a time". De fait que faire a part condamner ce carnage une fois de plus?

5) je vais suivre le conseil de Marianne et debrancher un peu. Le Sud est beau, il y fait doux et je vais en profiter un peu.

Bon Thanksgiving à tous

Bonne dinde (pas celle du délire de Céline!). Question aux Américains: Thanksgiving, est ce une action de grâce pour remercier Dieu d'avoir fait aborder les pionniers sains et saufs? Ou pour remercier les Indiens de les avoir si bien accueillis - avant de se faire massacrer? En attendant, je pars sur la route vers le Sud, mais vous posterai de la bas. Comment me passer de vous 3 jours???

Big, bold and smart

D'envergure et audacieuse, c'est la politique économique que propose Obama qui a littéralement pris possession de la crise, au risque de laisser filer l'état de grâce et d'apparaître, dès le 20 janvier comme déjà a la manoeuvre depuis longtemps.

Les investissements de l'Etat dans l'économie seront très importants: entre 400 et 500 milliards de dollars (et non "millions" comme j'avais dit malencontreusement hier et comme me l'a fait remarquer quelqu'un ce matin). Et qui seront prêts à être signés dès le 20 janvier.

Ce ne seront pas des mesures destinées à répondre seulement à la crise, mais des investissements dans les infrastructures (routes, ponts, écoles laissés à l'abandon), dans de nouvelles sources d'énergie, dans l'éducation, la santé.

Ce ne sera pas un new New Deal, mais un smart New Deal. 

Un Big, bold and smart Government qui prendra le budget ligne à ligne pour le réformer.

Tout cela a l'air d'être bien accueilli, et surtout cette situation étrange d'un Futur président qui parle tous les jours quand l'autre se tait. Qui semble prendre les problèmes à bras le corps. Et qui trouve le moyen, trois semaines après son élection de faire remarquer que si 53% des Américains ont voté pour lui, il en reste 47 % qui ont voté McCain et qu'il ne veut pas laisser de côté. A méditer...

Sans doute va-t-il trouver les moyens de concilier par ses mesures audacieuses et son entourage responsable deux adjectifs jusqu'ici antinomiques en politique: progressiste et pragmatique.

A demain pour une nouvelle aventure/conf'de presse de celui qui est déjà Président

Obama, Président de fait

Obama va reparler aujourd'hui à midi. Et demain de nouveau.

Face à l'ampleur de la crise, on a l'impression qu'il a décidé d'être déjà aux commandes et décider. Il avait dit "there is one President at a time". Il avait raison, c'est lui.